Visant à renforcer les bases de l’État de droit démocratique au Mali, ce chantier prioritaire pour le président IBK, entre ainsi dans une nouvelle phase. « Le Conseil de ministre a adopté le projet de décret transmettant à l’Assemblée Nationale, le projet de loi portant modification de la Constitution du 27 février 1992 ». Du coup, la primeur est réservée à l’Assemblée Nationale.
Le document devrait donc atterrir au Parlement, s’il ne l’est pas encore depuis la semaine dernière. Il devrait ensuite être mis à la disposition de l’opinion qui le réclame, en vue de participer au débat. Mais avant, des constitutionalistes font quelques précisions : « Il est utile de préciser, d’entrée, que la Constitution n’a pas été réécrite. Son préambule n’a fait l’objet d’aucun amendement. Ce projet de modification n’entraîne pas l’établissement d’une nouvelle Constitution, et n’induit pas l’entrée en vigueur d’une nouvelle République […] En outre, ce projet ne remet pas en cause les options fondamentales retenues par la Conférence nationale, et considérées jusqu’ici comme les fondamentaux de la Constitution. Les références de la Constitution sont préservées, ainsi que la nature du régime et les bases fondamentales ».
Priorité du chef de l’État IBK, l’initiative vise, poursuivent les experts, à «corriger les insuffisances de notre Constitution, identifiées par différentes études et divers acteurs, et la restauration d’un équilibre substantiel, réel et positif des pouvoirs ; la transparence dans la gouvernance économique et politique, au moyen notamment d’un régime pertinent, fait de responsabilité des gouvernants et d’un contrôle juridictionnel efficient. »
Renforcement de l’État de droit
En attendant la publication du projet, des sources officielles avancent que cette révision garantit une réelle indépendance à la justice. Le président de la république quitte la tête du Conseil supérieur de la magistrature, et ne nommera plus le président de la Cour suprême.
Ce dernier est élu par l’Assemblée générale des magistrats, et devient le président du Conseil supérieur de la magistrature. La composition de la Cour constitutionnelle et le mode de désignation de ses membres sont revus, pour lui donner une plus grande indépendance aussi.
Dans la constitution actuelle, le président de la République nomme trois membres dont aux moins deux juristes ; le président de l’Assemblée en désigne 3 dont au moins deux juristes et le Conseil supérieur de la magistrature désigne trois magistrats. Désormais, ce sont les corps professionnels qui désignent la grande majorité des membres.
Ainsi, le président de la République et l’Assemblée, désignent 3 des 9 membres. Les 6 autres le sont à raison de 2 par les magistrats, 2 par les avocats et 2 par les Professeurs de droit et de sciences politiques. La Cour des Comptes est instituée avec des démembrements dans les régions. Quant à la Haute Cour de justice, elle devient une institution ad hoc.
Conséquence, elle ne siège qu’en cas de poursuite à engager contre un dirigeant. Elle est dépolitisée et ne sera plus une institution budgétivore. Les députés n’y siégeront plus. Elle sera composée de trois membres de la Cour constitutionnelle et de six membres de la Cour suprême, tous désignés par tirage au sort.
Toujours dans ce tableau qui vise à instaurer un réel mécanisme juridique contre l’impunité des dirigeants, les conditions de poursuites sont allégées, notamment pour les ministres. Quand ils sont en fonction, leur mise en accusation doit être votée par 2/3 des membres de l’Assemblée nationale, comme l’indique la constitution en vigueur.
Ceci vise à préserver la cohésion du gouvernement et éviter les abus. Par contre, lorsqu’ils ne sont plus en fonction, la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions commises comme membres du gouvernement, sont soumis aux juridictions de droit commun. Seulement, l’instruction est menée par un collège de trois juges dont le doyen des juges d’instruction, et deux autres juges tirés au sort.
Concernant le président de la république, les conditions de sa poursuite ou de sa mise en accusation ne changent pas. Cela nécessite une approbation des 2/3 des membres composant l’Assemblée nationale. Dans tous les autres cas, la poursuite, l’instruction et le jugement sont soumis aux règles de droit commun.
Débat de caniveau de l’opposition autour de la création du Sénat
La création du Sénat qui tient au Chef de l’État, est prévue dans la monture transmise au Parlement. Le projet de reforme Constitutionnelle en vue prévoit la création d’un sénat ou d’un conseil de la nation. Du coup, tout se dit et tout s’affirme sans la moindre retenue. Le débat sur la révision de la constitution en cours actuellement va dans tous les sens.
Même des questions sur lesquelles il n’est pas possible de soulever le moindre débat sont agitées. Tout se complique surtout quand cela vient de soi-disant opposants d’aujourd’hui et acteurs de la mouvance d’hier. Ceux-ci osent même parler de nouvelle République alors qu’ils étaient en son temps, les vrais acteurs de ce chantier.
Ce sont ces acteurs politiques qui veulent démontrer aujourd’hui que la création du Sénat est un changement de République. Il s’agit d’un débat qui ne tient ni dans sa forme ni dans son fond. Rien de cela n’est en débat actuellement.
Le projet de révision de la loi fondamentale du pays transmis à l’Assemblée nationale en procédure d’urgence par le gouvernement avait été aussi initié par le régime ATT. Une étude comparative des deux documents montre clairement les innovations apportées par le nouveau projet.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il aurait fallu que le chef de l’État manifeste sa bonne volonté de mettre en œuvre le projet de création d’un Sénat, pour que certains Maliens montent au créneau pour l’accuser de tous les noms d’oiseau. Le projet de révision de la Constitution ainsi transmis à l’Assemblée nationale en procédure d’urgence est le péché mignon qu’il a commis.
Pourtant, IBK n’est pas le premier chef de l’État maliens a exprimé sa volonté de reformer la constitution. Avant lui, il y avait eu d’autres initiatives. À dire vrai, il y avait eu un projet de révision de la loi fondamentale du pays avec une envergure plus grande. Le projet de révision de la Constitution proposé par la commission Daba Diawara se proposait de modifier le préambule de la constitution. Ce qui n’a rien à voir avec le projet actuel.
Bien plus, la commission Daba Diawara avait envisagé de modifier, au moins 90 articles, soit plus de 52% de son contenu. Or, celui initié par le gouvernement IBK se propose de toucher une quarantaine de dispositions, soit 26,8% du texte et de créer une dizaine de nouveaux articles, soit 9,2% de l’ensemble des 122 articles.
Jean Pierre James