Les groupes les plus radicaux de la société civile malienne viennent de sonner la mobilisation contre la mauvaise gouvernance dont ils accusent IBK et son entourage.
La surprise dans cette levée de bouclier est venue du regroupement politique MP22, un mouvement né dans la foulée du coup d’Etat de mars 2012 pour soutenir les putschistes. Mais bien d’autres soutiens de taille ont lâché le président IBK et se montrent de plus en hostiles à sa façon de gérer le pays. Comme quoi certaines alliances constituées autour de l’homme n’étaient que de façade.
C’est notamment le cas de syndicalistes affiliés à la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (Cstm) sortis des bois pour critiquer la façon dont IBK entendrait gérer la nomination des nouveaux membres du Conseil économique, social et culturel du Mali. La Cstm souhaite que certains de ses adhérents figurent parmi les 12 membres salariés de cette structure publique, mais dénonce déjà la lenteur tendancieuse du régime d’IBK.
En réalité, la divergence entre le gouvernement et la Cstm tient à peu de choses. Mais cette affaire en dit long sur le divorce entre le régime actuel et les syndicalistes qui ont pris fait et cause pour lui. On se souvient des agitations de Hamadoun Amion Guindo, le Secrétaire général de la Cstm. Le syndicaliste qui avait présenté le putsch de Sanogo comme un acte salutaire pour le Mali, avait aussi fait chemin avec le candidat IBK lors de la campane présidentielle de 2013.
En soutenant le candidat du Rpm, Guindo espérait mettre fin à ce que certains de ses proches appellent «la discrimination» dont serait victime la Cstm. La nomination des membres salariés du Conseil économique, social et culturel ne représenterait qu’une infime partie de cette injustice que dénonce la Cstm.
Le changement de régime n’a visiblement pas apaisé la colère du patron de la Cstm qui serait dans la logique de combattre l’allié IBK.
Cette adversité est liée certainement à des causes lointaines. En effet, l’un des premiers actes posés par IBK fut le démantèlement de la junte de Kati, contrairement aux vœux de la Copam, la coalition de mouvements proches de Sanogo dont Hamadoun Amion Guindo est membre fondateur et plein activiste. Depuis, la belle entente s’est disloquée, comme le témoigne le silence de la Copam qui n’a point défendu IBK et ses gouvernements successifs impliqués dans des scandales de corruption.
Le ton est beaucoup plus hostile du côté de MP22, l’autre mouvement radical qui a soutenu IBK jusqu’à une date très récente. Le week-end dernier, il a invité le peuple à se mobiliser pour demander la démission du président. Cela n’est pas surprenant de la part de MP22, par ailleurs connu pour son radicalisme s’assimilant parfois à l’anarchisme. Pour mémoire, il était farouchement opposé au choix de Dioncounda Traoré comme président de la République par intérim.
A la place de Dioncounda, le MP22 voulait imposer le putschiste Sanogo qu’il avait convaincu de la nécessité d’intenter un procès contre le régime d’ATT. Le même mouvement avait réussi à manipuler une partie de la société civile malienne et était dans la rue ce jour de mai 2012 où des manifestants ont agressé Dioncounda Traoré dans son bureau au palais de Koulouba. Pour le MP22, l’ennemi était la Cedeao et les forces internationales contre lesquelles ses militants ont marché plusieurs fois à travers le pays.
Les 8 et 9 janvier 2013, alors que les groupes armés fonçaient sur Konna, des membres de MP22, de la Copam et d’autres associations et mouvements (dont le Rpm) marchaient à Bamako contre l’intervention étrangère. Il a fallu que le verrou constitué par l’armée nationale saute et que les djihadistes s’emparent de Diabaly dans la région de Ségou pour que ces manifestants se ravisent.
Des membres de MP22 comme Oumar Mariko ont, depuis juin 2013, rallié les rangs de l’alliance qui s’est construite autour d’IBK. Ce dernier avait su tirer profit de l’activisme de ces mouvements radicaux qui n’ont jamais rallié la cause de la communauté internationale. Le front qu’ils viennent d’ouvrir va-t-il réellement renforcer les contre-pouvoirs? Jusqu’où ces radicaux alliés hier à IBK vont-ils dans leur volonté de le renier?
Soumaïla T. Diarra
SOURCE : L aube