Le paysage géopolitique de l’Afrique de l’Ouest est en pleine mutation. La récente annonce du ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, selon laquelle le Togo envisage sérieusement d’adhérer à l’Alliance des États du Sahel (AES), marque un tournant décisif dans la recomposition des alliances régionales. Composée actuellement du Mali, du Niger et du Burkina Faso, l’AES s’est imposée comme une alternative souverainiste à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), souvent critiquée pour son alignement sur les puissances occidentales.
Une décision aux multiples enjeux
Bamada.net-L’adhésion du Togo à l’AES ne se limite pas à un simple choix diplomatique ; elle traduit une réorientation stratégique de la politique extérieure togolaise. Avec son ouverture sur l’océan Atlantique, le Togo représente un atout considérable pour les pays enclavés de l’AES, leur offrant une porte d’accès aux échanges maritimes internationaux. Ce positionnement géographique renforce l’attrait du pays dirigé par Faure Gnassingbé, qui se trouve désormais au centre d’un débat crucial sur l’avenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest.
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Robert Dussey a justifié cette volonté d’adhésion en insistant sur l’impératif de coopération entre États partageant une même vision d’émancipation et de souveraineté. Le Togo, longtemps perçu comme un médiateur dans les tensions entre la CEDEAO et les pays dirigés par des régimes militaires, franchit ainsi une nouvelle étape en se rapprochant de cette coalition naissante.
Un affaiblissement de la CEDEAO ?
L’éventuelle adhésion du Togo à l’AES soulève une question majeure : assiste-t-on au déclin progressif de la CEDEAO ? Depuis plusieurs mois, l’organisation sous-régionale peine à maintenir son unité face aux départs successifs du Mali, du Niger et du Burkina Faso, qui lui reprochent une trop grande docilité envers les intérêts occidentaux, notamment français. L’AES s’est affirmée comme une réponse directe à cette dynamique, prônant une coopération plus indépendante et pragmatique, tournée vers les besoins spécifiques des États membres.
Si le Togo officialise son adhésion, cela constituerait un nouveau coup dur pour la CEDEAO, remettant en question son rôle et sa pertinence à l’échelle régionale. Certains observateurs n’hésitent pas à évoquer une possible fragmentation de l’espace ouest-africain, où coexisteraient deux blocs aux orientations divergentes.
Entre opportunités et défis
L’intégration du Togo dans l’AES ouvrirait des perspectives économiques nouvelles, notamment en matière de commerce et d’infrastructures. Le port de Lomé pourrait ainsi devenir un hub stratégique pour les pays sahéliens, facilitant les exportations et les importations sans passer par les circuits traditionnels dominés par des acteurs extérieurs.
Cependant, cette évolution n’est pas sans risques. La proximité avec des pays confrontés à des défis sécuritaires majeurs pourrait avoir des répercussions sur la stabilité du Togo. De plus, un éloignement de la CEDEAO pourrait limiter certaines opportunités économiques et diplomatiques dont bénéficie actuellement le pays.
Un test pour la diplomatie togolaise
Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, devra arbitrer entre les avantages stratégiques de cette nouvelle alliance et les risques qu’elle implique. Son récent changement constitutionnel, instaurant un régime parlementaire qui renforce la position du Premier ministre, traduit une volonté de maintenir un contrôle sur l’évolution politique du pays tout en naviguant prudemment entre les différentes influences régionales.
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Le Togo pourra-t-il jouer un rôle de pont entre la CEDEAO et l’AES, ou s’inscrira-t-il pleinement dans cette dynamique de rupture ? La réponse à cette question déterminera non seulement l’avenir diplomatique du pays, mais aussi l’équilibre des forces en Afrique de l’Ouest.
L’annonce officielle de cette adhésion est attendue avec intérêt par les observateurs politiques, les partenaires internationaux et les populations africaines, qui scrutent de près cette réorganisation des alliances régionales. Une chose est sûre : la CEDEAO n’a jamais semblé aussi fragilisée, et l’AES apparaît de plus en plus comme une alternative crédible pour les États cherchant à s’affranchir de certaines influences extérieures.
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BEH COULIBALY
Source: Bamada.net