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Mali : « Les rebelles savent qu’ils ne pourront satisfaire leurs revendications par les armes »

Qu’attendez-vous du processus de paix enclenché à Alger avec les groupes rebelles ?

 

pm premier ministre moussa mara chef gouvernement parti yelema

 

Le 24 juillet à Alger, le gouvernement malien et les groupes armés ont signé une feuille de route et une déclaration de cessation des hostilités. L’objectif est de pacifier le théâtre des opérations et d’amener les groupes armés à se replier dans des zones convenues, hors des villes, et qu’ils se mettent en situation de non-belligérance. C’est impératif. Le Mali souffre d’une insécurité rampante, du banditisme. Du coup, il y a très peu de relations entre les villes. Les gens et les marchandises circulent peu.

La feuille de route, elle, balise le processus jusqu’à la signature d’un accord de paix global, détaillé et, je l’espère, définitif. Elle rappelle des principes présents dans toutes les résolutions des Nations unies et l’accord de Ouagadougou du 18 juin 2013 : l’intégrité territoriale n’est pas discutable, ni la laïcité de la République, ni l’unicité de la nation. Entre frères maliens, personne ne parle de divisions.

Ensuite, tout processus de discussion entre gouvernement et groupes armés doit inclure des représentants des populations. Parce que les groupes armés ne sont pas forcément légitimes, il n’y a pas eu d’élection pour les désigner.

Enfin, cette fois-ci, nous allons discuter de façon détaillée, à la différence de ce qui a toujours été fait au cours des cinquante dernières années. La crise actuelle est multidimensionnelle : politique, institutionnelle, sécuritaire, humanitaire… Et c’est surtout une crise de développement.

Par le passé, ce sont les militaires qui signaient des accords avec un certain nombre d’éléments armés. Il faut aujourd’hui parler de l’ordre politique que nous allons mettre en place, de la gouvernance, de la façon de gérer le territoire. Comment organiser la décentralisation afin de permettre aux populations de vivre leur diversité ? Ce ne sont pas des négociations classiques, ce sont des discussions entre Maliens pour définir un nouvel ordre.

Comment espérer résoudre d’ici à la fin de l’année des questions aussi complexes ?

Nous allons nous retrouver le 17 août, à Alger, pour travailler sur le fond, préparer l’essentiel du plan de paix, qui sera ensuite présenté aux différentes parties. Notre objectif est de signer, en octobre, sur le sol malien, des accords globaux, précis, détaillés et chiffrés. La faiblesse majeure des accords précédents était qu’ils n’étaient pas quantifiés. Il faut établir le coût des réformes que nous devons mener, et ce qui relève de l’Etat malien et de la communauté internationale. Peut-être, d’ailleurs, faudra-t-il organiser une table ronde des bailleurs de fonds.

Pourquoi les groupes armés du nord du Mali renonceraient-ils à leurs revendications autonomistes ou indépendantistes, alors qu’ils sont en position de force après la déroute de l’armée malienne, le 21 mai, à Kidal ?

Cette position de force est un trompe-l’oeil. Certes, l’armée s’est retirée de Kidal et les groupes armés sont revenus autour de Gao et de Tombouctou. Mais c’est aussi parce que l’armée ne veut pas de confrontation.

De plus, ces groupes sont très divers. Sous leur bannière, il y a des bandits de grand chemin, différentes obédiences, et des terroristes. Parmi les groupes armés considérés comme forts – le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) –, le HCUA est le plus puissant. C’est aussi celui qui a les liens les plus ambigus avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

Mais tous savent qu’ils ne pourront pas satisfaire leurs revendications principales par les armes. La communauté internationale ne veut pas que le Mali tombe entre les mains de narcotrafiquants, de djihadistes, de terroristes. L’avenir de ces groupes est un processus politique qui leur donnera un rôle institutionnel et de gouvernance.

N’est-ce pas une reddition que de discuter avec des groupes que vous qualifiiez il y a peu encore de « terroristes » ?

Il faudra que les uns et les autres se démarquent au cours des discussions. Le HCUA, c’est anciennement le MIA, anciennement Ansar Dine, donc AQMI. Il doit se démarquer des terroristes. On compte sur les « facilitateurs » pour que ceux qui ont des tendances islamistes s’inscrivent dans le cadre d’une République laïque et moderne.

Vous dites avoir besoin de la France et de l’ONU pour garantir la sécurité et le suivi de l’accord de paix en négociation. Le Mali est-il sous tutelle étrangère ?

Si la France n’était pas intervenue le 11 janvier 2013, le pays aurait disparu. Nous ne sommes pas en mesure de lutter durablement et efficacement contre les terroristes et le narcotrafic. Il nous faut accepter des troupes étrangères sur notre sol plutôt que de se taper la poitrine en disant « souveraineté, souveraineté » et risquer de tout compromettre.

  •   Christophe Châtelot (Bamako, envoyé spécial)
    Journaliste au Monde.fr
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