La Transition n’a pas fini de plonger le pays dans ses aberrations juridico-institutionnelles. Non contente de faire régir le pays par une dualité constitutionnelle dégradante pour la Constitution du 25 février 1992 hiérarchiquement coiffée par une Charte octroyée quasiment dans les conditions autocratiques du 19ème siècle, voilà qu’elle fait flanquer le Président de Transition chef de l’Etat d’un Vice-président qui lui colle aux basques. Le Vice-Président Colonel Assimi GOITA paraissant plus « Président » que « Vice », le Président Colonel-Major retraité Bah N’DAW paraît assis sur le même fauteuil que lui.
Colonel Assimi GOITA Président bis ou Vice-président ? La question reste posée aux rédacteurs de cette fameuse Charte de Transition octroyée au peuple malien qui, loin d’être l’expression de la volonté nationale, procède plutôt d’un geste unilatéral du CNSP.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Charte se montre plus explicite sur les pouvoirs du Vice-président que sur ceux du Président lui-même. L’article 6 dispose : « Le Président de Transition est secondé par un Vice-président…. Le Vice-président est chargé des questions de défense et de sécurité ». L’article 7 précise que « le Vice-président remplace le Président en cas d’empêchement temporaire ou définitif ».
On notera au passage que les article 6 et 7 sont contradictoires. Le Vice-Président sert en même temps de remplaçant du Président temporairement ou définitivement empêché et de détenteur exclusif de bouts de compétences normalement dévolues au Président. Il remplace le Président empêché tout en étant chargé es qualité et exclusivement « des questions de défense et de sécurité ».
Au mépris de l’article 4 de la Charte où il est stipulé que les pouvoirs du Président qui remplit les fonctions de Chef de l’Etat procèdent également de la Constitution du 25 février 1992 qui fait de lui seul le Chef Suprême des Armées présidant le Conseil Supérieur et le Comité de défense de la Défense nationale.
L’article 6 aménage en réalité un poste de Président bis mal dissimulé sous un habillage de Vice-présidence. Il s’agit d’un parachute institutionnel à une volonté de confiscation du pouvoir politique par les militaires putschistes. Un Vice-président est fait pour prendre immédiatement la relève du Président empêché et aucun autre pouvoir spécifique extrait du domaine de compétence du Président ne devrait lui être dédiée spécifiquement. Dans le meilleur des cas, le Vice-président sert de confident et de conseiller du Président.
La lecture croisée des deux articles 6 et 7 débouche sur cette incongruité juridique qui fait du Vice-président, un Président bis avec des compétences concurrentielles de celles du Président. Au lieu qu’il soit simplement son successeur potentiel, le Vice-président est érigé au statut de co-décideur avec le Président. Les deux articles soulèvent également d’autres incohérences en relation avec les chevauchements potentiel d’une part entre le Vice-président et le futur ministre de la défense sur les « questions de défense, de sécurité » et d’autre part, entre le Vice-président et le futur ministre chargé de la Sécurité.
Dr BRAHIMA FOMBA
ENSEIGNANT-CHERCHEUR A
L’UNIVERSITÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DE BAMAKO (USJPB)