Trois ans après les révolutions qui ont fait chuter les régimes en place en Tunisie, en Egypte et en Libye, la transition est loin d’être achevée. L’instabilité politique, voire l’insécurité, sanctionne lourdement l’économie de ces pays. Le chômage, qui était une des causes des soulèvements populaires, n’a fait qu’augmenter ces dernières années.
Quelles que soient leurs transformations politiques, les pays du printemps arabe ont vu leurs économies se dégrader. En dépit de leurs différences économiques structurelles, ces Etats souffrent des mêmes maux : baisse du PIB, chômage endémique, détérioration de la vie des entreprises, baisse des exportations, hausse de l’économie informelle et fuite des capitaux. Quant au degré et aux raisons de ce marasme, elles varient d’un pays à l’autre.
Un même constat pour des causes différentes
Si en Egypte et en Tunisie on peut parler d’une dégradation économique causée par l’écroulement du tourisme, secteur clé de l’économie, en Libye, il s’agit bien d’une vraie crise économique, en raison de sa forte dépendance aux hydrocarbures.
L’économie libyenne s’est effondrée à cause du fort recul de la production pétrolière. Elle est tombé à 250 000 barils par jour, contre près de 1,5 million avant la crise, à cause de mouvements de protestation et de problèmes logistiques.
Des finances publiques dégradées
Un autre facteur de cette dégradation, l’incompétence des islamistes au pouvoir. « Les gouvernements issus de partis revendiquant une référence à la religion islamique, n’avaient pas l’expérience de l’Etat, de la gestion, de l’administration, notamment en matière économique. Ils ont mis beaucoup de temps à comprendre la situation », souligne Alexandre Kateb, directeur de Compétence Finance, un cabinet de conseil et d’analyses économiques. « Ces mouvances n’ont pas su non plus mettre en place des réformes économiques. Sans compter le fait qu’elles ont pris le pouvoir à un moment qui n’était pas favorable », précise l’économiste. La crise qui avait déjà frappé le monde occidental, surtout l’Union européenne, leur premier partenaire économique, s’est en effet répercutée dans ces pays.
Autre point noir, les finances publiques sont fortement dégradées dans ces pays. Pour acheter la paix sociale, ces pouvoirs continuent à subventionner les produits de bases. En Egypte, par exemple, plus de la moitié du budget de l’Etat est absorbé par ces subventions. Pendant des décennies, l’Etat a subventionné les prix de produits de base, notamment alimentaires et énergétiques. « Mais avec l’explosion des prix des matières premières énergétiques et agricoles, le coût de ces subventions est vraiment colossal et pèse sur les budgets, tandis que les recettes deviennent de plus en plus maigres », explique Alexandre Kateb.
Une population impatiente
Si la liberté n’a pas de prix, elle a un coût. Une étude de la banque britannique HSBC a chiffré en octobre dernier à 590 milliards d’euros le coût du printemps arabe pour les trois dernières années. La banque ajoute qu’à la fin de l’année 2014, le produit intérieur brut des sept pays les plus touchés – Egypte, Tunisie, Libye, Syrie, Jordanie, Liban et Bahrain – sera de 35 % inférieur à ce qu’il aurait été si les révoltes de 2011 n’avaient pas eu lieu.
Dans son dernier rapport régional, la Banque mondiale relève que les perspectives pour 2014 sont « entachées par les incertitudes et dépendantes d’une variété de risques, essentiellement d’ordre domestique et liés à l’instabilité politique ». Le directeur du FMI pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, Masood Ahmed, s’est alarmé aussi, en novembre, d’une croissance « trop faible pour répondre aux aspirations d’une population de plus en plus impatiente ».
Source : RFI