Après un long feuilleton de plusieurs semaines, émaillé de consultations des forces vives, de la suspension des activités des partis politiques, d’abrogation de la Charte des partis politiques qui ne signifierait pas leur dissolution, les autorités de la transition ont enfin décidé à ce qui semblait être le plan initial : dissoudre purement et simplement les partis politiques.
Le 30 avril dernier, donnant suite aux recommandations des consultations des Forces vives de la nation et des Maliens établis à l’Extérieur, les propositions faites par les partis politiques et les organisations de la Société civile sur la réduction du nombre de partis politiques en appliquant des conditions restrictives de
création et de financement ; la relecture de la Charte des partis politiques, avec une réaffirmation du Statut du chef de file de l’opposition ; l’interdiction du nomadisme politique en cours de mandat, le gouvernement avait a adopté un projet de loi portant abrogation de la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques et de la Loi n°2015-007 du 04 mars 2015 portant Statut de l’opposition politique. Toutes qui ont été obtenues hier devant le CNT qui voté à l’unanimité mois 2 cette loi abrogation que le président de la transition a promulgué ce mardi matin 13 mai 2025.
Le mercredi 7 mai, prenant prétexte donnant de la mobilisation de la classe politique contre la dissolution projetée de leurs notamment les meetings du Palais de la Culture le 3 mai et la signature du Manifeste à la Maison de Presse le 4 mai, à travers lesquelles le Gouvernement, voit la multiplication d’actions tendancieuses de la part de certains responsables politiques visant à saboter ses actions et à porter atteinte à l’ordre public, il a pris la décision de suspendre une nouvelle fois ‘‘jusqu’à nouvel ordre, pour raison d’ordre public, les activités des partis politiques, des associations à caractère politique et de toutes autres organisations se réclamant d’un caractère politique sur toute l’étendue du territoire national’’.
Les vraies raisons d’une mesure
Pour l’Exécutif, cette suspension permettra de juguler les manœuvres de déstabilisation par des poursuites judiciaires et des actions administratives de gestion de l’ordre public, conformément aux textes en vigueur.
Contre toute attente, alors que devant le Conseil national de transition, Mamani NASSIRÉ, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du Soutien au Processus électoral et l’honorable Souleymane De, président de la Commission des lois, assuraient que l’abrogation de la Charte des partis politiques ne signifiait pas la dissolution de ceux-ci, ce mardi 13 mai, veille du conseil des ministres, où la loi d’abrogation a été promulguée, le gouvernement choisit de se réunir, en urgence, en session extraordinaire pour procéder à la dissolution des partis politiques.
Comme principale raison avancée, le gouvernement s’appuyant sur les résultats de la consultation des forces vives de la nation et les maliens établis à l’extérieur lors de la phase régionale tenue les 16 et 17 avril 2025 et de la phase nationale tenue à Bamako les 28 et 29 avril 2025, allègue ‘‘poursuivre les réformes afin vraiment de donner satisfaction au peuple malien sur la base de la mise en œuvre d’un certain nombre de recommandations qui ont été formulées lors des assises nationales de la refondation’’.
Si la suspension des activités des partis politiques et des associations à caractère politique avait été jugée triste par beaucoup, la décision de dissolution équivaudrait pour ceux-ci à l’interdiction totale de toute réunion ou manifestation des membres des partis politiques et des organisations à caractère politique dissous.
En outre, le décret fait interdiction à toute personne de favoriser la réunion des membres d’un parti politique dissous ; notamment en consentant l’usage d’un local dont elle dispose ou la mise à disposition de tout autre moyen à but politique.
Enfin, il est interdit aux acteurs politiques d’exercer toute activité comme fondateur, président, directeur ou administrateur de leurs organisations dissoutes. Il s’agit en d’autres termes, de l’interdiction de toute autre activité politique ou à caractère politique de la part des organisations dissoutes.
‘‘Toutefois les personnes en exercice dans les institutions politiques et administratives de l’État en vertu d’une désignation de partis politiques ou d’organisation à caractère politique peuvent poursuivre leur mission sans pouvoir se réclamer de leur qualité de représentant des partis politiques ou d’organisation à caractère politique’’.
Rénovation de la vie politique ?
Pour le ministre, lecteur du communiqué gouvernemental, Mamani NASSIRÉ, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du Soutien au Processus électoral ‘‘dans le domaine politique, par exemple, c’est une rénovation de la vie politique.
Et vous avez vu que les différentes lois organiques qui sont intervenues, en vertu de cette Constitution, modifient sensiblement le statut des députés par exemple.
Les députés avaient l’immunité totale, ce n’est pas le cas. Vous avez vu que cette constitution a durci la formule de prestations de serment du président de la République, avec à la clé, une procédure de destitution. Il y a également la destitution de d’un certain nombre de présidents d’institution.
Tout ça pour dire que la volonté, c’est vraiment d’assurer la gouvernance vertueuse qu’attend notre pays.
Ce que je peux donner comme assurance, c’est que la loi qui a été promulguée par le président de la transition et abrogeant la charte et qui nous ouvre le chantier de l’élaboration de la nouvelle loi. Cette loi va faire intervenir l’ensemble des acteurs concernés de la vie politique par tous les domaines qui peuvent apporter des contributions afin qu’on ait cette fois-ci une loi pouvant gérer la vie politique de façon sereine et en harmonie avec notre option de souveraineté et également conforme aux aspirations du peuple malien’’.
République sans partis politiques ?
Dans notre pays, ils sont consacrés par l’article 39 de la Constitution du 22 juillet 2023 qui dit que ‘‘les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi.
Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire national, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat’’.
Les partis politiques, au sein du système politique et institutionnel, sont des groupements de personnes unies autour d’un programme politique qu’elles souhaitent voir mettre en œuvre. Pour cela, le but d’un parti politique est d’influencer le pouvoir politique en place, en le soutenant, si celui-ci en est issu, ou en s’y opposant.
Sans apporter une définition légale à la notion de parti politique, on reconnaît comme parti politique «la personne morale de droit privé qui s’est assignée un but politique si elle est éligible à l’aide publique ou si elle a régulièrement désigné un mandataire financier».
Les partis politiques qui relèvent de la loi relative à la Charte des partis dissoute devraient déposer, chaque année, leurs comptes à la Cour des comptes.
Si au Mali on enregistre environ 300 partis politiques, la France après 300 ans de pratique comptait 579 partis politiques en 2020.
Quid du rôle des partis politiques ?
Le rôle essentiel des partis politiques est de participer à l’animation de la vie politique. De manière plus précise, les partis remplissent deux fonctions :
a)Ils sont les intermédiaires entre le peuple et le gouvernement. Le parti élabore un programme présentant ses propositions qui, s’il remporte les élections, seront reprises dans le projet du gouvernement.
Les partis de l’opposition peuvent proposer des solutions alternatives à la politique de la majorité en place et ainsi remplir une fonction «tribunitienne» (selon l’expression célèbre de Georges Lavau, qui renvoie aux “tribuns de la plèbe” sous l’Antiquité romaine), en traduisant le mécontentement d’un certain électorat populaire.
Cependant, on note depuis quelques années une certaine désillusion des citoyens envers les partis, qu’ils ne considèrent plus forcément comme leurs meilleurs représentants et intermédiaires. L’augmentation du taux d’abstention aux différentes élections traduit peut-être cette réalité ;
b) Les partis ont aussi une fonction de direction. Ils ont pour objectif, la conquête et l’exercice du pouvoir afin de mettre en œuvre la politique annoncée.
Si dans les régimes pluralistes (où existent plusieurs partis) la conception traditionnelle est que le pouvoir exécutif est chargé de l’intérêt national indépendamment des partis, ceux-ci assurent bien la conduite de la politique nationale, par l’intermédiaire de leurs représentants au gouvernement et dans la majorité parlementaire. Ils légitiment et stabilisent le régime démocratique, en le faisant fonctionner. Animateurs du débat politique, ils contribuent aussi à structurer l’opinion publique.
De plus, avec la tendance à la professionnalisation de la vie politique, les partis ont acquis un rôle de sélection des responsables appelés à gouverner.
La dissolution du parti mais pas de l’idéologie
Comme on le voit, un parti politique est avant tout l’expression d’une vision commune qui unit des individus partageant les mêmes convictions. Sa dissolution ne peut signifier la disparition de l’idéologie qu’il véhicule, mais seulement la suppression de son cadre organisationnel et de ses ressources, avec tous les risques de les voir basculer dans la clandestinité. En effet, les idées transcendent les organisations et trouvent toujours d’autres moyens d’exister et de s’exprimer. L’histoire a montré que, même face à la dissolution, les membres engagés restent actifs et poursuivent leur combat sous d’autres formes. Beaucoup de démocrates actuels, obligés peut-être par cette mesure de prendre leur retraite, ont fait leurs premières armes dans les partis clandestins comme le PMT (Parti malien du travail dirigé par Abdrahmane Baba), le PMRD (le Parti malien pour le révolution et le développement de Mohamed Lamine Traoré), Le FNDP (le Front national pour le démocratie et le progrès)…
Affaire à Suivre
Par Abdoulaye OUATTARA