Le nouveau Charlie Hebdo, signé par les rescapés de l’attentat du 7 janvier, était épuisé mercredi 14 janvier vers 10 h, dans tous les points de vente de France.
Les marchands de journaux seront toutefois approvisionnés tous les jours jusqu’au 19 janvier et l’hebdomadaire devrait rester en vente plusieurs semaines. Il a d’ores et déjà annoncé qu’il serait tiré exceptionnellement à 5 millions d’exemplaires pour faire face à la demande et éviter que les exemplaires ne s’échangent à prix d’or sur Internet.
- Des files d’attentes en Ile-de-France
Des files d’attente se sont formées avant même l’ouverture devant les points de vente, notamment dans les gares parisiennes. « Au Relay de la gare de l’Est, il n’y en a déjà plus à 6 h 40, alors qu’on a ouvert à 6 heures », explique la responsable, avec un sourire un peu désolé. « Certains en ont pris dix, cinq… » Le kiosque a reçu 125 exemplaires du dernier numéro de Charlie Hebdo, mais en aura d’autres dans la journée.
« Il n’y a que cela comme question », soupire-t-elle, devant deux personnes à qui il faut dire non. José Lemos, artisan taxi, repart bredouille. Il avait pourtant une commande de trois exemplaires, dont certains pour sa famille à l’étranger. « Ça va être dur », pense celui qui achète Charlie « pour découvrir, je ne l’ai jamais lu ». Et pour voir « s’ils continuent » à faire leur journal comme avant.
Jean-Bernard Soudères, photographe, n’a pas eu plus de chance. « Je l’achetais de temps en temps, mais je le connais depuis mes 18 ans, ce journal », dont il veut un dernier exemplaire « pour pouvoir le garder et pour soutenir aussi ».
« Vous espériez trouver un Charlie à cette heure ? Mais c’est à six heures qu’il fallait venir ! », lance aux parents qui viennent de déposer leurs enfants à l’école un passant devant le kiosque de la mairie de Montreuil. « J’en aurai d’autres demain, assure le kiosquier. Le Canard ? Je n’en ai plus non plus. » Les acheteurs se reportent sur les exemplaires de Libé qui affichent la une de Charlie démultipliée. Il n’en restait que cinq sur la pile. Dans quelques minutes, il n’y en aura plus.
Rue Brezin, dans le 14e, la librairie maison de la presse habituellement très calme est remplie : une dame récupère le dernier exemplaire de Charlie avec un sourire gêné. Grand soupir de découragement de la file d’attente. Le kiosquier essaie de rassurer : « J’en aurais d’autres, mais je ne peux pas faire de liste de réservation, c’est un peu le chaos. » A la sortie du magasin, une petite dame arrête la détentrice du Charlie : « Vous l’avez, vous ? » « Oui, c’était le dernier. » « Ah ! Rangez-le, quelqu’un va vous le piquer ! »
- Un grand nombre de précommandes
A la gare Saint-Lazare, des gérants de kiosques ont affiché sur leur devanture des panneaux « Pas de Charlie », tous les numéros disponibles ayant été réservés déjà depuis plusieurs jours par leurs clients.
Au kiosque devant la gare de l’Est, à 6 h 35, on n’a encore rien reçu des 75 exemplaires prévus. « On attend », résume le kiosquier. « Ce matin on m’en a déjà beaucoup demandé, mais c’est comme cela depuis avant hier, les gens ont réservé leur numéro à l’avance, j’ai 70 précommandes. »
Munie d’un bon signé, une dame veut retirer son exemplaire, en vain. « Aïe, aïe, aïe », réagit-elle, stressée. Elle est journaliste et a besoin de Charlie Hebdo pour le montrer à la télévision japonaise. A quelques mètres patientent deux hommes autour d’un pied et d’une caméra, eux aussi reporters matinaux.
- Réapprovisionnement dès demain
Quelques minutes plus tôt, vers 6 h 30, rue du Château-d’Eau à Paris, même scène : pas d’exemplaire avant 8 heures, annonce le responsable de Thierry Presse, qui refuse de mettre un exemplaire de côté pour une dame. « J’en recevrai encore plein demain, 300 », explique-t-il.
« Je ne l’achetais pas, explique Paule Goube. Mais c’est pour l’histoire. » Elle n’est pas allée marcher dimanche 11 janvier, mais pense que « l’important, c’est ce qu’on va faire maintenant, tous ». « Je suis une ancienne policière, donc cela m’a d’autant plus touchée », dit-elle.
Devant plusieurs kiosques de la capitale, des scènes inhabituelles de queues : 50 personnes au métro Goncourt, plus de vingt personnes boulevard Ornano, dans le 18e arondissement… Un kiosquier de Ménilmontant essayait à 6 h 30 de maintenir un semblant d’ordre en refusant de vendre plus d’un exemplaire par tête.
- Les files s’allongent en province
Les files s’allongent aussi à Nice, Nantes…
Même pénurie à Strasbourg, où des grappes de gens cherchent des kiosques ouverts. « C’est pas la peine d’aller là-bas, c’est pas mieux, j’ai vu au moins 35 personnes attendre ! », dit une dame d’âge mur à une autre, dans la file d’un bureau de tabac, bar presse.
Sur la page Facebook intitulée « J’achète Charlie Hebdo mercredi prochain », organisée par Je Suis Charlie, de nombreux internautes racontent leurs difficultés pour trouver un exemplaire de l’hebdomadaire.
Le journal, qui ne se vendait qu’à 30 000 exemplaires, dont une poignée à l’étranger, sera diffusé dans plus de 20 pays et traduit en cinq langues – un record pour la presse française.
Source: lemonde.fr