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Mali : Entre précarité et débrouille, le quotidien des jeunes chômeurs maliens

Après de fastidieuses études, les jeunes diplômés finissent par déchanter face à la dure réalité du monde du travail. Pour ceux qui s’arment de courage, ils sont souvent confrontés à un total désintérêt des employeurs pour leur profil.

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Au flanc des collines de Djanguinèbougou, une maison en chantier. Quelques branches d’un arbre planté dehors surplombent la clôture. Sous l’ombre dégagé, Oumar* (*Le prénom a été changé), 27 ans. Sa grande taille l’oblige à allonger ses pieds pour mieux s’asseoir sur le siège qui frôle le sol. Dans les bras de ce détenteur d’une maîtrise en droit public, ses vieilles notes dépoussiérées. Le concours de la magistrature est prévu pour bientôt. C’est la première fois qu’il est organisé depuis la fin de ses études en 2013.

Sans emploi, il a tout son temps pour réviser. D’autant que, découragé, il a arrêté, trois ans après sa maîtrise, de déposer spontanément ses dossiers de candidature. « J’ai compris qu’il ne sert à rien d’aller gaspiller mes maigres ressources dans la constitution de dossiers pour des boulots que je n’aurai jamais », lance-t-il, dégoûté. «Désormais, je consulte les offres sur internet. Pour le reste, je fais du bouche à oreille ».

Au Mali, les jeunes sont les plus touchés par le chômage. Le taux global varie entre 8 % et 10%, d’après des statistiques officielles divergentes. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’un des critères pour être considéré comme chômeur au sens admis par le Bureau international du travail, c’est d’être à la recherche d’emploi. C’est donc une grande part de jeunes diplômés sans emploi qui sont ainsi exclus de ces estimations sur l’ampleur du chômage dans le pays. Car beaucoup ne fréquentent pas les centres de placement.

Comme de nombreux autres jeunes, Oumar n’a jamais mis les pieds dans les agences de placement comme l’ANPE. Tout le contraire de Aliou Traoré, 26 ans, détenteur d’une licence en droit privé. Chaque semaine ou deux, il fait un tour à la direction régionale de l’ANPE de Bamako.

Situé au Quartier du fleuve, le bâtiment peint en bleu et blanc, les couleurs de l’agence, dispose d’un petit hall. A l’intérieur, des meubles poussiéreux côtoient des sièges sur lesquels attendent des jeunes d’un côté, de l’autre, deux tableaux d’affichage suspendus au mur. Aliou, chemise bleuâtre, pantalon et souliers noirs, parcourt les offres d’emploi. Aucune ne correspond à son profil. En réalité, il fait passer le temps en attendant son tour pour rencontrer un agent.

Inadéquation formation et offre

Aliou a tenté à trois reprises, tout en poursuivant ses études de droit, le concours d’entrer à l’institut des travailleurs sociaux de Bamako. La troisième tentative a été la bonne. Il avait très tôt compris ce que Oumar a découvert à ses dépens : « Etre juriste de formation au Mali, c’est se condamner à errer toute sa vie », caricature-t-il. Taliby Konaté, le chef de service intermédiation à la direction régionale de l’ANPE, reconnait cette réalité. « Ces profils sont très peu demandés sur le marché de l’emploi.  Sauf, précise-t-il, si la personne adjoint à ce diplôme une formation supplémentaire ».

Chargé de mettre en relation demandeurs d’emploi et employeurs, le service de Taliby Konaté enregistre jusqu’à 500 nouveaux demandeurs d’emplois mensuels, « pour des offres qui atteignent rarement les 100, voire aucune ». D’après les statistiques du gouvernement,  il y a environ trois fois plus de nouveaux diplômés du supérieur que d’emplois offerts par an. Mais selon Konaté, l’obstacle majeur d’accès à l’emploi réside dans le fait que « les formations ne sont pas en phase avec les besoins du marché ». Il arrive « très fréquemment » que les offres ne trouvent pas de candidats. « Quand bien même il y a des postulants, leur niveau laisse à désirer », regrette-t-il

Précarité

En 2016, son diplôme de travailleur social spécialisé en poche, Aliou expérimente le métier de vigile. Après 5 mois, « j’ai abandonné ce poste au profit d’un stage de deux mois en tant qu’agent de suivi agricole pour une société privée dans la brousse de Koutiala ». Le stage était rémunéré à 40.000 F par mois. Cette matinée à l’ANPE, il vient s’enquérir des détails d’une offre. L’agence l’avait appelé il y a deux semaines pendant qu’il n’était pas à Bamako.

C’est son tour dans le bureau d’un agent. Après lui, deux jeunes doivent suivre. L’un d’entre eux, Mamadou Sanogo, n’a que le niveau DEF. Arrêté, les bras croisés, le regard fuyant, il n’est pas habitué aux démarches administratives que lui impose une société de sécurité qui souhaite recruter des chauffeurs. « J’ai mon permis de conduire depuis trois ans », raconte-il. « Je sers de chauffeur occasionnel pour une dame qui me donne par moment un peu d’argent. Mais je veux quitter cette situation pour un emploi stable ». La société de sécurité lui exige de venir s’inscrire à l’ANPE.

Oumar vit également dans des conditions peu envieuses. Pour s’en sortir financièrement, lui vit actuellement des économies accumulées grâce à la surveillance de différents examens de fin d’année.

Aliou sort de son entrevue. Tête baissée, la démarche lente, il a perdu de son enthousiasme. L’agent vient de lui signifier qu’il n’est pas possible de vérifier des offres d’emploi datant de deux semaines. Énervé, il s’empresse de rentrer chez lui.

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