Ce n’est pas pour faire injure à la bravoure du personnel sanitaire héroïquement engagé aux avant-postes. Mais la fâcheuse incurie de l’État risque de favoriser dangereusement l’avancée de l’impitoyable virus.
En France, le Coronavirus a commencé par pointer son nez par deux cas testés positifs. Moins d’un mois après, malgré des mesures drastiques de confinement du peuple, le décompte macabre des personnes mortes du virus a dépassé le nombre effarant de 4000 au 1er avril. Et les chances de victoire sur la pandémie ne sont pas évidentes, loin s’en faut. Bien au contraire, les structures d’accueil des victimes sont désormais très insuffisantes, alors que le personnel soignant (médecins, infirmiers et infirmières, etc., qui ont d’ailleurs payé de lourds tributs au mal et qui sont applaudis chaque soir depuis les balcons et les fenêtres par le peuple français reconnaissant) déclare ses capacités d’action arrivées à saturation. Tout comme en France, Coronavirus s’est manifesté au Mali aussi par deux cas testés positifs dans la nuit du mardi 24 mars 2020, par les services sanitaires. Puis, sa progression sur le front n’a pas discontinué. Trois nouveaux cas ont été mis à jour et ont vite porté le nombre à 5 le lendemain, puis à 8 le surlendemain, et à 11 le jour suivant ; lequel dernier chiffre sautera à 25 pour finalement atteindre 31 le 1er avril. Et voilà que 5 nouveaux cas sont communiqués par les autorités sanitaires ce jeudi 2 avril, portant le total à 36.
PROGRESSION RÉSOLUE.
On voit bien la progression du virus, dans une sorte de cadence rythmée et pernicieuse, de surcroît résolue. De quoi jeter tout le pays dans l’effroi, dans une frayeur dans la démesure. Ce n’est pas que le peuple est ici inutilement peureux. C’est parce que les mesures de prévention indispensables, si elles ont été édictées par les autorités comme ce fut le cas dans le monde entier, elles n’ont été au Mali qu’une sorte de mimétisme de saison. En effet, le communiqué de la réunion extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense Nationale a brillé par des incohérences, ce qui a même provoqué des quiproquos regrettables dans les milieux religieux musulmans qui, contrairement aux chrétiens, se sont lancés dans des luttes de jactance entre chapelles pour retarder la fermeture des mosquées, quand certains n’ont pas tout simplement rejeté de go la mesurequ’ils ont sans hésiter jugée mécréante.
CORONAVIRUS INVITÉ PAR IBK.
Ensuite, au mépris du bon sens et des réalités qui s’étaient, sans ambiguïté aucune, imposées partout dans le monde, le président de la République a tenu à organiser les législatives du 29 mars, ce qui était déjà une invitation en bonne et due forme adressée au Coronavirus à venir jouer comme larron en foire; mais en plus, le pouvoir n’a pas pris les mesures incontournables qu’il fallait pour sécuriser les citoyens, tant les présidents des bureaux de vote et leurs assesseurs, en plus des rares votants. Comme si, ces criminelles défaillances ne suffisaient pas à déblayer le terrain au Coronavirus, des matches de football ont eu lieu le jour du scrutin, évènements qui ne font en aucune façon bon ménage avec les gestes-barrière. Qu’à cela ne tienne, les cérémonies populaires de mariage ont continué à se dérouler comme si de rien n’était, comme s’il n’y avait jamais eu une réunion extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense Nationale consacrée à la pandémie du Coronavirus et qui avait préconisé des conduites à tenir.
LE PIRE EST À VENIR.
Mais le plus grave est que les structures sanitaires sont des plus mal équipées pour faire face au drame : hôpitaux insalubres, insuffisance de lits d’accueil, pénurie à l’échelle nationale des moyens de protection pour le personnel soignant, protocoles de soins indisponibles… À travers leur syndicat (Syndicat des Médecins du Mali), les hommes en blouse blanche ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en notifiant leur indignation à leur ministre de tutelle. La frayeur ne finit pour, autant pas d’être nourrie. Les excès d’insouciance et d’irresponsabilité des gouvernants ont émaillé le couvre-feu instauré la nuit, de 21 heures à 5 heures du matin, quand bien même les mesures pour la journée ne se sont révélées que des paroles en l’air. Le fameux couvre-feu a montré combien nos forces de sécurité sont malheureusement mal préparées pour ces opérations nocturnes. Elles agiront dans des excès intolérables au plan humain et en démocratie. Fouettages, bastonnades, injures grossières, etc., ont constitué leur modus operandi. Des gens lassés en sont même arrivés, dans la nuit précédant le scrutin législatif, à appliquer la justice expéditive sur un policier envoyé dans sa tombe. À Kalabancoura, des policiers ont aussi, comble de sécurité, joué aux malfrats en s’attaquant à des commerces pourtant fermés. L’on aura également constaté que le couvre-feu a été à deux vitesses. Certains privilégiés sortaient librement pour aller dans des lieux de plaisir et d’autres étaient pourchassés comme des lapins dans les rues. À ce train et dans la durée, de pires situations sont à craindre.
Ahmad Ould Bilé
LE COMBAT