La Présidence de la république, l’Assemblée nationale et la primature sont désormais dirigées par des personnes âgées. Il s’agit, respectivement de : Ibrahim Boubacar Kéita (70 ans), Issaka Sidibé (69 ans) et Modibo Kéita (73 ans). L’habitus en pratique concerne la gestion des générations et de l’inter génération humaine. C’est un état de blocage, de refus du changement lié à l’éducation de base combinée à l’âge avancé.

Le concept d’habitus est utilisé par Pierre Bourdieu pour rendre compte de l’ajustement qui s’opère le plus souvent « spontanément », c’est-à-dire sans calcul ni intention expresse, entre les contraintes qui s’imposent objectivement aux agents, et leurs espérances ou aspirations subjectives.

L’habitus est un ensemble de  dispositions durables, acquises  qui comporte les catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales. Acquis au cours de la prime éducation et des premières expériences sociales, il reflète aussi la trajectoire et les expériences ultérieures : l’habitus résulte d’une incorporation progressive des structures sociales. C’est ce qui explique que, placés dans des conditions similaires, les agents aient la même vision du monde, la même idée de ce qui se fait et ne se fait pas, les mêmes critères de choix de leurs loisirs et de leurs amis, les mêmes goûts vestimentaires ou esthétiques. Un même petit nombre de principes générateurs (le sens de la distinction des classes supérieures, la bonne volonté culturelle des classes moyennes, le choix du nécessaire par les classes populaires). Il permet ainsi de rendre compte d’une multitude de pratiques dans des domaines très différents.

Les dispositions peuvent rester à l’état de virtualité, comme le courage guerrier en l’absence de guerre. En outre, en raison des changements structurels ou de la mobilité sociale, l’ajustement entre les dispositions et les positions n’est pas toujours assuré, il existe toujours des agents déplacés, mal dans leur place et « mal dans leur peau ». En un mot, c’est une sorte d’Alzheimer  sociale dont parlait tout récemment le Pape François à la curie romaine. L’hostilité au changement par l’âge et le choc des générations.

Qu’en est-il au Mali, aujourd’hui dirigé par des personnes en  âges  avancés dans les trois premières institutions : Président, Assemblée nationale et Gouvernement ? Ce sont des personnes âgées, sinon des sages selon l’Afrique pour gérer les inter-générations. Mais ailleurs aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années. Lors du sommet sur la sécurité en Afrique, le président français  Hollande disait qu’on peut être jeune et sage. Est-ce à dire aussi que l’Europe peut être plus sage que l’Afrique malgré son statut de berceau de l’humanité ? Alors là, son discours est le même que celui de son prédécesseur Sarkozy qualifiant sur la terre du vrai sage Cheik Anta Diop que les africains ne sont pas suffisamment entrés dans l’histoire.

Refuser le changement et ne pas être capable de comprendre le contexte actuel des évolutions du monde actuel est une retraite anticipée de l’esprit. Alors la question de conflit générationnel dans la gouvernance étatique se pose ainsi que la limitation d’âge dans la constitution pour les fonctions électives et administratives.

Si « l’habitusé » lui  ne comprend pas que les langues ont évolué vers un langage plus informatique que poétique, s’il ne saisit pas que l’économie est gérée par des interdépendances liées à la globalisation et à la géostratégie, s’il ne sait pas que l’histoire a une durée de vie  pour agir sur le présent et l’avenir, s’il vit que par des souvenirs glorieux ou peu du passé ; alors le progrès souhaité par le peuple sous dépendance restera toujours en état de gestation sinon d’habitus.

Mais attention ! Le cerveau de l’être humain est encore un mythe pour les  lauréats des prix Nobel de biologie. La statistique serait l’art de faire mentir les chiffres, l’exception faisant la règle, les trois dirigeants de ces trois institutions comprendront cet article dans le sens de prescription thérapeutique et de la médecine africaine qui n’isole  pas le corps  du social pour soigner.

J’oubliais, tout ça est arrivé par ce que les jeunes ne sont pas à la hauteur, ils sont aussi atteints d’habitus dans le sens contraire.   C’est-à-dire,   trop pressé pour casser tout.

Toutefois, vive une jeunesse malienne bien formée et éprise de sagesse ! Cette jeunesse existe au Mali mais le périmètre de recherche est limité par l’habitus, hélas !

SDF

Source: Canard de la Venise