Le centre du pays concentre 40% des attaques djihadistes. Ces deux dernières années, 1.200 civils ont été tués, 50 villages brûlés, 30.000 personnes ont fui la région.
Le centre du Mali n’a jamais connu de telles violences. La zone est devenue en quelques années la plus dangereuse du pays. Rien qu’entre janvier et août 2018, 500 civils ont été tués au cours de massacres, d’attaques ou de combats. Des villages entiers ont été brûlés, d’autres assiégés par des blocus, leurs habitants pourchassés. Les faits sont connus. La campagne pour l’élection présidentielle, qui a eu lieu en août et qui a été remportée par le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta, avait été marquée par l’inquiétude de voir le Mali de nouveau imploser. En 2013, la poussée djihadiste dans le nord du pays, qui menaçait Bamako, avait contraint la France à intervenir militairement et à déclencher l’opération Serval, devenue l’opération Barkhane.
Le rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), fruit d’une enquête de terrain réalisée entre mai et juillet 2018 et publié jeudi, vient rappeler que ces violences “cachées dans les confins des zones peu accessibles du delta du fleuve Niger se déroulent à huis clos, à l’abri des regards de l’opinion nationale et internationale”. Le centre du Mali concentre désormais 40% des attaques djihadistes du pays. Ces deux dernières années, 1.200 civils ont été tués, une cinquantaine de villages brûlés et au moins 30.000 personnes ont fui la région dans un contexte d’intensification des violences inter-communautaires, indique la FIDH.
Le président de l’Association malienne des droits de l’homme, Moctar Mariko, l’assure :“L’escalade des violences au centre du Mali est en passe de devenir hors de contrôle et ne se résoudra pas à coups d’opérations militaires spectaculaires.”
Il poursuit :
“Sans retour d’un Etat fort et juste, qui entreprendra de rétablir le lien entre toutes les communautés, la terreur djihadiste et les affrontements entre communautés continueront de prospérer.”
Sous le joug des djihadistes
De fait, depuis la signature de l’accord d’Alger en 2015, les violences ont non seulement persisté, mais elles se sont propagées du nord vers le sud du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins. Les djihadistes ont profité des tensions intercommunautaires pour établir des bases locales. Depuis mars 2017, et la création du GSIM, une coalition de groupes djihadistes dirigée par le Touareg Iyad Ag Ghali et composée notamment de la katiba du Macina, le groupe d’Amadou Koufa, les attaques ont augmenté dans le centre du Mali, qui échappe au contrôle de l’Etat.
Plusieurs dizaines de villages vivent désormais sous le joug des djihadistes, qui imposent des règles de vie totalitaires, ferment des écoles publiques (750 écoles fermées en mai 2018, selon l’Unicef), commettent des actes de torture, des assassinats et des violences sexuelles.
L’effondrement de l’Etat en 2012 a conduit à un vide sécuritaire qui n’a pas été comblé par les forces françaises, ni par celles de la Minusma, la mission de stabilisation des Nations unies. Cette absence d’autorité a conduit à la multiplication des milices d’auto-défense, essentiellement constituées sur des bases communautaires et ethniques équipées d’armes sommaires. “Qu’elles soient peuls, bambaras ou dogons, ces milices ont contribué à l’infernal cycle d’attaques et de représailles. La passivité de l’Etat face aux exactions commises par plusieurs milices questionne sur les soutiens politiques dont certaines bénéficient”, souligne le rapport de la FIDH. Selon l’ONG, ces exactions sont susceptibles d’être qualifiées de crime de guerre.
Exactions de l’armée malienne
De leur côté, les forces armées maliennes (FAMA), dont les effectifs sont peu importants, posent problème, car elles ne connaissent pas le terrain et se rendent coupables d’exactions. Selon la FIDH, elles ont arrêté et exécuté 67 personnes présentées comme “terroristes” et ont fait disparaître leurs corps dans des fosses communes. La majorité des victimes sont des civils peuls assimilés à des djihadistes.
Sans une action d’envergure, qui ne se limiterait pas à une lutte anti-terroriste peu satisfaisante, pour rétablir des services sociaux de base, la FIDH craint une “contagion dans le sud du pays”.
Sarah Diffalah
Source: nouvelobs
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