Donald Trump et d’autres responsables républicains accusés de tout savoir des pressions exercées sur l’Ukraine: les révélations d’un associé de Rudy Giuliani, l’avocat personnel du président américain, confortent le dossier d’accusation à l’ouverture de son procès en destitution jeudi.
Dans une interview mercredi soir à la chaîne MSNBC, Lev Parnas, homme d’affaires d’origine ukrainienne inculpé en octobre pour violation des lois sur le financement des campagnes électorales, a affirmé que le président savait tout des efforts que M. Parnas menait auprès des autorités ukrainiennes, avec un autre associé Igor Fruman, pour qu’elles compromettent Joe Biden, ex-vice président démocrate et candidat à la présidentielle 2020.
“Le président Trump savait exactement ce qui se passait, il était au courant de mes déplacements, je ne faisais rien sans le consentement de M. Giuliani ou du président”, a notamment affirmé cet homme de 47 ans, son avocat à ses côtés, dans un revirement spectaculaire contre M. Giuliani et M. Trump.
M. Parnas a aussi certifié que M. Trump “avait menti” en affirmant ne pas le connaître.
“Nous n’étions pas amis (…) mais il savait exactement qui nous étions et en particulier qui j’étais, car j’ai interagi avec lui à de nombreuses reprises.”
M. Trump a néanmoins répété jeudi qu’il ne connaissait pas M. Parnas.
“Je ne le connais pas, je ne crois pas lui avoir déjà parlé”, a indiqué le président américain depuis la Maison Blanche, en reconnaissant que des photos avaient néanmoins pu être prises des deux hommes.
M. Parnas a aussi affirmé qu’il avait toujours été clair que ces pressions sur l’Ukraine étaient “entièrement” destinées à saper les chances de Joe Biden, et non pas à lutter contre la corruption, le principal argument de Donald Trump.
Surveillance illégale ?
Dans d’autres entretiens au New York Times et à CNN, M. Parnas a assuré que plusieurs responsables républicains étaient au courant de ces pressions, traçant un cercle impliquant largement l’entourage du président.
M. Parnas a notamment impliqué le ministre de la Justice William Barr, l’élu californien Devin Nunes, numéro 2 de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, et deux autres personnes liées au financement de la campagne de réélection de M. Trump.
M. Parnas a fait ces déclarations alors que les démocrates du Congrès rendaient publics des documents – photos, SMS – semblant étayer les pressions menées sur les autorités ukrainiennes, ainsi que les efforts de M. Giuliani et M. Parnas pour faire limoger l’ambassadrice américaine à Kiev Marie Yovanovitch, jugée anti-Trump.
Des messages échangés entre M. Parnas et un candidat républicain à la Chambre des représentants, Robert Hyde, portent ainsi à croire que ce dernier communiquait avec des gens en Ukraine qui surveillaient les allers et venues de l’ambassadrice en mars, soit peu avant son rappel de Kiev en mai.
M. Parnas a assuré qu’il ne fallait pas prendre au sérieux ces messages, balayant l’idée que la diplomate, qui avait livré un vibrant témoignage télévisé au Congrès mi-novembre, ait pu être surveillée.
Mais l’Ukraine a annoncé jeudi ouvrir une enquête, et le FBI s’est rendu jeudi au domicile de M. Hyde, selon une source anonyme citée par CNN.
Ces informations ont conforté ceux qui accusent M. Trump d’avoir importé des méthodes mafieuses à la Maison Blanche.
Une ex-procureure fédérale new-yorkaise, Mimi Rocah, a tweeté que ces messages suggéraient qu'”un coup mafieux” se préparait contre Mme Yovanovitch.
M. Parnas, aujourd’hui citoyen américain, a plaidé non coupable aux chefs d’accusation retenus contre lui, pour lesquels il encourt 20 ans de prison.
Désormais prêt à coopérer avec les enquêteurs, il a déclaré au New York Times “regretter avoir fait trop confiance” à M. Giuliani et M. Trump.
“Je croyais agir en patriote et aider le président”, a-t-il ajouté.
Avec Igor Fruman, ils sont accusés d’avoir dissimulé l’origine étrangère de plus de dons octroyés en 2018 à des campagnes électorales, notamment l’origine de 325.000 dollars versés pour la campagne de réélection de Donald Trump en mai 2018.
Avant son arrestation le 9 octobre, alors qu’il s’apprêtait à quitter les Etats-Unis, M. Parnas était déjà dans le collimateur des démocrates du Congrès qui l’avaient convoqué pour témoigner: son nom était revenu dans l’enquête sur le coup de téléphone controversé dans lequel Donald Trump demandait fin juillet au président ukrainien Volodymyr Zelensky de “se pencher” sur Joe Biden et d’entrer en contact avec Rudy Giuliani.
Le Point