Les résultats provisoires de l’élection présidentielle 2018, proclamés, ce jeudi 16 août, par la Cour Constitutionnelle, donnent 67,17% des voix à Ibrahim Boubacar Kéïta, et 32,83% à Soumaïla Cissé.
Ces résultats, qui sont en réalité définitifs, consacrent ainsi la réélection du président sortant. La réélection, non la victoire, IBK rentrant par la petite porte de la Présidence de la République, tout simplement pour avoir été ‘’mal élu’’.
Ce que lui-même, dans ses habituels moments de lyrisme, avait osé comparer à une ‘’fête démocratique’’, a rapidement tourné à la chienlit électorale. Par sa faute.
En dépit de toutes les manifestations de désaffection de la société civile à son égard et à celui de l’ensemble de son régime (qui l’avaient d’ailleurs plongé dans un doute profond, au point d’envisager, un moment, le renoncement), Ibrahim Boubacar Kéïta s’est relancé de plus belle dans la reconquête de Koulouba. De la manière la plus vile !
En puisant d’abord à volonté dans la cagnotte publique pour éblouir, avec la complicité de ses obligés politiques et autres, les naïves populations rurales. En oubliant d’expliquer à nos compatriotes des campagnes que les tracteurs, les pistes rurales, les engrais subventionnés, les routes (du poisson, notamment) et autres ponts ont été acquis ou réalisés grâce aux importants efforts de solidarité auxquels ils ont pris une part notable, IBK a commis une faute politique et morale, d’autant plus grave, qu’elle vise à entretenir dans l’imaginaire populaire la réputation d’un président généreux, omnipotent, et donc capable de subvenir à toutes les préoccupations des populations.
C’est une tromperie, une escobarderie indigne à l’égard d’un peuple qui l’a fait roi, sur la base de préjugés favorables, qui n’ont jamais été corroborés par l’intéressé.
Le régime le plus contesté de la IIIè République, dont la Gouvernance générale a été régulièrement au cœur des critiques les plus acerbes, au double plan national et international, s’est même dépassé pour faire reconduire son candidat. Des ministres transformés en supports propagandistes aux représentants politiques (dont c’est l’exercice favori), tout le camp au pouvoir s’est démené pour vendre aux Maliens ‘’les chimères de lendemains qui chantent’’.
Réalisant le peu d’impact des discours politiques et pseudo technocratiques, ‘’le président très démuni, débiteur d’un compte bancaire’’, tel un faussaire, se renfloua spectaculairement, au point de louer un avion (d’Air Mauritanie) pour battre campagne, distribuer à larges brassées de l’argent aux ‘’indigents maliens’’. L’opération d’hypnose financière ne pouvait rater en cette période, où à cause de la gabegie présidentielle, l’argent est devenu la denrée la plus rare du pays.
Le geste d’IBK, outre son caractère anti démocratique, est aussi plein de mépris pour les Maliens, dont la pauvreté-quasi endémique-se trouve ainsi exploitée à des fins bassement politiques.
En effet, avec le scrutin proprement dit, l’on a atteint le fond, quand pour 2000 malheureux francs CFA, les nouveaux adultes, sans perspectives d’avenir, ont pu mettre en jeu l’avenir d’un pays à la recherche de raisons d’espérer.
La manœuvre du président sortant et de ses affidés est d’ailleurs révélatrice du peu de souci qu’ils ont pour la jeunesse malienne. Habitués à l’argent facile et mal acquis, ces jeunes ne sont-ils pas préparés à la vénalité, dont la perspective la plus plausible est le goût pour la corruption.
Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation est la structure chargée de l’organisation des élections. A ce titre, il bénéficie de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement correct de cette mission.
Il n’est donc pas besoin de grande démonstration pour imputer à ce département tous les dérapages survenant lors des différentes consultations populaires. La faute du ministère, partant, du Gouvernement est donc retenue dans la non sécurisation des bureaux où, justement, les votes n’ont pu avoir lieu, dans les bourrages d’urnes avérés par les différences-importantes-entre les nombres de votants et des cartes d’électeur, cette dernière pratique ayant été particulièrement constatée au sein des bureaux de l’Etranger (le cas de Brazzaville est particulièrement illustratif de cette fraude).
Ces deux exemples, parmi une foultitude, suffisent à établir la réalité des mauvaises intentions ayant sous tendu l’organisation de cette présidentielle.
C’est la réaction typique d’un régime décrié, aux abois, confronté à la nécessité de dissimuler d’innommables fautes de gouvernance, dont les détournements de deniers publics pourraient en être seulement la moitié visible de l’iceberg.
IBK est donc reconduit pour un second mandat de cinq ans. Il a été mal élu, pour toutes les raisons déjà évoquées. Après tous les tripatouillages et toutes les atteintes à la morale malienne, il ne récolte que 67%, alors que ses partisans, bien sûrs de leur fait, promettaient 80 à 88%…
Le nouveau président ne doit sa légitimité qu’à moins de 2 des quasi 17 millions de Maliens. Le message est clair de la défiance du peuple à l’égard du régime. A cet égard, la réélection tant courue par IBK pourrait être pour lui une patate amère, que la Société civile mettra certainement de l’opiniâtreté à lui en faire connaitre le goût, au cours des cinq prochaines années.
Le nouveau quinquennat sera riche en enseignements et fera sans doute franchir aux Maliens des étapes marquantes pour de véritables pratiques démocratiques.
En attendant, ils devraient se démarquer aussi des politiciens protée, nés à l’occasion de cette présidentielle, sans idéal et prompts à retourner leur veste.
A moins d’être frappé de malédiction, le peuple malien ne devrait jamais tomber sous l’influence de cette nouvelle classe, visiblement plus ‘’alimentaire’’ que ces devancières. Cette chronique sera à l’affût de leurs différentes manœuvres.
Mamadou Kouyaté
koumate3@gmail.com