La moitié de la population yéménite peine à se nourrir convenablement alors que le pays reste en proie à un violent conflit.
La moitié de la population du Yémen – soit 14 millions de personnes – est confrontée à des conditions de pré-famine, a averti l’ONU.
Le coordinateur humanitaire, Mark Lowcock, a déclaré qu’un travail d’enquête a montré que le nombre de personnes dont la survie dépendait entièrement de l’aide humanitaire était supérieur de trois millions, contrairement à ce que l’on pensait.
Il y avait donc un risque évident de famine “beaucoup plus grande que tout ce qu’un professionnel dans ce domaine a vu au cours de sa vie professionnelle”, a-t-il ajouté.
Selon les médecins, le nombre de décès émanant de facteurs liés à l’alimentation est en hausse.
Le Yémen a été dévasté par un conflit qui s’est intensifié en 2015, lorsqu’une coalition dirigée par les Saoudiens est intervenue pour combattre le mouvement rebelle Houthi.
Ce mouvement avait pris le contrôle d’une grande partie de l’ouest du pays et forcé le président Abdrabbuh Mansour Hadi à s’exiler.
Au moins 6.660 civils ont été tués et 10.560 blessés pendant la guerre, selon l’ONU.
Les combats et le blocus partiel de la coalition ont également poussé 22 millions de personnes dans une situation critique avec pour seule solution de survie l’aide humanitaire.
Le conflit a aussi créé la plus grande urgence de sécurité alimentaire au monde et provoqué une épidémie de choléra qui a touché 1,1 million de personnes.
Dans une allocution prononcée mardi devant le Conseil de sécurité des Nations unies, M. Lowcock a déclaré que les famines étaient une rareté dans le monde moderne, ce qui rend la situation au Yémen “choquante”.
Une famine est déclarée lorsque trois seuils d’insécurité alimentaire, de malnutrition aiguë et de mortalité sont dépassés. Les trois critères sont les suivants :
- Au moins un ménage sur cinq est confronté à un manque extrême de nourriture
- Plus de 30% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë
- Au moins deux personnes sur 10.000 meurent chaque jour.
M. Lowcock a déclaré que les évaluations ont montré que dans 107 des 333 districts du Yémen, les deux premiers seuils étaient déjà dépassés ou dangereusement proches.
Le troisième seuil concernant le nombre de décès était plus difficile à confirmer.
Il a expliqué que de nombreux décès étaient cachés parce que seulement la moitié des installations sanitaires du Yémen fonctionnaient et que de nombreux Yéménites étaient trop pauvres pour avoir accès à celles qui étaient ouvertes. Très peu de familles déclarent des décès survenus à la maison.
Cependant, à la fin de 2017, l’organisation caritative Save the Children estimait que 130 enfants mouraient chaque jour de faim et de maladies extrêmes – soit près de 50.000 enfants au cours de l’année.
L’année dernière, l’ONU a mis en garde contre la famine au Yémen, mais M. Lowcock a déclaré que la situation était “maintenant beaucoup plus grave” pour deux raisons.
“Tout d’abord, en raison du nombre élevé de personnes à risque. Notre évaluation révisée… est que le nombre total de personnes confrontées à des conditions de pré-famine, c’est-à-dire qu’elles dépendent entièrement de l’aide extérieure pour survivre, pourrait bientôt atteindre non pas 11 millions mais 14 millions.”
“Deuxièmement, au-delà des chiffres, alors que des millions de personnes survivent grâce à l’aide alimentaire d’urgence depuis des années, l’aide qu’elles reçoivent est suffisante pour survivre et non pas pour s’épanouir”, a-t-il ajouté.
“Le bilan est insupportable. Les systèmes immunitaires de millions de personnes qui ont bénéficié d’un soutien pour survivre pendant des années s’effondrent littéralement, ce qui les rend – en particulier les enfants et les personnes âgées – plus susceptibles de succomber à la malnutrition, au choléra et autres maladies.”
M. Lowcock a déclaré que la crise humanitaire avait été exacerbée par une crise économique au Yémen et que les combats se poursuivaient autour du port de Hudaydah sur la mer Rouge, détenu par les rebelles, par lequel le pays a toujours importé 90% de sa nourriture.
Il a appelé à la cessation des hostilités autour de toutes les infrastructures et installations sur lesquelles repose l’opération d’aide ; à la protection de l’approvisionnement en nourriture et en biens essentiels ; à une injection plus importante de devises étrangères dans l’économie ; à un financement accru de l’opération humanitaire ainsi qu’à l’engagement de toutes les parties dans des négociations de paix.
BBC Afrique