Les faits
La dernière enquête de l’ONU sur les violences et les abus des droits de l’homme au Mali est sans appel. Si les groupes rebelles font toujours preuve de cruautés, la réalité est que les forces qui les combattent, en premier lieu l’armée malienne (FDSM), commettent encore plus de crimes.
La note est consternante pour le rétablissement de la sécurité au Mali. Entre le 1er janvier et le 30 mars 2020, l’ONU a enregistré 598 violations et abus de droits de l’homme dans ce pays enclavé de l’Afrique de l’ouest, ayant causé la mort de 315 personnes. Un chiffre en hausse de 61,21 % par rapport au trimestre précédent (octobre à décembre 2019), où l’ONU avait documenté 232 violations et abus de droits de l’homme.
La sale guerre
Le rapport s’attarde longuement sur les crimes des forces armées maliennes (FDSM). En effet, l’ONU « a noté avec inquiétude l’implication de plus en plus croissante des FDSM dans des violations de droits de l’homme. » Elles ont commis 101 exécutions extrajudiciaires, sont responsables de « 32 cas de disparitions forcées », « 32 cas de torture ou traitement cruel inhumain ou dégradant », ainsi que « 115 arrestations arbitraires ».
En tout et pour tout, elles sont coupables de 165 violations des droits de l’homme sur un total de 598 enregistrés depuis le 1er janvier. Si on ajoute les abus des forces internationales, de la force G5 Sahel et des milices d’autodéfense, alors on attend le chiffre de 435 violations des droits de l’homme. Un bilan quatre fois supérieur à celui des groupes djihadistes.
Les crimes du G5 Sahel et du Niger
Dans ce triste tableau, la responsabilité du G5 Sahel est aussi engagée, à commencer par le contingent malien opérant sous son égide. L’ONU lui attribut « de multiples violations des droits de l’homme dont 18 cas d’exécutions arbitraires dans les localités de Kobou (1 victime le 13 mars), Tchiofol-Boulmoutaka (1 victime le 19 mars), Pogol-N’daki et dans les environs de Boulekessi (16 victimes le 14 mars) ».
Aux côtés des Maliens, les forces armées nigériennes se sont pointées du doigt. L’ONU leur attribut 34 exécutions extrajudiciaires respectivement à Inekar, (24 victimes), Anderamboukane (5 victimes) et 5 autres victimes dans une localité située entre Anderamboukane et Chinagodar.
Les exactions des islamistes armés
Les groupes djihadistes n’ont pas abandonné la terreur pour imposer leur vue théologique et garder la main sur les trafics dans la bande sahélienne. Ils ont commis pas moins de 103 violations des droits de l’homme, dont 39 meurtres, 46 enlèvements et/ou disparitions.
Ils se sont rendus responsables de 18 cas de tortures, traitements cruels, inhumains ou dégradants, de quatre attaques contre des écoles, trois contre un hôpital, une sous-préfecture et un pont, six contre des humanitaires et quatre contre la force onusienne (MINUSMA). Ces islamistes sont toujours principalement répartis entre Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), Ansar Eddine, la Katiba Macina, Jama’at nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) et Al Mourabitoune.
Les violences intercommunautaires ne cessent de se multiplier, note aussi l’ONU, qui évoque notamment celles entre les Peuls et les Dogons dans les régions de Mopti et Ségou : 35 attaques, 180 tués. Les Peuls ont commis à eux seuls 28 des 35 attaques et ont tué 111 Dogons. À cela s’ajoutent aussi les exactions commises par les chasseurs traditionnels dozos : l’ONU leur prête 7 attaques qui ont tué 72 Peuls. Parmi elles, l’assaut du village Ogossagou, le 14 février 2020 qui a fait 35 morts peuls.
Une violence qui s’étend vers le Sud
Le Centre du Mali concentre l’immense majorité des attaques et des violations des droits de l’homme : 82 % des tués ont été recensés dans les régions de Mopti (262) et Ségou (53).
Mais l’ONU a aussi observé que les groupes djihadistes prennent de plus en plus pied dans les régions du sud du pays. Ils ont monté six attaques dans la région de Kayes et deux dans la région de Sikasso. Une extension très inquiétante pour l’avenir du Mali. qui, sept ans après le début de l’intervention française, ne cesse de se fragmenter et de se diviser.
la-croix.com