Libertés confisquées, droits bafoués, leaders politiques et militants pro-démocraties suppliciés, constitution violée, voici les caractéristiques fondamentales du régime qui gouverne le Mali.
Jamais les maliens n’ont été autant privés de leurs libertés que sous le régime du Général d’armée Assimi Goita, au point de se poser avec gravité la légitime question de savoir quelle est la nature du régime qui gouverne le Mali ? Cette question vaut son pesant d’or surtout après l’adoption d’une nouvelle constitution sous la transition, celle qui a été vantée, encensée et qui théoriquement garantit tous les droits et toutes les libertés aux citoyens. Aujourd’hui c’est le contraire qu’on constate, car restriction, brimade, harcèlement bref une certaine anxiété gagne les citoyens. L’inquiétude est grande car certains citoyens, privés de leurs droits de manifester, de se réunir et de se rassembler, ne savent plus à quel saint se vouer. Les partis politiques, les associations de la société civile et certains militants pro-démocratie sont les premières victimes de ce régime sous la couverture démocratique, mais qui n’est en réalité qu’un régime anti démocratique pour ne pas dire totalitaire. Les autorités sont-elles conscientes de la gravité de la crise qui secoue le Mali et dont la résolution nécessite une union sacrée ? Un Dialogue franc, constructif et inclusif n’est-il pas la seule vertu thérapeutique pour soigner le profond mal malien ?
Depuis le 18 Août 2020, date du coup d’Etat qui a renversé le régime IBK, le Mali cherche sa voie celle du salut pour son résilient peuple. Sous une transition interminable, le Mali est en proie à une crise multidimensionnelle, à la fois sécuritaire, économique, sociale, politique et institutionnelle, nécessitant un rassemblement des fils et des filles du Mali. Malheureusement ; en lieu et place de cette union sacrée, c’est la terreur, la répression, l’accaparement de tous les leviers du pouvoir par la frange militaire au pouvoir. Pour rappel après la chute du régime IBK, deux composantes ont voulu faire bon ménage en gérant le pays dans le cadre d’un large consensus et d’un partage de responsabilité, en l’occurrence le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques, M5 RFP et le Comité National pour le Salut du Peuple, CNSP, mais leur union n’a malheureusement pas fait long feu, à cause des ambitions démesurées de l’une des deux composantes, à savoir la composante militaire qui s’est accaparée de tous les leviers du pouvoir. Comme si cela ne suffisait pas elle tente d’étouffer voir « neutraliser » son ex allié le M5 RFP et de surcroit toute la classe politique et toutes les voix discordantes. Les arrestations se sont multipliées, souvent pour des raisons non fondées comme trouble à l’ordre public, ensuite les enlèvements de certains leaders politiques en dehors de tout cadre juridique se sont accrus. Comme si cela ne suffisait pas, ces derniers temps on assiste même à des tentatives d’assassinat contre certains leaders jeunes. Bref il y a une volonté manifeste de la part de la frange militaire au pouvoir de s’enraciner, de se maintenir au pouvoir en dehors de tout cadre légal et légitime et en violation flagrante de la Constitution qu’elle a fait, elle-même, voter.
En effet, toutes les décisions prises récemment, à savoir la tentative de dissolution des partis politiques, la suspension des activités des partis politiques et d’associations à caractère politique n’ont qu’un seul dessein « étouffer toutes contestations, toutes les voix dissidentes afin de rester au pouvoir par la force des armes. C’est d’ailleurs parce qu’elle ne veut point lâcher prise que les leaders des partis politiques et tous les militants pro-démocratie se sont mobilisés pour dire non à un pouvoir absolu et totalitaire et oui au retour à l’ordre constitutionnel. Un ras-le bol est entrain actuellement de se généraliser, car face à des répressions violentes, à une crise socio-politique inédite, une insécurité grandissante, une extrême pauvreté, la seule arme qui reste à un peuple qui subit ce lourd fardeau est de se mobiliser pour dire non, conformément à la constitution. Malheureusement le constat est que les leaders politiques et militants pro-démocratie, dans l’exercice de leurs droits constitutionnels, font l’objet de persécution et de brimade.
Les autorités sont-elles conscientes de la gravité de la crise qui secoue le Mali et dont la résolution nécessite une union sacrée ?
Nous ne cesserons jamais de rappeler que rien de potable ne pourrait se construire sans union sacrée, sans rassemblement de toutes les forces vives du pays, de toutes les intelligences et d’expertise des uns et des autres. Malheureusement c’est le contraire que l’on voit au Mali. Sinon comment comprendre que les autorités d’un pays qui traverse l’une des crises les plus graves, puissent gouverner en excluant toutes les franges sociopolitiques et en travaillant en dehors de tout cadre juridique normal. Le Mali est un pays gravement malade et dont le pronostic vital est engagé. Au lieu de parer au plus pressé pour trouver la thérapie nécessaire afin de le sauver, certains se soucient plutôt de leurs privilèges en reléguant au second plan les priorités du pays. Vouloir gouverner le pays par un groupuscule et en dehors de tout cadre légal et légitime c’est simplement conduire un camion sans frein. Il est nécessaire de sonner le glas du pouvoir absolu et il est encore indispensable de retourner aux fondamentaux que sont l’ordre constitutionnel et à la démocratie. Tout autre discours ne serait que du dilatoire, le seul qui porte aujourd’hui est celui qui rassemble toutes les filles et tous les fils autour de la patrie en danger pour la sauver de l’effondrement. Ainsi la solution passe par le retour à l’ordre constitutionnel, à travers l’organisation des élections transparentes et crédibles. Le pays doit signer son retour à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives, celles qui sont galvaudées aujourd’hui et taillées sur la mesure du prince du moment.
Un Dialogue franc, constructif et inclusif n’est-il pas la seule vertu thérapeutique pour soigner le profond mal malien ?
Le dialogue que nous prônons ne doit être ni un dialogue des sourds encore moins celui qui permettra de prolonger indéfiniment la transition, mais plutôt un dialogue qui permettra de fixer le délai de la fin de la transition. Un dialogue inclusif et participatif pour élaborer un chronogramme clair, précis et réaliste pour les différents scrutins. Tous les analystes s’accordent à dire que la solution à la crise multidimensionnelle qui ébranle le Mali passe nécessairement par un retour à l’ordre constitutionnel qui sera gage de stabilité politique, donc institutionnelle et qui permettra au pays de renouer ses relations avec le reste du monde. Sachant bien qu’aucun pays, fut-il la première puissance militaro-économique au monde, ne saurait se suffire à lui seul sans les autres. Que dire des pays qui n’ont aucun accès à la mer, comme le Mali ? Ils sont tellement vulnérables qu’ils ont beaucoup plus besoin des autres pour amorcer leur développement. Donc dans un monde globalisé nul ne pourrait se sauver tout seul. Le Mali trouvera son salut dans la collaboration avec les autres pour non seulement stabiliser son économie, mais aussi pour lutter contre les terroristes. Il faut nécessairement amorcer le dialogue à l’interne pour sortir de cette situation exceptionnelle qu’est la transition, ensuite se tourner résolument vers la recherche des solutions aux maux qui freinent son développement.
Youssouf Sissoko