Le Mali, à travers la voix de son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Son Excellence Monsieur Abdoulaye DIOP, a marqué de son empreinte la conférence ministérielle des Nations Unies sur les opérations de paix, qui se tient depuis le 13 mai à Berlin. Cette rencontre de haut niveau, organisée à l’initiative conjointe du gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne et du Secrétariat des Nations Unies, réunit plusieurs ministres et experts de la paix venus des quatre coins du monde pour réfléchir à l’avenir des missions onusiennes dans un contexte international en pleine mutation.
Bamada.net-Accueilli à son arrivée par le Ministre fédéral des Affaires étrangères de l’Allemagne, S.E. Dr Johann WADEPHUL, le chef de la diplomatie malienne a participé à la session plénière dédiée à « L’avenir du maintien de la paix », où il a livré une intervention percutante, articulée autour des leçons tirées de l’expérience malienne avec la MINUSMA, la plus importante mission onusienne de maintien de la paix déployée en Afrique de l’Ouest ces dernières années.
L’expérience malienne comme point de départ
Le ministre Abdoulaye Diop n’a pas mâché ses mots. Avec clarté et conviction, il a rappelé que le Mali a abrité pendant une décennie une mission de maintien de la paix parmi les plus coûteuses et les plus complexes au monde, sans que celle-ci ne parvienne véritablement à enrayer la spirale sécuritaire ou à stabiliser durablement le pays. « Il est temps de tirer les enseignements des échecs répétés », a-t-il affirmé, soulignant que la paix ne saurait être imposée de l’extérieur.
À Lire Aussi :Réclamation par l’Allemagne de la fin de la coopération Mali-Russie : Bamako dit niet à Berlin:
Malgré les limites de la MINUSMA, M. Diop a salué la solidarité internationale qui s’est exprimée à travers le déploiement de contingents venus de plusieurs pays, y compris ceux du Sud global. Le peuple malien, a-t-il dit, reste reconnaissant envers ces nations qui ont envoyé leurs fils et filles sur le sol malien dans un esprit de solidarité.
Une doctrine à réinventer
L’intervention du Ministre Diop s’est structurée autour de quatre piliers majeurs, qu’il a présentés comme les conditions sine qua non pour refonder les opérations de maintien de la paix :
-
Adapter les mandats et les doctrines aux réalités du terrain : Trop souvent, a-t-il expliqué, les opérations onusiennes s’enferment dans des mandats rigides, déconnectés des contextes locaux, empêchant toute action efficace ou durable.
-
Respecter la souveraineté des États : Selon M. Diop, les missions de paix doivent évoluer dans un cadre de respect mutuel, où les États hôtes gardent la maîtrise de leur trajectoire sécuritaire et politique. Le maintien de la paix ne peut devenir un alibi pour restreindre la souveraineté ou s’ingérer dans les affaires internes des pays.
-
Assurer une concertation permanente avec le pays hôte : Le ministre a insisté sur la nécessité de co-construire les opérations de paix avec les États concernés, et non de les leur imposer. Cette collaboration doit être stratégique, inclusive et continue.
-
Éviter l’instrumentalisation des droits de l’homme : M. Diop a mis en garde contre l’usage politique de la question des droits humains par certains acteurs internationaux, qui se servent de cette noble cause comme levier de pression ou de domination.
Contre le paternalisme onusien
Dans une déclaration qui a retenu l’attention des participants, le ministre malien a fermement dénoncé les pratiques empreintes de paternalisme, notamment la fameuse « règle du porte-plume » (ou penholder), qui réserve l’initiative des résolutions onusiennes à quelques pays membres permanents du Conseil de sécurité. « Ce mécanisme reproduit des schémas coloniaux et discrimine les pays concernés, qui sont souvent réduits au rôle de simples spectateurs alors qu’ils devraient être les principaux décideurs », a-t-il lancé.
À Lire Aussi :Paris et Berlin tiennent à la stabilisation de la région sahélienne
Selon lui, il est temps que l’Afrique, premier théâtre des opérations de paix de l’ONU, cesse d’être traitée comme un laboratoire d’expérimentation de modèles extérieurs. Le continent doit être reconnu comme un acteur stratégique, porteur de solutions, et non comme un problème à résoudre.
Une participation significative dans un contexte de rupture
La présence du Mali à cette conférence n’est pas anodine. Elle intervient quelques mois après le retrait volontaire et assumé des forces onusiennes du pays, dans un contexte où Bamako a opté pour une souveraineté assumée sur les plans militaire, diplomatique et économique. Le gouvernement de transition malien cherche désormais à inspirer une nouvelle manière d’envisager la sécurité internationale, loin des interventions sous tutelle ou des agendas dictés par d’autres.
En participant à cette réflexion collective sur l’avenir des opérations de paix, le Mali entend non seulement défendre sa vision, mais aussi proposer une alternative ancrée dans le respect des identités nationales, la responsabilisation des États, et la coopération équilibrée.
Une tribune internationale pour un message clair
L’intervention du ministre Diop a été saluée par plusieurs délégations africaines et latino-américaines, qui partagent avec le Mali une même frustration face à l’architecture actuelle des opérations de paix. Dans les couloirs de la conférence, certains observateurs n’ont pas manqué de souligner la pertinence de ce message à l’heure où l’ONU elle-même admet les limites de son modèle traditionnel.
Alors que le monde fait face à des défis de plus en plus interconnectés – conflits armés, crises humanitaires, changement climatique – le discours malien sonne comme un appel à la lucidité, à l’humilité et à la réforme.
NB : Toute reproduction, intégrale ou partielle, sans une autorisation explicite de notre part est strictement interdite. Cette action constitue une violation de nos droits d’auteur, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire respecter ces droits.
MLS
Source: Bamada.net