
Une bien chétive hirondelle économique (30 sous marins vendus et la diminution du chômage par l’augmentation des emplois précaires) semble satisfaire le printemps politique du président Hollande qui prépare sa candidature pour un deuxième mandat. Dans le combat politique qui s’annonce, la politique africaine du président sortant pourrait être, aux yeux de celui ci, un point fort qui le démarquerait face aux deux principaux rivaux. Le désastre libyen de son prédécesseur et la nostalgie coloniale en complément du discours de la peur du migrant africain de Marine Le Pen, donneraient à François Hollande un avantage comparatif. Que son bilan africain soit politiquement plus exploitable, même marginal, dans les futurs débats de la campagne, c’est probable, mais qu’il soit bon c’est beaucoup plus incertain.
Des opérations militaires qui se chronicisent
La quatrième année de son mandat n’aura pas été marquée pas de nouveaux fronts brûlants sur le terrain africain (Mali, Libye, Centre Afrique, Burkina, Boko Haram, Burundi) mais par le service après vente de ceux ci et par plusieurs processus électoraux dont on est incapable d’analyser une ligne politique vertébrée venant de l’Elysée, si ce n’est la prime au sortant quand celui ci favorise nos intérêts sécuritaires et économiques : un réalisme politique assumé qui couvre mal une prosaïque soumission aux rapports de forces politiques sur le continent. Rapports de force dans lesquels le poids relatif de la France diminue. On ne va pas mettre à son débit cette perte d’influence ; on reprochait l’inverse à ses prédécesseurs, l’interventionnisme de connivence en plus, en revanche paradoxalement elle se conjugue avec un interventionnisme militaire sans précédent depuis 1956 en Afrique. Même si le nombre de militaires engagés diminue en 2016, en Centrafrique notamment du fait d’un fragile processus politique finalement engagé, les opérations militaires conventionnelles ou des forces spéciales s’intensifient (Mali, Libye, nord Cameroun, Tchad). On annonce des succès contre Boko Haram mais la guerre au Mali s’enkyste sur fond d’absence de solution politique et de partition de fait du pays. Bamako, Ouagadougou et Grand Bassam à côté d’Abidjan ont connu des attentats djihadistes sanglants, preuves que la guerre asymétrique contre le terrorisme en Afrique de l’ouest se chronicise pendant que l’on attend le prochain attentat dans une autre capitale de la sous région.
Le cinéma des élections présidentielles
Les élections présidentielles en Afrique sur fond d’attentats djihadistes et de répression politique, imposent le rythme politique de l’actualité africaine : sept en 2015, seize en 2016. L’affaire du troisième mandat empoisonne l’atmosphère. Blaise Compaoré au Burkina a essayé de forcer le passage constitutionnel, Yayi Boni au Bénin l’a envisagé. Ils n’ont pas réussi. La rue et ses morts pour le premier, la maturité politique des Béninois pour le second ont coupé court à ces deux tentatives. Au Bénin, le candidat ouvertement soutenu par la France, Lionel Zinsou, un proche de Laurent Fabius, n’a pas été élu au 2e tour. Une première dans la Françafrique à mettre au crédit de François Hollande même si c’est à son corps défendant. Ces deux expériences ne semblent pas avoir été entendues de tous les chefs d’Etat africains vissés sur leur fauteuil présidentiel aux riches prébendes financières. A la suite d’élections truquées pour un troisième mandat, le président Burundais enfonce son pays dans la guerre civile, le Congolais réprime sauvagement loin des caméras, le Togolais continue de prélever sa rente économique sur son petit pays qui s’enfonce dans la misère. François Hollande sous-traite le premier dossier à l’Union Africaine et à l’Europe, fait deux pas en arrière et un en crabe sur le second et laisse faire sur le dernier pour ne pas gêner les intérêts du groupe Bolloré. Le Rwandais Paul Kagamé a bien mené son travail de détricotage de sa constitution et se présentera pour un troisième mandat avec la bénédiction discrète des institutions financières internationale où la France est bien représentée. Cette année les élections guinéennes, ivoiriennes, nigériennes et tchadiennes se sont déroulées dans un bas étiage de violences politiques mais les calamiteuses conditions techniques de ces scrutins feraient qu’ils seraient tous annulés sous nos latitudes plus démocratiques : listes électorales aléatoires, vote ethnique instrumentalisé, mobilisation des médias publics, étouffement de l’opposition, financements publics et mise à disposition des administrations publiques pour les sortants. Au Niger le candidat de l’opposition était en prison pendant le 2e tour. En RDC et au Gabon des élections présidentielles à haut risque sont annoncées d’ici la fin 2016, mais une sorte de feuille de route informelle internationale pour les présidents africains se met en place : aménagez vos constitutions et organisez vos scrutins comme vous l’entendez, instrumentalisez une partie de votre société civile, évitez le boycott de l’opposition mais surtout évitez les violences ou les morts sous l’oeil de nos médias grand public. Afin de protéger leur petit business florissant, les observateurs internationaux feront quelques remarques de forme mais valideront l’affaire. Selon l’enjeu sécuritaire ou économique du pays et le rapport de force en place, la France jouera sa partition dans le déroulement du processus en insistant, voire en mettant parfois la pression sur tel ou tel aspect problématique en termes de droits de l’homme, mais l’ambassadeur sur place, bien au fait des enjeux fera le choix du maintien de l’ordre politique antérieur par facilité et au nom de la stabilité L’organisation internationale de la francophonie entérinera le fait accompli, comme elle l’a fait au Togo. La succession du doyen Biya au Cameroun (déjà ministre en 1970) s’inscrira dans le cadre de cette feuille de route au détriment d’une réelle alternance. D’autres suivront. Ce réalisme géostratégique cache mal le cynisme politique, la démission démocratique et les droits de l’homme comme variable d’ajustement. Rien de neuf en définitive sous le ciel des relations internationales. Deux éclaircies au tableau : l’élection de Kabore au Burkina, un ancien cacique du régime de Compaoré en rupture de ban et le Sénégalais Macky Sall qui affiche, comme en exemple pour ses pairs, une réelle volonté de ne pas briguer un nouveau mandat.
Crise migratoire et aide au développement
Le rapport parlementaire Baumel en avril 2015 avait cruellement pointé les incohérences et les impasses de l’aide publique au développement depuis vingt ans et la continuité de la politique socialiste dans cette ligne sans réflexion stratégique. L’Agence Française de Développement (AFD) avec sa culture institutionnelle bancaire a presque fini sa lente absorption de la coopération entamée quand Alain Juppé était premier ministre. Les incertitudes sur l’ancrage financier de l’AFD et le remplacement de Laurent Fabius par Jean Marc Ayrault donnent un dernier sursis aux restes de l’ancien ministère de la coopération. L’affichage volontariste dans le domaine de l’aide au développement des débuts du quinquennat a vite cédé la place à l’inertie bureaucratique du ministère des affaires étrangères et de ses postes diplomatiques que la mobilisation autour de la COP 21 a à peine réveillé sur fond de coupes budgétaires.
Il y a un an à Malte lors d’un sommet européen consacré à la crise migratoire, en présence de plusieurs chefs d’Etat africains, les pays européens ont décidé d’augmenter substantiellement leur aide aux pays subsahariens pour les aider à mieux contrôler leurs concitoyens qui veulent traverser la méditerranée au risque de leur vie pour s’assurer un avenir économique que leur pays ne leur donne pas. Au cours de ce sommet, le Président Malien Ibrahim Boubacar Keita expliqua à ses collègues européens que les retours financiers des Maliens en France étaient plus importants que le montant de l’aide au développement que son pays reçoit. Pourquoi empêcherait il ses concitoyens de voyager ? D’autant que le déplacement, le mouvement et la circulation des personnes font partie de la culture des peuples sahéliens. On imagine la mine de nos chefs d’Etat. D’accord, on va payer. 20 milliards d’euros, confiés à la Commission Européenne ont été mis sur la table. La technostructure européenne s’est mise en branle sans tarder pour écluser ces sommes qui dépassent l’aide annuelle de l’UE en temps normal. Injonction a été donnée à chaque délégation de l’Union Européenne, en partenariat avec les ambassades des Etats membres de sortir des projets « visibles et court termes », susceptibles de limiter les migrations, montant minimum 3 millions d’euros. La course à l’échalote du financement a démarré en septembre. L’AFD, fidèle à son habitude a dépoussiéré ses vieux dossiers en stock, Le charity business des ONG internationales européennes y a trouvé un nouveau souffle et les derniers carrés de la coopération française, un ultime espoir de rémission ; sans oublier la créativité des agences spécialisées de l’ONU quand il s’agit de capter des fonds européens sans contrôle. Monter des projets court termes pour « fixer les populations », pour, en fait, régler des problèmes que 55 ans de politiques publiques en Afrique n’ont pas su faire. On en est là dans l’aide au développement. Dans ce cirque des financements multilatéraux pour l’aide au développement, la France se retire sur ce qu’elle sait faire depuis toujours au Sahel, l’institutionnalisation des enjeux sécuritaires, l’aide militaire et des projets de développement à l’ancienne, comme pendant la guerre d’Algérie, confiés aux militaires : des puits et des dispensaires, la « pacification » a laissé la place à la « prévention des conflits » plus politiquement correcte.
Le bilan qui se dessine de la présidence de François Hollande vis à vis de l’Afrique est celui d’un président normal, qui normalise la diplomatie africaine de la France dans un contexte de partage de son influence politique, d’augmentation des opérations militaires, de montée en puissance d’une nouvelle donne stratégique sécuritaire mondiale et de prés
Source: mediapart