Entre un remaniement ministériel et des spéculations autour de l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, le pas est vite franchi chez la Coordination des mouvements armés (CMA) qui s’illustre par la trahison de l’intérêt général.
À peine le nouveau Gouvernement formé que la Coordination des mouvements armés monte sur ses grands chevaux pour réclamer, à grand renfort de publicité, l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Cela, comme s’il y avait un lien de cause à effet entre la formation d’un Gouvernement, d’une part ; et, d’autre part, l’application d’un accord qui suscite toutes les passions chez les mouvements armés qui en font un véritable fonds de commerce.
L’amalgame
Dans un communiqué dans lequel elle se démarque de Nina Walett INTALOU, nommé ministre de l’Artisanat et du tourisme, rendu public dès le lendemain de la formation du Gouvernement, la Coordination des mouvements armés déclare : ‘’par ailleurs, la CMA appelle à une mise en œuvre diligente et effective de toutes les dispositions contenues dans l’accord pour la paix en général et particulièrement l’accélération de L’ENTENTE tripartite et les patrouilles mixtes pour asseoir les mesures de confiance et de Coopération entre les parties, gages de la réussite de tout le processus’’. Le communiqué poursuit : ‘’la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) demande à la médiation sous l’égide de l’Algérie en tant que Chef de file et à la communauté internationale de jouer pleinement et rigoureusement leur rôle de suivi et de garants de la mise en œuvre de l’accord pour le retour d’une paix définitive’’.
Il y a manifestement une cristallisation sur la question de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Le principal mis en cause par les groupes armés n’est autre que le Gouvernement. Pis, toutes les occasions sont bonnes pour le mettre à l’index.
Pourtant, il est connu que l’essentiel des engagements pris dans l’Accord est pris par le seul Gouvernement qui ne détient pas non plus toutes les cartes pour sa mise en œuvre ‘’diligente’’ comme le revendiquent les ex-rebelles.
La Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) n’échappe pas non plus à la dérive dans laquelle sont entraînés les ex-rebelles signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. En effet, Mahamat Saleh ANNADIF, Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, le 16 juin dernier, devant les membres du Conseil de sécurité, déclarait : ‘’en premier lieu, et comme souligné dans le rapport du Secrétaire général, un an après la signature de l’Accord de paix, force est de constater que ni les signataires, moins encore la médiation internationale, ne sont satisfaits du rythme d’exécution de sa mise en œuvre. Cette lenteur qui est difficilement compréhensible est en train de compromettre tout le processus, notamment la mise en place des patrouilles mixtes’’.
Le diplomate a mis en exergue une dérive particulière consistant à se focaliser sur l’opérationnalisation des autorités intérimaires et sur l’organisation des patrouilles mixtes. À cet effet, soutenait-il devant les membres du Conseil de sécurité de l’ONU : ‘’alors que l’Accord est un tout, depuis un certain temps, le débat semble le réduire à la mise en place des Administrations intérimaires qui malheureusement tardent à s’opérationnaliser. À ce titre, nous nous félicitons du compromis auquel sont parvenues les parties maliennes il y a deux jours en marge de la neuvième session du Comité de Suivi de l’Accord’’.
La trahison de l’idéal
Il est étrange de constater une telle fixation des groupes armés sur ces deux points relatifs à la mise en place des autorités intérimaires et l’organisation de patrouilles mixtes. Et pour cause, il y a bien d’autres questions sur lesquelles l’État s’est également engagé et qui importent beaucoup plus aux yeux de la population. Il s’agit notamment de la réhabilitation des établissements endommagés et leur dotation en matériels scolaires (y inclus matériel récréatif) et en kits scolaires ; de renforcer la fonctionnalité des formations sanitaires (CSCom, CSRef., et hôpitaux régionaux) par : la dotation en matériel technique/équipement et en produits de santé pour la fourniture du paquet de soins en fonction de leur niveau, la réhabilitation et l’équipement des formations sanitaires non fonctionnelles dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal ; l’organisation du retour du personnel socio‐sanitaire déplacé dans les zones en mettant en place des mesures incitatives (primes, aide à l’installation…) et sécuritaires ; la réhabilitation des points d’eau (forages, puits pastoraux) ; la fourniture des appuis à la reprise de la production agricole et animale à travers : la relance des activités agricoles familiales et communautaires ; la distribution d’intrants agricoles ; l’organisation des campagnes de vaccination et traitement du bétail ; la réparation des motos pompes des périmètres aménagés.
Il s’agit aussi de la création d’emploi ; la réinsertion et la réhabilitation des rapatriées, des personnes déplacées et autres groupes vulnérables ; mettre l’accent sur la sécurité alimentaire.
Au lieu de se préoccuper de ces questions essentielles pour les populations du Nord, les responsables des groupes armés se livrent à une course effrénée aux postes de responsabilité (autorités intérimaires). Ce qui ne laisse aucune place au doute quant à leurs motivations réelles en déclenchant la rébellion : se servir, au lieu de servir l’intérêt général. Voici le visage hideux de ceux qui ont érigé une république virtuelle.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin