L’intervention de la France et particulièrement celle du Tchad au nord du Mali ont permis de porter un coup dur aux mouvements terroristes (Ançardine, Aqmi et Mujao) qui sévissaient dans le nord de notre pays. La mort de leurs chefs (Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar) vient de donner un coup d’accélérateur à la décapitation de ces différents mouvements, dont les membres sont aux portes de… l’enfer. Pourquoi ?
Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a pris un sérieux revers, si elle n’est pas en train d’être totalement anéantie dans le désert malien. Les forces françaises et tchadiennes appuyées par des éléments de l’armée malienne ont entrepris de traquer les terroristes dans leur dernier retranchement. Les résultats sont sans ambiguïté. Des milliers d’entre eux sont chassés, traqués et tués dans les massifs montagneux de l’Adrar des Ifoghas. Ils sont privés de carburant, d’eau et de nourriture. Leur décapitation est en marche. Et la mort annoncée de deux de leurs chefs ne fait que précipiter leur descente aux enfers.
Le président tchadien Idriss Deby a affirmé que les deux chefs islamistes Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar avaient été tués dans des combats dans le nord du Mali. Avec la mort d’Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar, Aqmi perd deux de ses plus grandes figures. Et le terrorisme au sahel prend un coup dur.
Abdelhamid Abou Zeid était le chef de l’une des deux principales katibas d’Aqmi au Mali. Décrit comme un sanguinaire froid, cet Algérien qui se distingue par son fanatisme a d’abord été, dans les années 1980, un contrebandier ayant effectué plusieurs séjours en prison. Son identité n’est pas clairement établie. Selon la fiche de la Cia et du Fbi, il s’agirait d’un certain Abid Hammadou, né à Touggourt, dans la région de Ouargla. En fait, ce patronyme serait celui d’un mort. Le véritable nom d’Abou Zeid est selon, une autre source, Mohamed Ghedir, né à Debded, un poste-frontière avec la Libye.
Son engagement extrémiste remonte aux premières heures de la guerre civile en Algérie. Le parcours est classique : le Front islamique du salut (Fis), puis le Groupe islamique armé (Gia), au sein duquel il fait la connaissance et se met au service d’un certain Amar Saïfi, alias Abderrazak el-Para, le chef de la zone 5 (Est algérien). Celui-ci avait été appréhendé au Tchad avant d’être livré aux Libyens. Il a été extradé en Algérie.
En 1998, les deux hommes suivent Hassan Hattab lors de la création du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc). Mais très vite, Zeid soutient El Para dans ses ambitions aux dépens de l’émir Hattab et de sa rivalité frontale avec Mokhtar Belmokhtar.
El-Para se voit confier la zone du Niger et du Tchad, alors que Belmokhtar règne sur le Sud algérien et le Nord du Mali. Cela n’empêche pas quelques alliances de circonstance.
En avril 2003, El-Para et son lieutenant prennent en otage 32 touristes européens qu’ils remettront ensuite à Belmokhtar, en charge des négociations. Abou Zeid suit les tractations, et c’est sans doute durant cette période qu’il fait la connaissance de Iyad Ag Ghali.
La neutralisation d’El-Para au Tchad, en mars 2004, lui permet ensuite de gravir un nouvel échelon et de récupérer les hommes de l’ancien militaire. Légitimiste, il fait également allégeance au nouveau chef du mouvement, l’idéologue Droukdel.
Soucieux d’entretenir l’authenticité de son jihad, il se démarque facilement du businessman et opportuniste Belmokhtar, et envisage, en 2007, d’aller se battre en Afghanistan.
Ce dernier aussi est abattu par les forces tchadiennes, selon le porte-parole de l’état-major des armées tchadiennes. «Ce samedi 2 mars 2013, à 12h, les forces armées tchadiennes en intervention au Mali (…) ont totalement détruit la principale base des djihadistes et narcoterroristes dans le massif de l’Adrar des Ifoghas», a déclaré le général Zacharia Gobongué à la télévision tchadienne. «Le bilan provisoire des combats s’établit comme suit : plusieurs terroristes tués, dont leur chef Mokhtar Belmokhtar, dit le Borgne, soixante véhicules en bon état de fonctionnement récupérés, divers matériels de guerre, notamment du matériel électronique, récupérés. Le ratissage se poursuit à la recherche des fugitifs», a-t-il encore précisé.
Mokhtar Belmokhtar est né, pour sa part, à Ghardaïa, en Algérie, en 1972. Dans une interview diffusée en 2007 sur des sites islamistes, il affirmait s’être rendu en Afghanistan à l’âge de 19 ans pour y acquérir une formation et une expérience du combat. Selon la Jamestown Foundation, un centre de réflexion basé à Washington, l’engagement de Belmokhtar a été influencé par le religieux Abdullah Azzam, promoteur d’une interprétation armée et offensive de la notion de «djihad» et qui a aussi été le mentor d’Oussama Ben Laden.
Revenu en Algérie en 1992, Belmokhtar a intégré aussitôt le Groupe islamique armé (GIA) avant de participer à la création du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui a élargi progressivement ses opérations dans différents pays du Sahel en y attaquant les forces de sécurité algériennes.
Les Gangsters du désert
Le GSPC a fait par la suite allégeance à Al-Qaïda, devenant le représentant de la nébuleuse islamiste en Afrique du Nord sous l’appellation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Demeuré longtemps le bras droit de Abderazak El Para (aujourd’hui en prison) avant d’accéder au statut de chef, Mokhtar Belmokhtar a notamment fait du kidnapping d’Occidentaux un véritable business. C’est à la tête de la katiba baptisée «les enturbannés» qu’il fera ses plus grands coups. A ce propos, il est soupçonné d’implication dans l’enlèvement de 32 touristes européens en 2003, dans les négociations en 2008 pour la libération de deux Autrichiens et dans les négociations en 2009 pour la libération de deux Canadiens. Belmokhtar est réputé également pour être l’un des plus importants «gangsters djihadistes» du Sahara. Il s’est imposé dans la fourniture d’armes aux groupes islamistes de la région et dans le trafic de cigarettes, ce qui lui a valu le surnom de «Mister Marlboro».
Ses diverses activités lui ont, par ailleurs, permis de nouer des liens étroits avec les communautés touaregs, notamment avec les combattants qui ont participé, au printemps 2012, à l’offensive ayant abouti à la prise du nord du Mali. Bien qu’ayant maintenu son allégeance à Al-Qaïda, Mokhtar Belmokhtar avait récemment pris ses distances vis-à-vis de Abdelmalek Droukdel, le chef d’AQMI. Celui-ci lui avait reproché son penchant trop prononcé pour les affaires. Se sentant marginalisé, il a fini par créer son propre groupe armé, «les signataires par le sang», un groupe à la tête duquel il n’aura finalement pas fait long feu.
Mokhtar Belmokhtar – condamné par contumace à la réclusion à perpétuité par la justice algérienne après le meurtre de 10 gardes-frontières algériens en 2007 – est, rappelle-t-on, le commanditaire de la prise d’otages du complexe gazier algérien de Tiguentourine en janvier dernier, au cours de laquelle une soixantaine de personnes, dont 37 otages étrangers, ont été tués. Il est la deuxième «grosse prise» que l’armée tchadienne réalise en l’espace d’une semaine.
«Casser les reins d’Aqmi»
Alors qu’un troisième soldat français a été tué dans la guerre contre le terrorisme au Mali, le chef d’état-major des armées françaises a assuré que les militaires n’étaient pas surpris par la violence des combats dans le massif des Ifoghas, sanctuaire d’Aqmi. «Nous savons que nous avons affaire à des fanatiques», «des terroristes fanatisés, entraînés depuis des mois et même des années». «Nous sommes en train de casser les reins d’Al-Qaïda au maghreb islamique et ça, c’était l’objectif tel qu’il nous avait été fixé par le président de la République», a affirmé l’officier français.
Au-delà d’AQMI, les autres mouvements terroristes (Mujao, Ançardine et Mnla) ont vu leurs ambitions pour le sahel volées en éclat. Dans quelques mois, les alliés pourront annoncer la décapitation des mouvements terroristes dans le nord du Mali voire dans le sahel.
Idrissa Maïga
Source: L’Aube