Au moment où la nomination d’un nouveau Premier Ministre semble être un passage obligé pour le régime face à l’échec avéré de Moussa Mara, il est important que le président de la République, de qui relève la nomination de ce dernier, se montre, cette fois-ci, plus conséquent pour mettre fin à l’amateurisme, l’aventurisme et l’opportunisme au niveau d’une institution aussi importante pour la stabilité de la République. Car, de toute évidence, la responsabilité du départ de Oumar Tatam Ly et l’échec patent de Mara, ne sont pas étrangères aux choix étonnants du Président, Ibrahim Boubacar Keïta, et des manœuvres perfides des caciques de la majorité présidentielle contre ces derniers. En tout cas, une chose est sûre, après les pourparlers d’Alger, les nombreuses tensions au niveau du front social (UNTM, Commerçants détaillants) et politique (nombreuses critiques de l’opposition), le Président de République ne peut pas continuer à faire semblant, un changement de cap s’impose. IBK doit s’assumer pour que le pays retrouve de la hauteur.
Un déni de démocratie, voilà comment certains observateurs qualifient le choix de Moussa Mara après le départ de Oumar Tatam Ly. Pour cause, au moment où une majorité venait de se dégager au niveau de l’Assemblée nationale, il était plus logique et bien séant dans une démocratie digne de ce nom de choisir le Premier Ministre dans les rangs du parti qui compte le plus d’élus. Mais contre toutes attentes, le Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta a surpris plus d’un observateur en nommant Moussa Mara à la tête du Gouvernement. Pourtant, il est avéré que c’est les caciques de son parti (le RPM) qui étaient derrière le blocage de l’équipe de Tatam Ly. En particulier le fiston national et fils du président, Karim Keïta s’est illustré dans cette guerre contre Tatam Ly. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la nomination de Oumar Tatam Ly était, plus ou moins, justifié par le fait que le pays venait d’organiser des élections à l’issue d’une crise sécuritaire grave. Il fallait logiquement un technocrate pour remettre l’économie du pays sur le chemin de la croissance. Mais, c’était sans compter sur la détermination des caciques du RPM qui voyait en Tatam un adversaire politique, un obstacle à dégager pour prendre le contrôle de la Primature. Pour se faire, ces derniers n’ont pas mis du temps à empoisonner la vie de Tatam Ly pour arriver à leur fin. En fin de compte, le Premier ministre sortant fut contraint à la démission. Le président IBK, sans tirer toutes les conséquences de cette guerre de ses sous-fifres contre ce technocrate enchaine avec « une seconde erreur » à travers la nomination de Moussa Mara en remplacement de Tatam Ly. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le RPM et ses partis satellites prennent en mal cette nouvelle nomination et active de nouveau leur machine machiavélique de déstabilisation de la République. Ils furent aidés dans leur entreprise macabre par l’inexpérience de Mara qui enchaîna les maladresses, notamment dans le dossier du nord (Kidal) et l’affaire de l’avion présidentiel. Aujourd’hui, plus que jamais, Mara apparait comme un problème plutôt qu’une solution pour la bonne marche des affaires. Surtout qu’entre temps, les défis se sont accumulés pour le pays avec la perte, à nouveau, de Kidal, les sanctions du FMI contre le Mali, les préavis de grèves de l’UNTM, des commerçants détaillants etc. Mais et surtout le bilan désastreux que dresse l’opposition au bout des 12 mois d’exercice de pouvoir par IBK. C’est dire que le président de la République devrait réfléchir à plus d’une fois avant de prendre une nouvelle décision de nomination d’un nouveau Premier Ministre. Une équation à plusieurs inconnues avec d’un côté, la pression des institutions de Breton-wood et de son parti le RPM, de l’autre la pression des groupes armés qui multiplient les manœuvres pour torpiller les pourparlers inclusifs en cours à Alger. Sans oublier les revendications des travailleurs et autres groupes socioprofessionnels. Une chose est sûre, après une année de gestion calamiteuse des affaires du pays, rien ne sera plus comme avant. Et IBK a le choix entre se remettre entièrement entre les mains du RPM dont il est le port- étendard, en choisissant un Premier Ministre issue des rangs des tisserands, ou faire allégeance aux institutions de finances internationales en remplaçant Mara par un technocrate capable de prendre en mains les dossiers brûlants de la crise du nord et de la relance économique. Que ça soit l’un ou l’autre choix, IBK doit s’assumer car la recréation a assez durée.
Abdoulaye Ouattara