Votre journal s’est intéressé cette semaine à la question de la lutte contre la corruption au Mali; un nouveau front ouvert par les autorités judiciaires, avec le soutien des pouvoirs publics.
Nous avons décidé de donner la parole aux universitaires maliens, afin qu’ils se prononcent sur la question de la corruption en générale et de l’affaire de Bakary Togola en particulier. Faut –il le rappeler, Bakary Togola, président de l’APCAM et de l’Union des cotonculteurs du Mali, est sous les verrous depuis bientôt un mois, pour raison de corruption et de détournement de fonds publics.
A cet effet, nous avons sillonné les 7 facultés et l’Institut Universitaire de Gestion de Bamako.
Nous avons interviewé des enseignants et étudiants sur ce combat farouche contre la corruption au Mali qui, de jour en jour, ne cesse de s’accroitre.
A la Faculté de Droit public (FDPU)
Notre micro-trottoir a commencé à la faculté de Droit public. Là, nous avons pu avoir l’avis du Docteur Baïla Niang, professeur à la FDPU. Il dira que l’arrestation de Bakary Togola, défraie actuellement la chronique. Et a émis le vœu que cette lutte ne s’arrête à Bakary Togola.
Les dossiers comme ceux des engrais frelatés, l’achat de l’avion présidentiel ou même des armements, doivent être relancés et que les coupables soient identifiés et punis, a-t-il déclaré.
Dans la même faculté, deux étudiants en licence, Mohamed Lamine Sangaré et Tidiane Mamadou Kouma, ont ajouté que cette lutte contre la corruption est noble et salutaire. Car, ajoutent –ils, au Mali, la corruption a atteint un seuil qu’on ne peut imaginer. « Si l’État laisse libre court à la justice d’arrêter les gens qui encouragent la corruption, cela ne peut-être que salué », disent les deux étudiants.
Ensuite, nos deux interlocuteurs précisent que le Maline peut se développer dans la corruption ; un phénomène à combattre à tous les niveaux.
Aux deux étudiants de la Faculté de droit Public de conclure que ces actions de la justice malienne doivent être soutenues par les populations. Ils ont tout de même appelé au respect de la présomption d’innocence pour ce qui est du cas Bakary Togola.
À la Faculté de Droit Privé
Nous avons rencontré deux enseignants, le Dr Mamoutou N’diaye et Dr Abdoul Kader Siby.
Pour le Dr N’Diaye, cette lutte est salutaire. Il estime normal que ceux qui abusent des deniers publics soient sanctionnés avec rigueur. Il conclut ses propos en disant que cette lutte doit être continuelle et non temporelle.
De son côté, le Dr Abdoul Kader Siby a également reconnu le caractère salutaire du combat contre la corruption, même si cela a commencé tardivement. Il estime que la corruption au Mali est une pratique généralisée et que la racine est profonde.
Pour Dr Kader, le gouvernement et la justice ne doivent plus reculer ; ils doivent aller jusqu’au bout, avec l’appui de la société civile. Il a émis le vœu que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur concernant les délinquants financiers.
Mohamed Kéita, étudiant en licence 3 à la Faculté, a salué l’initiative. Pour lui, lutter contre la corruption est un travail de longue haleine, qui demande du courage et de l’abnégation pour arriver à des résultats encourageants. Il croit à l’audace du ministre de la justice pour réussir cette mission de long chemin. Il a souhaité que Bakary Togola soit jugé conformément à la loi.
La Faculté Histoire –Géographie
Elle n’est pas restée en marge de nos interrogations. M. Koné, professeur à la Faculté Histoire Géographie de Bamako et à l’université de Ségou, dira que cette lutte, a pris du retard. Il a rappelé que régime est émaillé de scandale financier.
Pour lui, cette lutte ne s’inscrit pas à l’actif du gouvernement, mais plutôt à celui de la rue. C’est après la marche du 5 avril 2019 que Malick Coulibaly, ministre de la justice,est venu aux affaires. C’est à partir de ce moment qu’il a mis en place un mécanisme de lutte contre la délinquance financière.
Le professeur Koné exprime tout son respect et soutien au ministre de la justice. A son avis, une justice équitable est à même de diminuer le fléau du terrorisme qui constitue un refuge pour des jeunes qui sont dans le besoin d’assurer leur survie.
« Je ne voudrais pas vraiment que notre justice se limite seulement à Bakary Togola ; il y a bien d’autres gros poissons à pêcher » a-t-il conclu.
A sa suite, l’étudiant en master 2 géographie, Abdoulaye Guindo dit Adé, dira que cette lutte est attendue par les Maliens depuis fort longtemps. Ce qui serait assez important, indique-t-il, est que le peuple Malien continue à encourager et aider le gouvernement et la justice malienne dans cette mission. Nous soutenons l’État et surtout la justice de notre pays pour qu’elle puisse mettre le grappin sur tous les délinquants financiers, a dit Adé.
RokiaDaou, étudiante en licence1 Géographie, pense que c’est le début de la construction d’un nouveau Mali. « Notre Maliba aura un nouveau visage grâce au courage et au dévouement du garde des sceaux, maître Malick Coulibaly. Je soutiens de toutes mes forces la justice dans cette lutte noble. La corruption a pris une proportion très dangereuse dans notre pays et toute la population doit soutenir le gouvernement dans cette lutte. Nous devons nous donner la main pour soutenir le gouvernement et la justice dans cette lutte digne », a souhaité Rokia Daou.
A la Faculté des Sciences et Techniques (FAST)
Dans cet établissement, le professeur Maïga dira que cette lutte est une bonne chose si seulement elle continuait. Il ajoute que le combat doit aller en profondeur, afin d’identifier et d’arrêter tous les corrompus et corrupteurs.
Le Docteur Moussa Tamboura, secrétaire principal à la FAST, dira également que le gouvernement est en retard dans cette lutte, même s’il reconnait que mieux vaut tard que jamais. Il avance que si les preuves contre Bakary Togola sont formelles, ce dernier doit être puni conformément à la loi. La justice doit aller jusqu’au bout de cette lutte car c’est l’impunité qui régresse le Mali, a-t-il déploré.
Quant à Aboubacar Traoré, technicien supérieur de biologie médicale à la FAST, il pense que l’arrestation de Bakary Togola est un complot. Selon lui, Bakary Togola seul n’a pas détourné ce fonds. C’est pourquoi notre interlocuteur appelle la justice à approfondir les enquêtes pour identifier tous les complices de Bakary Togola.
A l’Institut Universitaire de Gestion(IUG)
Nous avons rencontré M. Sidibé, professeur de mathématiques à l’IUG, qui a aussi voulu garder l’anonymat quant à son prénom. Pour le mathématicien, l’enquête ne doit pas s’arrêter à Bakary Togola, pour ne pas donner l’impression d’un règlement de compte. Il soutient que cette lutte doit concerner toutes les parties impliquées dans la corruption.
Adama Coulibaly, étudiant à la CGE1 dans cet institut, estime qu’aucun pays ne peut se construire dans la corruption. « Si nous avons aujourd’hui la chance d’avoir un ministre courageux, qui décide de lutter contre la corruption, la population se doit de l’aider pour mener à bien sa mission ; j’allais dire notre mission »dit –il.
De son côté, Assata Soumounou, étudiante à l’IUG, soutient que la corruption au Mali est devenue monnaie courante. Elle s’estime en avoir été victime au commissariat de Sabalibougou, lorsqu’elle cherchait à faire sa carte d’identité nationale. Elle dira qu’au lieu de payer 1000 FCFA, on lui a soutiré 3.000 FCFA.
A la Faculté des Sciences Économiques et de Gestions (FSEG) : Nous avons pu interviewer Mme Anna Traoré, enseignante. Pour elle, la lutte contre la corruption ne vient pas du gouvernement mais plutôt de la justice. Elle a rappelé que Bakary Togola a été dénoncé par un anonyme ; toute chose qui a été saisie par le procureur Mamadou Kassoguépour mener des enquêtes supplémentaires, ayant conduit à l’arrestation de M. Togola. A cet effet, ajoute-t-elle, si la lutte venait réellement du gouvernement, la dénonciation devrait plutôt émanée des nombreuses structures étatiques engagées dans le combat contre la mauvaise gouvernance. Des structures qui ne cessent de faire des rapports, qui finissent par remplir des tiroirs du gouvernant.
Pour Labasse Samaké, étudiant en licence1, cette lutte enclenchée par nos autorités est une bonne initiative. Cependant, il se inquiet de la suite, à savoir si la lutte va durer dans le temps.
Concernant l’arrestation de Bakary Togola, l’étudiant pense que si les preuves sont réunies, ce dernier doit payer pour son forfait. Il jure que Bakary Togola n’est pas seul à détourner tous ces milliards. Il serait en complicité avec plusieurs autres cadres, qui doivent également être derrière les barreaux.
Aminata Bathily, étudiante en licence 1, soutient l’initiative de la justice malienne. Elle dit que la corruption doit être combattue à tous les niveaux ; du plus haut au plus bas de l’échelle. Cette jeune étudiante se demande si le gouvernement ou la justice pourrait mener cette lutte jusqu’au bout.
A la Faculté de Médecine
Deux éminents enseignants se prononcèrent sur la question, il s’agit du Dr Sissoko Sidi Boula et du Dr Kassogué Yaya. Pour le premier, cette lutte est noble et une bonne chose si la justice arrive à continuer, pour le bonheur des Maliens et la progression du pays. Cependant, il a exprimé sa crainte de voir cette lutte se limiter seulement aux mots et non en posant des actions concrètes.
Le second soutient que cette lutte est salutaire. Il a proposé un suivi de tous les dossiers concernant les biens de l’Etat et une information à temps réel du contribuable sur l’utilisation des moyens de l’Etat. « Je ne peux qu’encourager l’État et la justice sur cette voie. C’est une occasion d’améliorer la qualité de vie des Maliens, parce que nous avons des hôpitaux où il y’a pratiquement pas de matériels adéquats ; tout cela par la faute de la corruption », a laissé entendre notre interviewé.
Dans la foulée, Mahamadou Baldé, étudiant en 7ème année médecine générale, a pris la parole. Il pense que la lutte contre la corruption devrait commencer depuis bien longtemps au Mali. Il demande à la population d’aider la justice dans cette mission noble.
Lassine Diallo, étudiant en 7ème année pharmacie et non moins secrétaire général du comité AEEM de la faculté, précise que le gouvernement est en retard par rapport à cette lutte. A l’en croire, la lutte contre la corruption doit être la première politique du gouvernement. Pour lui, aucun pays ne peut avancer tant qu’il y’a des bras longs qui « bouffent » allègrement l’argent des milliers, voire des millions de personnes.
Ibrahim Nimaga, étudiant en 5ème année médecine dira que les étudiants de la Faculté de médecine ont commencé cette lutte en milieu estudiantin depuis belle lurette. Il ajoute que cela a eu des impacts appréciables sur la gestion et le déroulement des examens au sein de la faculté. Nimaga soutient que le gouvernement doit élargir son champ d’action ; car, dit-il, cette lutte ne doit pas se limiter à un seul domaine mais à tous les secteurs de l’activité économique du pays, y compris l’école.
A la Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Éducation
Nous y avons interrogé Oumar Magassa, professeur de philosophie. Pour le philosophe, cette lutte est salutaire car la corruption à gangrené tout le système économique du Mali ; et qu’il est grand temps de lutter contre le mal. Magassa poursuit que sa crainte est de voir tout cela se transformé en un tapage pour mettre la poudre aux yeux des populations.
Il précise que les magistrats doivent chercher à éplucher plusieurs autres dossiers, notamment les affaires des équipements militaires et les engrais frelatés. Ces dossiers doivent faire l’objet de toute la lumière possible.
Dans ses propos, le Dr A. Diabaté, professeur de philosophie à la même faculté, soutient que cette lutte est une bonne chose. Cependant, il s’est interrogé sur la bonne procédure de la démarche entamée.
Amidou Sissoko, étudiant en licence1, Sciences de l’Éducation, déclare que cette lutte contre la corruption ne servira à rien car le plus corrompu c’est le gouvernement lui-même. Il ajoute que la corruption est un sac dans lequel tout le monde met la main ; donc Bakary Togola ne mérite pas d’être enfermé.
Salia Sanogo, étudiant en licence1, Sciences de l’Éducation s’oppose catégoriquement à son prédécesseur. Il trouve que la lutte sera salutaire si elle est menée jusqu’au bout par des actions concrètes et résultats tangibles. Pour Salia Sanogo, seule une vraie lutte contre la corruption pourra faire avancer le Mali.
LE DELIBERE