Jamais un texte n’a suscité autant l’intérêt de plusieurs catégories de Maliens; des citoyens lambda aux catégories professionnelles passant par certaines organisations confessionnelles. Chacun y va de son commentaire, ses critiques ou observations.
Même après la remise du texte final à l’initiateur par le président de la commission de finalisation, qui mérite des félicitations pour son bon travail, certains Maliens ne sont pas satisfaits. Mais malgré tout, l’honnêteté intellectuelle oblige à reconnaître la pertinence et l’opportunité de l’initiative de la nouvelle constitution après 30 ans de « tentative démocratique » (dixit professeur Djola Bagayogo) qui a abouti à la crise multidimensionnelle que le Mali traverse aujourd’hui.
D’une part, les grandes mutations géopolitiques et géostratégiques du monde nous y obligent, d’autres parts les réalités du Mali dans son rapport à lui-même et aux autres le rendent nécessaire. Cependant, certains Maliens non-satisfaits de certains articles du texte, jeteront-ils le bébé avec l’eau du bain? Quels sont les articles qui cristallisent les enjeux pour les uns et les autres ?
Croisade contre la laïcité!
L’expression apparaît dans le préambule, revient dans le titre II, chapitre I, article 30 et s’explique clairement à l’article 32.
Mais l’Imama et une branche du HCIM, contrairement à la position de son Président Seid Cherif Ousmane Madane Haïdara qui approuve et soutient le résultat des travaux de finalisation du texte, considèrent que leur principale préoccupation n’a pas été prise en compte, à savoir : enlever du texte L’expression « laïcité », « laïc ». Ils réclament la réécriture du texte en fonction de leurs exigences.
Leur inquiétude est compréhensible du fait que la laïcité en France, référence pour la plupart des cadres maliens, a été un processus de “Déchristianisation” progressive de la société. Si elle est transposée au Mali et vécue de la même manière, elle pourrait avoir les mêmes conséquences sur la foi des Maliens majoritairement musulmans.
Mais que les oulémas se rassurent, la laïcité ne saurait être instrumentalisée contre nos valeurs religieuses. D’ailleurs c’est la raison d’être de l’article 32 du texte qui stipule que: « La laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances. Elle a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle », on ne peut plus clair et cohérent.
Toutes les langues nationales seront désormais langues officielles !
L’article 30 avait fait l’objet d’un grand débat qui avait sa raison d’être. La langue est un élément définitoire de l’identité, une expression de la souveraineté, un instrument politique et un moyen de communication. A ce titre, une langue étrangère ne devrait pas garder le statut de langue officielle, quelle que soit sa valeur. Ainsi le français perd son statut de langue officielle et devient « langue de travail ». Cela permet de concilier les souverainistes-nationalistes et ceux qui craignent les conséquences d’un abandon brutal du français.
Si la communication officielle entre les dirigeants et le peuple et entre citoyens se fait dans nos “langues officielles” et que le Mali communique avec le reste du monde en français (langue de travail), le problème est résolu.
Les magistrats opinent!
Le syndicat des gardiens de la loi et distributeurs de la justice pointe du doigt, avec pertinence, certains articles sans remettre en cause le texte. Fins connaisseurs des textes et des contours de leurs interprétations, l’indifférence des magistrats à ce projet juridiquement inédit serait un très mauvais signal.
Chaque Malien compte !
Les Maliens de l’extérieur, les légitimités traditionnelles et les Maliens vivant avec un handicap trouvent tous leur compte dans le texte et leurs places dans les institutions. L’UNTM, la principale centrale syndicale est d’accord avec les pertinentes dispositions du texte.
Il ne reste plus que les autorités de la transition réunissent les conditions du référendum qui permettra au peuple malien de choisir en toute souveraineté le texte fondateur de la 4ème République.
Samou Samuel Koné
enseignant/IFM-Tominian
Source : Mali Tribune