Au Mali, la migration n’est plus seulement l’apanage des hommes. Les femmes maliennes, également tentées par l’aventure, seules ou aux côtés de leur mari, vont à destination d’autres régions du Mali ou vers l’étranger. Malgré la variété de leur profil, des motifs de départ et des activités exercées en zone d’accueil, en prenant la décision de migrer, elles répondent à une stratégie collective et à l’instar des hommes, vont à la recherche de ressources matérielles dont une partie est destinée à leur famille restée au pays.
Selon le rapport 2022 de la Délégation générale des Maliens de l’extérieur, de son ouverture, le 5 juillet 2018 au 31 décembre 2022, la Maison des Maliens Etablis à l’Extérieur a accueilli, hébergé et assisté 24 191 Maliens de retour dont 21 660 hommes, 905 femmes et 1 626 enfants mineurs.
Selon Yaya Koné, le délégué général, les femmes migrantes rencontrent beaucoup de problèmes parmi lesquels, le manque de statut, le manque d’assistance, etc.
Pour Lamine Diakité, Chargé de programme à l’Association malienne des Expulsés, « avant, la migration concernait beaucoup les hommes dans le contexte malien. C’était un phénomène purement masculin. Ces dernières années, beaucoup de jeunes filles migrent pour les mêmes raisons que les hommes. Beaucoup de ces femmes sont également expulsées au même titre que les hommes ».
Une fois au Mali, ces femmes font face à de nombreux problèmes dont beaucoup de défis socio-économiques. « On remarque un certain rejet de la part de leurs proches ; c’est pourquoi l’Association malienne des Expulsés est là pour les concilier avec leurs entourages familiers en essayant d’expliquer les politiques migratoires qui sont en cours et qui font que beaucoup de nos compatriotes font l’objet de rapatriements. Ce n’est pas parce que ces personnes ne travaillent pas mais parce qu’il existe des politiques migratoires restrictives qui les empêchent de profiter de leurs aventures », dit-il.
« La migration féminine actuelle a pris de l’ampleur plus qu’au moment où nous lancions l’Association Malienne des Expulsés en 1996 », ajoute M. Diakité.
Ensuite, à leur retour, elles ont des projets. Mais elles ne savent pas vers qui se tourner pour le financement de leurs projets. Faisant face à un sérieux problème économique, celles qui ont des enfants ont du mal à les inscrire dans les écoles.
Une autre difficulté est qu’elles font l’objet de préjugés au sein de la société qui a du mal à comprendre et à accepter la migration féminine. Les femmes et jeunes filles qui partent à l’aventure sont perçues comme des travailleuses de sexe, des débauchées, des proxénètes…
« Souvent, nous menons des campagnes de sensibilisation avec les proches des migrants et migrantes et la population toute entière pour « démystifier » la migration sous toutes ses formes ».
- D. a élu domicile au siège de l’Association malienne des Expulsés. Selon elle, les ambassades ne sont d’aucun secours. « Je pense que le minimum est que l’ambassade puisse porter assistance quand on est arrêtée. Dans mon cas, les autorités espagnoles ont appelé des jours durant l’ambassade, personne n’a daigné se présenter. Or, leur présence allait au moins permettre soit que je ne sois pas expulsée, soit qu’on puisse introduire des recours».
La Politique nationale de Migration (Ponam), aide les migrants à donner un sens à leur vie. Elle les aide à mieux gérer la migration afin qu’elle contribue à la réduction de la pauvreté et au développement durable.
La Ponam protège et sécurise les migrants et les membres de leurs familles en veillant au respect de leurs droits et devoirs, en favorisant leurs accès à un travail décent et à une bonne couverture sociale. « Il s’agit aussi de mettre en place des mécanismes et des dispositifs de gestion appropriés en matière de connaissances, de règlementation d’accueil et de réinsertion, de valorisation de capacité pour mieux organiser la migration. Mobiliser et valoriser les apports des diasporas pour réduire la pauvreté et soutenir le développement national. La Ponam veut faire du Mali, un carrefour ouest africain de dialogue et de concertation sur les migrations ».
La liberté de se déplacer est un principe fondamental de la Constitution malienne de 1992 qui dispose en son article 5 que « l’Etat reconnait et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, le libre choix de la résidence, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestations ».
Il est enfin admis par tous qu’une personne en migration est un acteur clé du développement de notre pays et qu’il mérite respect, reconnaissance, droits et protection. Même si parfois la migration relève d’une décision personnelle, elle ne saurait être encouragée dans sa forme irrégulière.
La Mali vise à faire de la migration un véritable atout pour le développement du pays, un facteur de croissance économique et de promotion sociale pour réduire durablement la pauvreté. Cette vision largement concertée, constitue à la fois le sens, la portée et la finalité de la présente politique de l’Etat. Elle projette également un meilleur positionnement stratégique du Mali sur les questions de migration.
Aminata Agaly Yattara
Cet article a été publié avec le soutien de JDH-journalistes pour les droits humains et NED
Source : Mali Tribune