Les mots pour décrire ce qui se passe en Centrafrique depuis près d’un an sont sans équivoque. Ce petit pays situé au cœur du continent est en plein chaos. Les massacres y sont quotidiens. L’Etat, s’il a jamais existé, est aujourd’hui totalement effondré. La population est ainsi livrée à la violence des milices et des bandes armées. L’engrenage de la violence et des vengeances est tel depuis quelques semaines, que tous les observateurs dénoncent un risque réel de dérive confessionnelle, entre chrétiens et musulmans. Bref, un peuple se meurt et l’inertie n’était plus tenable.
C’est la raison première de l’intervention militaire française annoncée hier soir par le président Hollande. Un an après le Mali, la France est de nouveau en première ligne. Forte d’une résolution des Nations Unies votée hier, l’autorisant à utiliser la force et à prêter main forte à la force panafricaine déjà présente sur place. Forte aussi du soutien de ses partenaires européens. Mais, comme au Mali, seule puissance occidentale à la manœuvre sur le terrain.
Après les interventions en Côte d’Ivoire et en Libye, sous Sarkozy. Avec celles au Mali et en Centrafrique sous Hollande, Paris assume, plus que jamais, un rôle de leader en Afrique. On pourrait même dire, de recours. Car entre la récente frilosité américaine, la prudence chronique de nos partenaires européens et l’intérêt purement économique des grands émergents, la France reste la seule porte où sonner. C’est à son honneur, en l’occurrence.
Car après des mois de descente aux enfers, un peu d’espoir revient pour les Centrafricains. Les troupes françaises vont dans un premier temps sécuriser Bangui et les principaux axes de communication. Afin de permettre aux opérateurs humanitaires de travailler. Le président a clairement parlé hier soir d’une intervention courte et de soutien à la force panafricaine. C’est déjà, en soi, un distingo important par rapport à l’opération menée au Mali.
Car les deux situations, comme l’a précisé le Chef de l’Etat lui-même, sont « très différentes » même si elles ont des points communs. Au Mali, la France est intervenue, a-t-il dit, pour contrer une « invasion terroriste ». Dans un pays devenu, dans sa partie septentrionale, un sanctuaire pour les réseaux djihadistes. Près des frontières de l’Algérie et du Niger. Des réseaux renforcés, il faut le préciser, par le chaos libyen. En RCA, c’est pour conjurer une « catastrophe humanitaire » que Paris envoie ses soldats. Pour éteindre, espérons à temps, un déchaînement de haine.
A plus d’un niveau, les contextes maliens et centrafricains sont différents. Trois fois plus peuplé, le Mali a incarné, il y a quelques années, un modèle sur la voix de la démocratisation du continent africain. Il sera très difficile de reconstruire un équilibre politique, de trouver un compromis avec les régions du Nord du pays. Mais dans un contexte régional stabilisé, ce n’est pas totalement une utopie.
En revanche, la RCA vit depuis l’époque de Bokassa de coup d’état en coup d’état. Prostrée dans un état de pauvreté chronique. Toujours sponsorisée par Paris, mais jamais sauvée. L’Etat n’est pas à reconstruire à Bangui, il est encore à créer, cinquante-trois ans après l’indépendance.
L’intervention française, seule, n’y parviendra pas. Le développement reste un grand thème d’actualité trop souvent délaissé. Au XXIe siècle, il se déclinera avec les émergents et plus seulement dans un huis-clos avec les anciennes puissances coloniales. Mais pour l’heure, si les soldats français parviennent à arrêter le massacre, ce sera déjà beaucoup.