L’annonce de l’intérêt du Togo pour l’Alliance des États du Sahel (AES) suscite un vif débat sur l’avenir géopolitique de l’Afrique de l’Ouest. Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) peine à convaincre de sa légitimité, la montée en puissance de l’AES, composée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, rebat les cartes de la coopération régionale. L’adhésion éventuelle du Togo à cette nouvelle alliance pourrait marquer un tournant décisif dans la redéfinition des relations interétatiques sur le continent.
L’AES : une alternative crédible ?
Bamada.net- Créée en réponse aux tensions croissantes entre les régimes de transition sahéliens et la CEDEAO, l’AES se veut un cadre de solidarité axé sur la souveraineté et l’émancipation des États africains. Rejoindre cette alliance reviendrait pour le Togo à affirmer une indépendance stratégique face à une CEDEAO souvent critiquée pour ses décisions jugées inféodées aux intérêts occidentaux. Une telle démarche traduit également un positionnement pragmatique, où la coopération avec les pays du Sahel devient un levier de stabilité régionale.
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Pour Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, l’adhésion du Togo à l’AES offrirait aux pays sahéliens un accès privilégié à l’océan Atlantique via le port de Lomé. Ce positionnement géostratégique renforcerait non seulement l’influence économique du Togo, mais consoliderait aussi son rôle en tant que trait d’union entre le Sahel et le Golfe de Guinée.
Un choix aux conséquences multiples
Cette perspective ne manque toutefois pas d’interroger sur les implications économiques et politiques d’une telle décision. En effet, le Togo reste un membre actif de la CEDEAO et a souvent joué un rôle de médiateur dans les crises sous-régionales. Un alignement sur l’AES signifierait-il un divorce consommé avec la CEDEAO ? À ce stade, Lomé semble privilégier une approche prudente, pesant les bénéfices et les risques de ce basculement.
Le président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, n’a jamais caché son pragmatisme diplomatique. Longtemps proche des dirigeants sahéliens, il a déjà œuvré pour une réconciliation entre le Mali et la CEDEAO. Son choix final pourrait être dicté autant par des considérations économiques que par une volonté de se démarquer des pressions internationales.
CEDEAO : une fin annoncée ?
L’intérêt grandissant pour l’AES au détriment de la CEDEAO révèle une fracture profonde au sein de l’Afrique de l’Ouest. Plusieurs pays critiquent l’influence excessive d’acteurs extérieurs sur la CEDEAO, et l’AES semble apparaître comme une alternative plus autonome. La question qui se pose désormais est celle de la pérennité de l’organisation sous-régionale. Peut-on assister à son effritement progressif ? L’adhésion du Togo pourrait-elle déclencher une vague de défections en chaîne ?
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En tout état de cause, cette décision sera scrutée de près par les observateurs internationaux. Elle pourrait constituer un tournant majeur dans l’architecture politique et sécuritaire de la région. Le Togo, en quête de repositionnement stratégique, pourrait ainsi jouer un rôle décisif dans le remodelage des alliances en Afrique de l’Ouest. Seul l’avenir nous dira si cette initiative s’inscrira comme un pari gagnant ou une aventure aux conséquences incertaines.
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Moise Touré
Source: Bamada.net