L’espace public malien est actuellement le théâtre d’une intensification des tensions politiques, symptomatique d’un pays en pleine mutation institutionnelle. Après une première tentative avortée de meeting au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bâ le samedi 3 mai 2025, les regroupements de partis politiques favorables au retour à l’ordre démocratique ont vu leur conférence de presse du lendemain à la Maison de la Presse également interrompue, dans un climat de crispation palpable.
Un rendez-vous politique avorté au cœur de Bamako
Bamada.net-Samedi 3 mai. Il est 14h lorsque plusieurs regroupements de partis politiques, venus exprimer leur position sur les récentes recommandations issues de la Consultation nationale des Forces vives de la Nation, se rassemblent à l’entrée du Palais de la Culture de Bamako. L’enceinte du lieu, emblématique des grands rendez-vous culturels et politiques du Mali, est déjà bouclée par un dispositif sécuritaire imposant. Les forces de l’ordre, déployées pour « garantir la sécurité publique », empêchent tout accès à la grande salle.
La veille déjà, un groupe de jeunes se réclamant de la société civile avait investi les lieux pour marquer leur opposition à la tenue du meeting. Samedi, cette opposition s’est manifestée de façon encore plus visible, par des slogans et chants patriotiques, dont l’hymne national repris en chœur à plusieurs reprises. Les partisans de la Transition affichaient leur soutien aux autorités actuelles, en insistant sur la souveraineté du Mali et la préservation de l’unité nationale.
Des slogans opposés, une même volonté d’expression
Face à eux, les militants des partis politiques arboraient pancartes et banderoles réclamant l’organisation rapide d’élections, la sauvegarde des libertés fondamentales, et le maintien du pluralisme politique. « Vive la démocratie ! », « Le peuple veut choisir ! », « À bas l’autoritarisme ! », scandaient certains manifestants, venus de divers quartiers de Bamako.
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Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti YELEMA, a pris la parole devant la presse pour exprimer la frustration du camp démocratique : « Nous ne voulons pas d’affrontement, mais nous ne reculerons pas. Ceux qui ont peur de la démocratie s’abritent derrière la force. »
L’intervention des forces de sécurité a, semble-t-il, permis d’éviter tout affrontement direct entre les deux groupes. La tension était pourtant vive, et la déception palpable dans les rangs des militants des partis. Le meeting fut annulé, les participants invités à se disperser dans le calme.
Une reconfiguration politique en marche
Au cœur des revendications des partis politiques : la récente adoption en Conseil des ministres d’un projet de loi visant à abroger la Charte des partis politiques ainsi que le Statut du chef de file de l’opposition. Cette décision, prise suite aux recommandations de la Consultation nationale des 28 et 29 avril derniers, est perçue par plusieurs formations comme une remise en question du multipartisme et de l’expression politique organisée.
Si les autorités évoquent un besoin de « refondation profonde du système politique », certains y voient une menace pour la diversité d’opinion. Cette divergence de vues révèle la complexité du moment politique actuel, où aspirations à la réforme et nécessité de consensus démocratique doivent cohabiter.
Un dimanche sous tension à la Maison de la Presse
Ce dimanche 4 mai, nouvelle tentative de rassemblement pour les responsables politiques, cette fois à la Maison de la Presse, dans la commune II du district de Bamako. Là encore, des groupes de jeunes opposés à la tenue de la conférence se sont mobilisés. Les forces de maintien de l’ordre sont intervenues, invoquant un risque élevé de confrontation.
La salle avait pourtant déjà accueilli les participants. Selon des témoins, la porte d’entrée a été ouverte de force pour les faire sortir. La conférence a été suspendue, avant que les leaders politiques ne se replient dans un restaurant de l’ACI 2000 pour s’exprimer devant la presse.
Des voix s’élèvent pour la stabilité et l’unité
Au cours de ce point de presse improvisé, plusieurs figures politiques ont pris la parole, parmi lesquelles Abdrahamane Diarra, héritier politique du défunt Soumaïla Cissé, Moctar Ousmane Sy, Hamidou Doumbia et Cheick Oumar Doumbia dit « COD ». Tous ont exprimé leur attachement au dialogue, à la paix sociale, mais aussi à la sauvegarde des acquis démocratiques.
« Nous lançons un appel solennel : À nos magistrats, à nos journalistes, à nos leaders religieux et traditionnels, à nos forces de l’ordre, à nos jeunes, à nos femmes, à nos intellectuels — vous êtes le rempart de la République », a déclaré Abdrahamane Diarra avec émotion. « Que Dieu sauve le Mali et préserve les Maliens. La vérité triomphera. »
Un Mali en quête de sérénité
À ce jour, aucune violence majeure n’a été signalée lors de ces événements. Aucun drapeau étranger n’a été exhibé. Aucun slogan hostile à un autre pays n’a été entendu. Les expressions, bien que passionnées, sont restées ancrées dans un cadre national. Cela mérite d’être souligné, à l’heure où les tensions régionales et les défis sécuritaires pourraient être des catalyseurs de divisions.
Il est clair que la vie politique malienne entre dans une nouvelle phase, marquée par une volonté des autorités de restructurer le paysage institutionnel, mais aussi par une détermination de certains acteurs politiques à faire entendre leur voix dans le respect de l’ordre républicain.
Une transition sous haute vigilance citoyenne
Le double épisode du week-end à Bamako souligne à la fois la sensibilité de la situation politique actuelle, mais aussi l’implication croissante des citoyens dans la vie publique. Entre soutien à la Transition et défense des principes démocratiques, la société malienne démontre une fois de plus sa vitalité.
Les prochains jours seront décisifs pour la suite du dialogue national. Le Mali, fort de son histoire, saura-t-il transformer cette tension en une force constructive pour l’avenir ? Le temps, comme toujours, sera le meilleur juge.
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Moise Touré
Source: Bamada.net