Quand Nelson Mandela a tenu son premier discours en public, après quasiment trente ans dans les geôles du régime de l’apartheid, Sihaam et Moutie Abrahams faisaient partie de la foule enthousiaste venue l’écouter devant l’hôtel de ville du Cap.
Vendredi, 23 ans ans plus tard, ils sont retournés sur place pour dire un dernier adieu à celui qui a porté les espoirs d’un pays profondément divisé et en a fait une nation « arc-en-ciel ».
« Nous sommes au même endroit qu’en 1990, lorsqu’il a été libéré », précise Sihaam Abrahams, 41 ans, venue avec son mari Moutie, 44 ans. « Nous sommes ici avec nos enfants maintenant, 23 ans plus tard ».
Le couple faisait partie des milliers de personnes, de tous âges et de toutes origines, qui se sont rassemblées vendredi sur ce lieu historique pour pleurer Mandela et lui rendre hommage, au lendemain de son décès, au cours d’une cérémonie multiconfessionnelle.
Des hymnes, des chants, des prières et quelques poings serrés se sont élevés devant le bâtiment orné de deux portraits géants du premier président noir du pays.
En 1990, Mandela avait dit que Le Cap était sa « maison depuis trois décennies », en référence aux 27 ans qu’il venait de passer derrière les barreaux dans la ville et ses environs.
Nelson Mandela avait « une relation très particulière » avec Le Cap, a déclaré la maire de la ville, Patricia De Lille, à la foule à nouveau rassemblée sur le terrain de manoeuvre s’étendant face au balcon d’où Mandela s’était exprimé. « A notre honte », il y a été détenu pendant des décennies, a-t-elle ajouté.
« Aujourd’hui, nous sommes solidaires, en tant qu’habitants du Cap –noirs, blancs, de couleur, indiens, toutes religions confondues », a-t-elle lancé, faisant allusion au rôle joué par Mandela dans l’unification de la nation sud-africaine.
Des drapeaux de l’Afrique du Sud post-apartheid s’élevaient dans la foule et des marchands proposaient à la vente des T-shirts et des photographies.
Les participants pouvaient exprimer par des bouquets de fleurs et des messages sur des registres de condoléances ce qu’avait représenté Mandela pour eux.
« Tu es peut-être parti physiquement mais dans tu seras présent à jamais dans nos coeurs », dit un message. « Au revoir Tata (papa). Nous t’aimons et te serons pour toujours reconnaissants de nous avoir libérés », dit un autre.
Mamello « Mum-Z » Mokoena, 28 ans, a expliqué être venu pour « rendre hommage à quelqu’un qui a littéralement donné sa vie de manière désintéressée pour que je puisse avoir le droit d’être ici ».
Des étrangers étaient présents dans la foule.
Une Néerlandaise, Oteline van Zwieten, 28 ans, a expliqué être venue au rassemblement parce que Mandela était « une incroyable source d’inspiration ».
Les Abrahams, qui comme d’autres participants avaient attendu Mandela pendant des heures sous le soleil il y a 23 ans, se souviennent: « A l’époque, c’était l’euphorie, c’est plus sombre maintenant. C’est totalement différent », dit Sihaam.
Pour leurs trois jeunes enfants, la cérémonie de vendredi a été l’occasion d’une leçon d’histoire. « Nous essayons de leur expliquer ce que cela signifie, ce que cela signifiait à l’époque », a expliqué Siham Abraham, « pour qu’ils puissent comprendre d’où nous venons ».