A 69 ans, le natif de Niono, Pr Modibo Diakité, est sans nul doute l’un des historiens les plus engagés du pays. Il est membre fondateur du CNID association en 1990 et du Parti du Soleil Levant au sein desquels il assuma les postes de secrétaire à l’information, de secrétaire aux relations extérieures et même de vice-président ; il fut membre du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) et Président de la Commission politique de la Conférence Nationale de 1991 ; il a été ministre de la Fonction Publique de 2002 à 2004.
Dans cet entretien exclusif qu’il nous accordé malgré son état de santé très fragile, ‘’le Chef’’ se prononce sur les 30 ans de la démocratie. Le Challenger : Pr Diakité, bonjour! Comment vous êtes- vous retrouvé dans la politique ?
Pr Modibo Diakité : Mon engagement remonte de loin. J’ai côtoyé des dirigeants de l’Union Soudanaise RDA, dont Mamadou Diarrah, Bourama Traoré, qui ont logé chez nous à Ségou (où mon père avait construit des logements pour accueillir les fonctionnaires en service). Ces contacts ont peu à peu forgé ma conscience politique. L’environnement politique marqué par la lutte pour l’indépendance et mes lectures des journaux comme Afrique Asie, Afrique nouvelle, Jeune Afrique, m’ont beaucoup ‘’réveillé’’ politiquement. A cela j’ajoute le fait que j’étais dans un quartier d’anciens combattants de la première guerre 1914-1918. Ces doyens nous faisaient les récits des différents épisodes de cette grande bataille. Lesquels contrastaient avec ceux qu’on lisait dans les manuels scolaires. Voilà, entre autres, les évènements qui ont attisé mon goût pour la politique !
30 ans après le 26 mars 1991 dont vous êtes un acteur, quel bilan faites-vous de cette démocratie?
On s’est battu pour une vraie démocratie dans notre pays et non pour se faire une place au soleil. Comme ce fut le cas pour certains qui en ont trouvé une aubaine pour s’arroger des titres afin de se faire valoir. C’est pour cela que j’estime que tout le monde ne s’est pas battu que pour l’avènement de la démocratie. Même si beaucoup de mouvements furent créés pour soutenir le combat pour la démocratie, beaucoup de leurs acteurs se sont retrouvés par la suite dans des itinéraires qui n’ont rien à voir avec la démocratie.
Vous êtes très critique sur le bilan du 26 Mars. Pouvons- nous en déduire qu’il est globalement négatif ?
Cela me paraît trop fort. Disons qu’il est mitigé, en deçà des attentes légitimes du peuple du Mali qui s’est dressé contre la dictature de l’UDPM -CMLN. On n’a jamais pensé que des gens allaient exposer les jeunes à la mort pour uniquement se faire une place au soleil. L’autre réalité est que les vrais ténors du mouvement démocratique se sont dispersés, divisés pour des raisons qui ne tiennent pas à l’intérêt national.
Depuis 2012, le Mali fait face à une crise sécuritaire, politique, économique…. Quelle analyse en faites vous ?
La crise remonte de loin. Bien avant 2012. C’est tout un cheminement qui nous a conduits dans la situation de 2012. Cela résulte une analyse de fond. J’espère que nous aurons l’opportunité de revenir prochainement sur cette question eue égard à son importance.
Vous avez été Président de la Commission politique de la Conférence nationale souveraine de 91. Quelles sont, selon vous, les reformes politiques et institutionnelles à mener pour consolider l’ancrage démocratique ?
Les autorités en charge de la nation savent déjà les réformes indispensables à notre pratique démocratique et institutionnelle. A la demande du Président Amadou Toumani Touré, le Comité d’Appui aux Reformes Institutionnelles et Politiques (CARI) présidé par Daba Diawara, au sein duquel j’ai siégé, a élaboré et remis aux autorités un rapport sur ces réformes. Il a été vivement félicité par le Délégué général de l’Union européenne, Louis Michel, qui, surpris par la qualité du travail, a demandé si le rapport est exclusivement l’œuvre des Maliens. Nous lui avons répondu que ce rapport ne contient aucune phrase venant d’experts étrangers.
Aussi, permettez-moi de vous informer qu’on n’a jamais permis à la commission Politique en 1992 de présenter son rapport politique. Or, pour un tel travail, on ne pouvait faire l’économie d’un tel rapport.
Propos recueillis par Alpha Sidiki Sangaré
Source : Le Challenger