Alors que la question des mineurs étrangers devient de plus en plus épineuse avec un nombre grandissant de jeunes se présentant aux services de l’Aide Sociale à l’Enfance mais dormant à la rue. Moussa, aujourd’hui 18 ans, a fait partie de ces jeunes étrangers arrivés en France. Des jeunes cherchant à fuir une guerre ou un conflit, ou venus chercher une vie meilleure… Pour 37°, il a accepté de retracer son parcours.
Il y a quatre ans, Moussa arrivait en France, à la gare du Nord. C’était « le 1er septembre 2014 » se remémore-t-il. Le jeune homme a alors 14 ans et achève un périple de 5 mois entamé au Mali.
C’est dans ce pays d’Afrique de l’Ouest que Moussa est né et a grandi, à Kersignane, un village de la région de Kaye, au sud-ouest du Mali. Petit, Moussa vit surtout avec sa mère, son père travaillant alors en Mauritanie. Avec ce dernier, Moussa entretient une relation distante et tendue. « On ne se parlait pas, le silence était pesant ». Alors que sa mère l’avait inscrite à l’école, le retour de son père au Mali va changer la vie de Moussa une première fois. « A 10 ans il m’a déscolarisé pour que je fasse berger de son troupeau de moutons. La seule école qu’il voulait que je fréquente était l’école coranique, ce que je ne voulais pas ». Moussa garde alors le troupeau de son père, jour et nuit, dormant sur place parfois.
Le danger permanent en Afrique
En 2014, du haut de ses 14 ans, Moussa rêve alors d’une autre vie : « Je suis parti à Bamako ». Le début d’un périple qui va l’amener à différentes étapes au gré des rencontres effectuées. « Je ne savais pas où aller, je voulais juste quitter le Mali » dit-il aujourd’hui. Et c’est une rencontre à Bamako qui va lui fournir l’opportunité. Ce sera direction l’Algérie et la découverte des passeurs. Moussa se retrouve alors à l’arrière d’un pickup chargé de jeunes comme lui fuyant leur pays, Mali ou Sénégal essentiellement. Un pick-up pour traverser le Sahara et l’Algérie pour point de chute pendant quelques semaines, dans un pays qu’il ne connait pas mais où on lui avait dit qu’il trouverait du travail. Car le schéma migratoire reprend souvent les mêmes codes pour ces jeunes en quête d’un avenir meilleur : des rencontres avec des personnes promettant du travail et de l’argent… En Algérie, Moussa n’y restera que quelques semaines, ne voyant pas de débouché. « On m’a dit que si je voulais trouver du travail c’était en Libye qu’il fallait que j’aille, que là-bas il y en avait beaucoup ». Avec un réseau de passeurs profitant une nouvelle fois de la naïveté de ces adolescents, Moussa part un soir vers 20h pour traverser la frontière entre les deux pays, à pieds. « On nous avait dit qu’il y en aurait pour 2 heures » se souvient-il. Finalement, le voyage s’avère plus long et plus complexe. Sur le groupe de 20 dans lequel il était, 12 se feront « attraper ». Pour les 8 autres, dont Moussa, cette nuit interminable ne prendra fin que vers 5 heures du matin de l’autre côté de la frontière. « On nous a emmenés alors dans un foyer où il n’y avait que des noirs comme moi ». Dans un pays instable, où les histoires d’esclavagisme sont nombreuses pour les jeunes migrants, Moussa évite le pire contrairement à certains migrants qu’ils croise au long de son parcours et qui ont connu pour certains la torture ou le travail forcé…
Une traversée de 5 jours en mer à bord d’un zodiac de fortune
Le jeune malien dort lui alors chez un particulier et dit ne pas avoir été mal traité, même s’il comprend au bout de quelques mois que la Libye est loin d’être la terre idéale pour se forger un avenir quand on vient du Mali ou d’un autre pays d’Afrique noire. Du haut de ses 14 ans, il entend alors parler de l’Europe occidentale où la vie serait mieux. Moussa imagine alors une terre opulente où la population a accès à tout facilement, raconte-t-il en souriant aujourd’hui. Pour rejoindre cette terre promise, Moussa s’acquitte alors de 150 euros afin de financer la traversée de la Méditerranée. Son embarcation : un zodiac fait maison par les passeurs, sur lequel montent 104 personnes. « Les passeurs nous avaient dit qu’on en aurait pour 5 heures ». La traversée durera finalement 5 jours et le zodiac tombera en panne d’essence en pleine mer. Le salut viendra d’un hélicoptère de la Croix-Rouge.
L’Italie puis la France
Moussa va alors poser pour la première fois ses pieds en Europe à Lampedusa où il peut présenter son acte de naissance, gardé soigneusement. Puis ce sera la direction de Savone dans le nord-ouest de l’Italie où il se retrouve en foyer. Mais dans un pays où il comprend que trouver du travail sera de nouveau difficile, Moussa décide un jour de rejoindre la France, ayant entendu que le travail y était plus nombreux. Par le train, il arrive alors à Paris et dort 4 nuit dehors en gare du Nord. Il ne lui reste alors plus que 5 euros 50 en poche.
Un périple éprouvant pour un jeune homme de 14 ans, auquel il ne s’attendait pas, pourtant Moussa n’a jamais eu l’idée de faire demi-tour. « Je ne pouvais pas rentrer, mon père m’aurait tué ». Le contact avec la famille, c’est d’ailleurs en Italie que celui-là se fera pour la première fois. « Mes parents ne savaient pas où j’étais, ni si j’étais vivant. J’ai pu les appeler une fois en Italie. »
Si aujourd’hui Moussa se remémore avoir été impressionné par Paris au départ, son grand souvenir de la capitale et celle d’un monsieur qui l’a accompagné jusqu’à des locaux de l’association Enfants du Monde où il a pu être pris en charge par la suite. « Il a même sonné à la porte puis m’a laissé là en me souhaitant bonne chance ».
La suite, c’est une prise en charge de l’administration française qui conduira Moussa au foyer du groupe SOS à Château-Renault où il intègre une unité d’enseignement, puis la Maison Familiale Rurale de Bléré-La Croix en Touraine où il s’inscrira en apprentissage boulangerie-pâtisserie. « J’ai choisi la pâtisserie parce qu’un ami faisait cela à Bamako ». Un choix qui va s’avérer payant puisque Moussa sera pris en apprentissage aux « Délices de Pierre » à Château-Renault où son patron l’inscrira même pour le concours du meilleur croissant d’Indre-et-Loire. Un prix qu’il remporte dans la catégorie apprenti en février 2018, soit trois ans et demi après son arrivée en France. « Une fierté » dit-il. Aujourd’hui juste majeur, Moussa se dit heureux en France et vit au foyer des jeunes travailleurs de Château-Renault, dans un petit appartement confortable et continue de construire sa vie. Il a par ailleurs entamé des démarches de naturalisation. « Je me sens autant français que malien » explique-t-il. Quant au Mali, s’il n’y est pas encore retourné, Moussa rêve de pouvoir y ouvrir un jour une boulangerie et la confier à son petit frère resté au pays.