La fréquentation touristique à Madagascar s’annonce en baisse cette année. Si sa nature sauvage n’a rien perdu de ses attraits, le triple lynchage de Nosy Be dont deux vacanciers ont été victimes et la crainte de troubles avant les élections ont refroidi certains voyageurs.
Au salon du tourisme de Colmar (est de la France) qui refermait ses portes ce week-end, la confiance des tours-opérateurs français ne semblaient cependant pas entamée par le drame de Nosy Be (nord) où deux Français et un Malgache ont été tués en octobre par une foule en colère.
« Forcément, cela a un effet négatif qui peut constituer pendant quelques mois un frein à la vente », a admis Philippe Le Brun, responsable commercial du voyagiste français National Tours, qui organise des circuits sur l’île.
« Les clients sont hyper-sensibles. Ceux qui projetaient un voyage à Madagascar se sont dits qu’ils allaient repousser leur projet », mais « je n’ai aucun doute sur une reprise », a-t-il ajouté.
Le pouvoir d’achat des touristes potentiels est aussi un facteur important.
Relativement chère, Madagascar est une destination où la durée moyenne de séjour est longue, environ trois semaines. Le tourisme y est encore embryonnaire (260.000 visiteurs en 2012) mais assure déjà 15% du PIB.
Près de 60% des touristes à Madagascar viennent de France, y compris l’Ile de la Réunion voisine. Mais « l’île rouge » accueille aussi des Britanniques (3,5% des visiteurs en 2012), des Italiens (3,5%), quelques Américains (1,5%), des Asiatiques (environ 7%).
L’Office national du tourisme malgache redoute une baisse de 4 à 5% des arrivées cette année. Le repli a commencé dès février, alors que les élections ont été reportées trois fois.
Plusieurs ambassades, française, britannique, italienne ou australienne, ont conseillé la prudence notamment autour des deux tours de l’élection présidentielle (25 octobre et 20 décembre).
« Saison foutue »
A Colmar, pour faire la promotion de la région centre-est, l’Alaotra Mangoro, Yolande Rachel Ravahinimbola, directrice de l’office du tourisme local, confiait son amertume.
« Ce fait divers (de Nosy Be, ndlr) ne va pas s’effacer rapidement », a-t-elle dit, distribuant des chapeaux de paille tandis que des visiteurs se laissaient entraîner au son de musiques traditionnelles afindrafindrao.
L’enquête française sur l’une des deux victimes lynchées par une foule en colère à Nosy Be, le Français Sébastien Judalet, a totalement réfuté les rumeurs de pédophilie à son encontre.
Mais selon les autorités touristiques, l’exaspération locale face à l’essor du tourisme sexuel est sans doute à l’origine du drame, dans un pays où un nombre croissant de gens ne mangent pas à leur faim.
« Je pense que cette saison sera foutue, même si j’espère avoir tort », redoute Maria Tereza Belloso, restauratrice italienne à Nosy Be. « En plus on a les élections et les élections apportent toujours, disons des +chaleurs+, et les gens ont peur de ça aussi ».
Dimamy, propriétaire du restaurant voisin Chez Ernest, a observé aussi que l’île ne fait pas le plein et qu’ »il y a une certaine diminution du nombre de touristes ».
« Ce sont les gens qui ne connaissent pas l’île qui ont peur de venir ici et annulent », affirme de son côté Pascaline Randrianasolo, la réceptionniste de l’hôtel Espadon.
Après plusieurs années d’expansion continue, le tourisme à Madagascar s’est effondré en 2009, victime de la récession mondiale et de la grave crise politique provoquée par le renversement du président Marc Ravalomanana.
Les recettes du tourisme et le nombre de visiteurs se sont redressés depuis, sans toutefois retrouver les niveaux précédents.
Raony Ravelotsalama, propriétaire d’un agence de voyage à Antananarivo, la capitale, observe sobrement que « durant ces quatre ans de crise, le tourisme s’est détérioré ».
Le taux d’occupation des hôtels est revenu à la normale. Mais selon lui, Madagascar pâtit de la petite criminalité en hausse, vols et agressions se multipliant y compris dans les zones touristiques, dans un contexte socio-économique très dégradé et d’extrême pauvreté des habitants.