Dans un billet intitulé « le syndrome de Kidal » je fus l’un des premiers analystes , je crois, à avoir posé, dans sa complexité, la question de Kidal comme cruciale.
Quelques mois après c’est bien de Kidal et uniquement de Kidal dont il est encore question, non seulement au Mali, mais à Paris même au cœur de la réunion qui se tient aujourd’hui à l’Élysée en présence de nombreux chefs d ‘État et de gouvernement, dont IBK, le Président malien qui, dans « Le Monde « et sur les antennes de France24, n’ a pas mâché ses mots affirmant, sans ambages, que le temps où le Mali pouvait être regardé comme sujet était résolu.
Critiquant sans détour le rôle de la France dans la gestion du Nord il ajoute et surligne que la France « n’a pas su jauger dès le départ la question de Kidal ».
Soucieux d’apparaître comme le seul maître à bord au Mali, IBK prévient ses partenaires internationaux que le pouvoir malien ne supportera pas longtemps le statut dérogatoire accordé à la région de Kidal, reléguant l’armée malienne au rang de simple figurant sur son propre territoire : « On traite notre armée comme si nous étions des sauvages. »
Car IBK, doit, sur cette question, répondre et à la rue et à l’armée et à l’opposition qui estiment et font savoir l’honneur du pays bafoué par ses libérateurs faisant de ceux ci peit à petit ,des oppresseurs.
Nous avions souligné le flou de la politique française à Kidal, son ambiguïté et annoncé de façon certaine que l’étau allait bientôt se refermer sur la France si elle ne sortait pas d’une ambiguïté qui ressemble de plus en plus à de l’autisme.
Certes le problème n’est pas simple puisqu’il s ‘agit bien de redonner à l’armée malienne le contrôle de Kidal alors qu’au sein de cette armée, en reconstruction technique et morale, il y a de nombreux secteurs et bataillons qui entendent faire payer au MNLA les assassinats de Aguelhock et les désertions et traîtrises de nombreux ex-soldats touaregs de l’armée malienne ayant déserté et étant passés avec armes et bagages dans les rangs de l’ennemi réclamant et proclamant la création d’un nouvel État , l ‘Azawad.
De la même façon, du coté MNLA, il y a de nombreuses familles que tout opposent, qui n’entendent pas, pour les uns, abandonner le projet de guerre de Libération Nationale, qui, pour les autres, revendiquent un statut spécial pour les composantes arabes de la famille touaregs ou encore entendent défendre la charia, comme les anciens membres du groupuscule djihadistes « Ansar dine « revenus au sein de la mouvance touarègue qu’ils avaient combattu .
Faire s ‘entendre ainsi quelques dix groupes armés appartenant sans obéissance qui a l’armée qui au MNLA qui aux touaregs relève ainsi d’un doigté que l’armée française aidé par la mission onusienne ne semble pas avoir.
Les critiques se multiplient . A Bamako des manifestations de plus en plus violentes se font jour contre la France. La Presse ne peut taire et inventent même souvent des échauffourées entre armée et MNLA. Les accords de Ouagadougou entre le Mali et le MNLA qui prévoient la libération de prisonniers de guerre sont fort mal vus par une armée qui voient dans ces prisonniers les assassins d’Aguelhok à l’heure où l’on emprisonne Sanogo.. ..Bref IBK ne peut rester sourd aux vociférations qui sourdent de partout y compris dans ses propres rangs qui accusent la France de favoriser un MNLA en différant la reprise en main administrative et militaire de Kidal.
Mais peut-on faire confiance dans une armée qui, à maintes reprises, s’est montré comme la décrit IBK « une armée de sauvages ». La répression des bérets rouges reprochés actuellement par la justice malienne à Sanogo, chef des bérets verts, est bien là pour nous rappeler justement, que les conflits et susceptibilités des militaires se règlent « à la sauvage » par la torture et la disparition. C’est un charnier que l’on découvre à Kati, ville garnison où le Général Sanogo avait son QG et l’enquête sur les exactions de l’armée malienne à Kidal n’a pas encore commencé.
Il n’empêche que la France ne peut longtemps tenir non un double langage qu’un silence constipé, jouer du ni-ni qui consiste à ne rien dire ni aux uns ni aux autres en espérant une solution miracle.
Il faudra bien dire à IBK que son armée est effectivement et encore pour un temps « une armée de sauvages » mal entraînées, mal formées et ayant acquis des habitudes inadmissibles, de la même façon qu’il faudra bien dire au MNLA que son combat armée pour l’indépendance est une stupidité maintenant que le calme relatif est revenu et qu’il convient qu’elle abandonne ses armes ne serait ce dans un temps qu’aux forces onusiennes et abandonne en même temps ses revendications nationalistes au bénéfice d’un renforcement fédéral.
Bref il faudra bien qu’il y ait une politique africaine de la France. On ne la voit pas encore venir et quand on entend Védrine et suit les débats de Bercy on est en droit de se prendre la tête entre les mains et de pleurer de rage.
Source : mediapart