Le Mali fait la fierté de tout le continent africain. Son histoire est enseignée dans les écoles et les plus grandes universités du continent. Fier d’avoir donné naissance à un peuple divers et uni, le Mali n’a cependant pas encore eu les dirigeants à la hauteur de sa renommée, à la hauteur de son espoir. 55 ans après la déclaration d’indépendance d’un Etat moderne, les Maliens attendent toujours le dirigeant qui saura lui redonner son lustre d’antan en lui ouvrant les portes de l’espoir.
Notre pays est économiquement l’un des plus pauvres de la terre. La base de l’économie malienne reste l’agriculture qui se pratique encore de façon familiale avec des moyens peu mécanisée. L’extrême pauvreté des paysans les oblige, pour une grande partie, à utiliser encore la houe ou la charrue attelée pour les plus nantis. Les paysans maliens qui représentent plus de 80% de la population vivent dans une misère dont on ne soupçonne même pas l’ampleur car malgré tout ils savent vivre dignes.
Dans sa majorité, la population malienne reste très fataliste. Elle reste convaincue que c’est Dieu qui donne la richesse. C’est pourquoi les Maliens se satisfont toujours lorsque les pluies sont suffisantes pour remplir les greniers et assurer ainsi la nourriture pour toute l’année. Certes l’on pense que le Téré du chef auquel Dieu a donné le pouvoir (car on pense que seul Dieu donne et retire le pouvoir) et son degré d’amour pour son pays sont importants, cependant la conviction des Maliens est que le Président n’est qu’un mortel qui ne peut réussir que lorsqu’il « a pitié » de son peuple et le respecte.
C’est cette remarquable sagesse du peuple qui fait que les Maliens, même s’ils ont pu dire parfois violemment mais rarement leur opposition au rapetissement (Dogoyama), respectent en général leur chef.
En effet, Modibo KEITA dont les dérives autocratiques à la soviétique ont fait beaucoup de mal aux Maliens et ont mis le pays en retard, Moussa TRAORE qui a été accueilli en Libérateur en 1968 et qui s’est totalement fourvoyé dans un parti unique complaisant, Amadou Toumani TOURE lui aussi salué comme un nouveau libérateur mais qui a contribué à asseoir une corruption sans nom, Alpha Oumar KONARE qui a un temps incarné la démocratie avant de plonger le pays dans la corruption généralisée et Ibrahim Boubacar KEITA dont les deux premières années de présidence s’avère catastrophique au regard de l’espoir suscité par son élection, tous ces Présidents se sont révélés décevants pour ce grand pays qu’est le Mali même s’ils sont chantés comme des héros comme la mère qui défend son mauvais fils.
Depuis 1960, les Maliens se remettent à espérer chaque fois qu’un nouveau Président est arrivé au pouvoir et chaque fois la déception est grande. L’une des raisons à cette situation est que le pouvoir moderne au Mali (comme partout en Afrique) est très éloigné du peuple. La démocratie dont se targuent les dirigeants se fait sans le peuple qui ne comprend pas qu’on puisse vouloir développer le pays en ignorant les réalités socio-culturelles du pays.
La déliquescence de la justice, de l’administration, de l’éducation, de l’armée, bref de l’Etat a créé un profond sentiment de dépit généralisé. Les Maliens, dans leur majorité, ne font plus confiance aux intellectuels qu’ils appellent dédaigneusement des « blancs », expression de la rupture entre ceux-ci et le peuple. Pour les plus de 80% des paysans, les responsables maliens ne travaillent pas pour le bonheur du peuple et les faits leur donnent totalement raison.
La situation des Maliens n’a jamais été aussi catastrophique qu’aujourd’hui. La vie pour les Maliens est devenue un calvaire. Beaucoup d’entre nous peinent à assurer un repas quotidien. Cette situation a conduit à renforcer la corruption, qui est devenue normale, et à dégrader les mœurs. Et comme l’Etat n’arrive pas à s’imposer du fait de ses propres contradictions les Maliens se débrouillent comme ils peuvent.
La relative accalmie dans laquelle vit le Mali ne doit pas être considérée comme le signe de la paix et de la satisfaction. Les responsables politiques seront bien inspirés de profiter de cette situation pour travailler au rapprochement des cœurs et des esprits. Les Maliens attendent des politiques qu’ils apportent des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent quotidiennement. L’heure est avant tout au renforcement de la paix et à la lutte contre le terrorisme ainsi qu’à l’instauration des conditions d’une vie meilleure.
Les joutes oratoires de ces dernières semaines sont une honte pour ceux qui en sont les auteurs. Nous n’en sommes pas à nous demander qui est plus Malien que l’autre. Les Maliens veulent des politiques unis dans leur volonté de faire progresser notre pays. Nous ne sommes pas sortis de la guerre contre les rebelles pour nous engager dans une guerre des partis politiques.
IBK doit, au regard de son plébiscite de 2013, se présenter en rassembleur d’un peuple qui a besoin de retrouver la paix qui l’a toujours caractérisé. Cette paix doit être inclusive. Les Maliens n’ont que faire d’une querelle d’égo car les défis sont nombreux et ailleurs. A 70 ans passés, le Président de la République doit être le sage qui canalise l’impétuosité des plus jeunes que lui et non celui qui suscite la mésentente.
Les nombreuses accusations de corruption du régime, à tort ou à raison, et qui ont jeté le doute dans le cœur des Maliens, doivent inviter IBK à la modération. Car ce que les Maliens attendent de lui ce n’est pas leur bonheur, mais plus de responsabilité et plus de pondération dans les faits et les propos. C’est à ce prix aussi que notre peuple pourra réellement se concentrer sur les choses plus sérieuses.
Ousmane THIÉNY KONATÉ
Source: Autre presse