L’Avis N° 2018-02/C-CM du 12 octobre 2018 de la Cour constitutionnelle a prorogé de six mois le mandat de la cinquième législature. Cela avait fait l’objet de controverse dans la mesure où l’institution saisie peu avant par le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga s’était opposée à accorder un bonus aux élus de la nation au-delà du 31 décembre 2018, fin du mandat constitutionnel. La Présidente de l’institution avait accompagné ce premier Avis d’un commentaire sur les motivations de la Cour à ne pas répondre favorablement à la demande du Chef du gouvernement. Puis, saisie par l’Assemblée Nationale, elle a donné son feu vert pour une prorogation de six mois. Une loi organique a été adoptée dans ce sens.
Dans un communiqué rendu public la semaine dernière, la Mission d’Observation du Pôle d’observation citoyenne du Mali (MO-Pocim) constate l’impossibilité de tenir les élections législatives avant le 30 juin 2019. Presque au même moment, le Président d’honneur de l’ADP Maliba exprime son opposition à une éventuelle nouvelle prorogation du mandat de l’Assemblée nationale. Il a fait cette déclaration au sortir de son audience avec le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Idem pour la Coalition des Forces patriotiques (CoFop) hostile à toute idée de proroger de nouveau le mandat des députés et qui propose comme alternative une assemblée constituante. La Plateforme Ensemble pour le Mali (EPM) et le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) ne sont pas publiquement prononcés sur la question.
Que décidera le gouvernement ? Optera- t-il pour la prorogation? Pour quelle durée ? 12…18 mois ? Ou alors, optera-t-il pour la formule de l’Assemblée constituante ? Comment réagira la Cour Constitutionnelle ?
Le pays est certes dans une situation difficile, mais n’a jusque-là pas connu de rupture brutale de la légalité. La mise en place d’une assemblée constituante dans ces conditions poserait véritablement problème dans la mesure où le fonctionnement des institutions de la République est jusque-là régi par la Constitution du 25 février 1992. La légitimité du Président de la République, dont la réélection fut vigoureusement contestée, ne se pose plus depuis la signature de l’Accord de gouvernance et la reconnaissance tacite de l’honorable Soumaïla Cissé.
La mise en place d’une assemblée constituante est un piège pour le Président IBK et son gouvernement et ouvrira de facto la voie à une transition, laquelle déboucherait sur la naissance de la IV République.
La prorogation de la cinquième législature apparaît à l’état actuel des choses comme un moindre mal. Cette Assemblée nationale illégitime tant décriée a pourtant récemment contraint le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga et son gouvernement à la démission. Certains farouches opposants à la prorogation ont pourtant applaudi cette initiative des « députés illégitimes ». Dans ce pays, les responsables ne sont pas souvent conséquents dans leur démarche. Les mandats des conseillers régionaux et de cercles sont expirés depuis 2014. Et pourtant ils continuent de siéger. Le plus drôle, c’est que des candidats à l’élection du Président de la République de 2018 ont vu leurs dossiers repêchés suite à la prise en compte de la signature de certains de ces élus n’ayant plus la qualité de conseillers communaux au regard de la loi.
Avant toute prorogation, le gouvernement devra convaincre les forces politiques et les organisations de la société civile d’une telle nécessité dans le cadre d’une démarche participative. Les échanges informels entamés par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation doivent permettre de corriger les erreurs commises dans un passé récent.
Chiaka Doumbia
Le Challenger