Un bras de fer judiciaire et diplomatique s’intensifie entre le géant minier canadien Barrick Gold et l’État malien. Au cœur de cette confrontation, la gestion du complexe minier de Loulo-Gounkoto, l’une des plus importantes exploitations aurifères du pays, située près de la frontière sénégalaise. Alors que le gouvernement malien a demandé au Tribunal de commerce de Bamako de placer le complexe sous administration provisoire, Barrick Gold a riposté en s’opposant fermement à cette démarche qu’elle juge « sans base ni en droit ni en fait ».
L’annonce faite hier, le 26 mai 2025, par Barrick Gold, marque une nouvelle escalade dans un différend qui couve depuis plusieurs mois. La compagnie minière conteste la légitimité de la requête de l’État malien, affirmant qu’elle n’a aucune justification pour confier la gestion quotidienne des opérations à un administrateur judiciaire. Barrick a d’ailleurs déposé sa propre requête auprès de la même juridiction le 22 mai 2025, dont la réponse est attendue le 2 juin prochain.
Barrick Gold dénonce cette tentative de mise sous administration provisoire comme une « nouvelle escalade » de la part du gouvernement malien. Selon la compagnie, cette action fait suite à une série d’événements préoccupants, notamment la détention « illégale » de plusieurs de ses employés pendant plus de cinq mois et le blocage des exportations d’or du complexe. Malgré ces difficultés, Barrick assure avoir continué à soutenir ses employés et sous-traitants en payant les salaires et en maintenant les opérations sur une base mensuelle continue.
La société canadienne déplore également une « tentative d’interférence » sans précédent de la part des autorités maliennes dans les opérations de Loulo-Gounkoto. Dans son communiqué, Barrick Gold a déclaré que cette ingérence est « sans justification légale puisqu’elle ne tient pas compte des droits de Barrick en vertu de la législation malienne et des accords contraignants ». Elle a qualifié cette action d’incompatible avec « es principes de régularité de la procédure et de respect mutuel qui devraient sous-tendre les partenariats entre les gouvernements et les investisseurs de long terme ».
Malgré les tensions, Barrick Gold affiche sa volonté d’aboutir à un accord avec l’État malien. La semaine dernière, la société a adressé un courrier au ministre malien de l’Économie et des Finances pour réitérer sa disponibilité à reprendre les discussions. L’objectif est de trouver un accord satisfaisant permettant la libération de ses employés détenus et la reprise des activités dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.
Le litige actuel entre Barrick et le gouvernement malien semble tourner autour de la gestion des ressources financières issues de l’exploitation de Loulo-Gounkoto. Barrick avait proposé de verser 275 milliards de FCFA à l’État dans le cadre d’un accord qui n’a jamais été signé. Selon certaines sources, l’État malien réclamerait quant à lui jusqu’à 315 milliards de FCFA à la compagnie minière.
En parallèle des démarches judiciaires, Barrick Gold a déjà entamé une procédure d’arbitrage international, conformément au mécanisme de règlement des différends convenu dans les Conventions minières. La compagnie se dit déterminée à obtenir justice pour ses employés détenus et à défendre l’intégrité de son investissement face à des actions qu’elle estime « risquent de compromettre la viabilité à long terme des exploitations, la valeur pour les parties prenantes ou le cadre juridique qui sous-tend sa présence dans le pays ».
Le communiqué de Barrick Gold conclut en rappelant son bilan de près de trois décennies au Mali, où elle affirme avoir contribué de manière significative à l’économie et au développement social du pays. L’attente est désormais tournée vers la décision du Tribunal de commerce de Bamako le 2 juin prochain, qui pourrait bien marquer une nouvelle étape décisive dans ce conflit complexe.
Ibrahim Kalifa Djitteye