Sauf que sur le terrain, la rivalité bat son plein à Tripoli entre Fayez el-Sarraj, le Premier ministre démissionnaire, et Fathi Bachagha, l’actuel ministre de l’Intérieur. Dans ce pays profondément divisé, plusieurs accords ont été conclus ces dernières années mais sans être appliqués.
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Qui sont les 75 délégués libyens ?
Le dialogue interlibyen est lancé en Tunisie en novembre 2020 pour tenter de sortir de la crise le pays. Ils ont débouché sur un accord pour une présidentielle le 24 décembre 2021, mais pas sur le mécanisme de désignation d’un exécutif pour assurer la transition jusqu’au scrutin. Le 19 janvier, un mécanisme de sélection a été approuvé. Autour de la table : toutes les tendances politiques et toutes les régions, même les kadhafistes et les révolutionnaires.
Mais avant même le début du dialogue à Tunis, des désaccords étaient apparus sur la légitimité des délégués participant aux négociations. Des organisations libyennes avaient ensuite appelé à enquêter sur des « allégations de corruption » visant selon elles à influencer le processus de sélection des futurs responsables.
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Pourquoi votent-ils ?
Ils « voteront pour choisir le Conseil présidentiel, qui sera composé de trois membres, et un Premier ministre, assisté de deux adjoints », selon l’ONU. Ce conseil transitoire aura pour mission de « réunifier les institutions de l’État et assurer la sécurité » jusqu’aux élections annoncées pour le 24 décembre. La liste des candidats au Conseil présidentiel, qui comprend trois femmes, a elle-même été approuvée par les participants à ce dialogue. Sans attendre, les candidats ont commencé à se présenter par visioconférence et à répondre aux questions, pour une durée totale de 20 minutes chacun et non sans interruptions dues à des coupures de la liaison Internet.
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte populaire en 2011. Deux autorités s’y disputent le pouvoir : à l’Ouest, le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par l’ONU et soutenu par la Turquie, et un pouvoir incarné par Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, soutenu par la Russie et les Émirats arabes unis notamment.
Après l’échec d’une offensive lancée par le maréchal Haftar en avril 2019 pour conquérir Tripoli, au terme de plus d’un an de combats aux portes de la capitale, les deux camps ont conclu un cessez-le-feu en octobre et retrouvé le chemin du dialogue, encouragé par l’ONU. La production pétrolière, secteur névralgique de l’économie, a entre-temps connu un rebond significatif.
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Qui sont les candidats en lice ?
Dans l’Ouest, le puissant ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha, du GNA, est candidat au poste de Premier ministre, tout comme l’ambitieux homme d’affaires et vice-président du Conseil présidentiel Ahmed Meitig. Le président du Haut Conseil d’État (l’équivalent d’une chambre haute) Khaled al-Mechri se présente au Conseil présidentiel.
Dans l’Est, le juriste et président du parlement de Tobrouk, Aguila Saleh, brigue le poste de Premier ministre.
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Et sur le terrain ?
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué les progrès accomplis dans les négociations, tout en réitérant son appel à un départ des militaires étrangers et des mercenaires présents dans le pays et qui auraient dû partir au plus tard le 23 janvier en vertu de l’accord de cessez-le-feu. L’embargo sur les armes imposé à la Libye continue quant à lui d’être violé aujourd’hui, avec des arrivées qui se poursuivent d’avions-cargos au profit des belligérants, selon l’ONU. L’organisation internationale a reçu dans ce sens un soutien de taille, de la nouvelle administration américaine. Les États-Unis « demandent à la Turquie et à la Russie de commencer immédiatement le retrait de leurs forces » de Libye, incluant militaires et mercenaires, a affirmé jeudi à l’ONU l’ambassadeur américain, Richard Mills. Cette prise de position claire et ferme de la nouvelle administration américaine de Joe Biden tranche avec le flou qui a entouré ces dernières années la politique américaine de Donald Trump à l’égard de la Libye, liée aussi, selon des diplomates, à un désengagement de Washington dans la région.
Quelles sont les chances de réussite de ce processus ?
Elles sont très minces. Le dernier rapport de l’organisation indépendante International Crisis Group (ICG) sur la Libye, publié le 21 janvier dernier, met d’ailleurs en garde contre un échec possible du processus politique soutenu par les Nations unies. « Beaucoup reste à faire avant d’aboutir à un gouvernement d’union nationale », disent les experts de l’ICG, pour qui « le processus de vote compliqué pourrait » au final « déclencher de nouveaux conflits ». Le rapport insiste sur la capacité des factions « qui possèdent les moyens politiques, militaires et financiers » pour « spolier le vote ou refuser ses résultats », quitte à mobiliser les groupes armés ? C’est la grande inconnue.
Source: lepoint