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L’avenir politique au Mali : LA MENACE ET LE CALVAIRE

 

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Tel est le scénario en deux séquences que s’efforcent d’imposer les terroristes. Trancher le nœud gordien de la montée de l’insécurité est donc devenu une urgence

« A l’heure du doute, lorsque sombre, j’interroge le destin de ma patrie… ». Ainsi commence l’un des plus beaux poèmes d’Ivan Sergueïvitch Tourgueniev. L’écrivain y avouait avec une magnifique sobriété les tourments que lui inspirait la situation d’une Russie en proie à de grandes incertitudes, le pays balançant alors entre le conservatisme sourcilleux des « slavophiles » et le plaidoyer pour l’ouverture soutenu par les « occidentalistes ». Il serait inutile de chercher une analogie entre les contradictions qui traversaient l’empire tsariste de la moitié du XIXème siècle et les épreuves qu’affronte le Mali d’aujourd’hui. Mais il ne fait aucun doute que réfléchir aux développements que peut prendre une situation historiquement inédite relève de la plus élémentaire des nécessités. Il ne fait aucun doute non plus que dans cette réflexion, il ne faut s’interdire ni d’enregistrer les vérités les plus désagréables, ni d’explorer des propositions a priori dérangeantes.

Mais par dessus tout, il importe de garder constamment à l’esprit des lignes de principe afin de ni dériver vers l’accessoire, ni sombrer dans la compromission. La recrudescence des attaques terroristes dans le Nord du Mali et la persistance d’une insécurité entretenue par des bandes armées ne soulèvent pas de nouvelles interrogations. Elles ramènent au premier plan, et avec une acuité accrue, des questions précédemment posées, mais pour lesquelles ne pouvait être entamée une véritable résolution qu’après la signature d’un accord de paix entre le gouvernement et les différents mouvements politico-militaires. Ceci étant accompli, il y a désormais urgence à trancher le noeud gordien de la montée de l’insécurité. Car ce qui fait problème aujourd’hui, c’est la violence avec laquelle se manifeste la riposte des terroristes et la fréquence des actes posés par les ennemis de la paix. Car ce qui fait débat maintenant, c’est la nature des réponses qui doivent être opposées à ce que le Premier ministre français désignait comme « l’hyper terrorisme ».

DES ANOMALIES NON TRAITÉES. Car ce qu’il faut impérativement prévenir, c’est l’insidieuse reproduction de la fracture de 2012 qui avait vu notre pays se scinder en un Mali sous calvaire dans sa partie septentrionale et un Mali sous menace sur le reste du territoire. La survenue d’un tel scénario ne relève pas de la pure spéculation, elle constitue clairement le projet mis en œuvre par les terroristes qui dans ces dernières semaines ont nettement intensifié les formes de guerre asymétrique pratiquées par eux. Leur montée en puissance n’était sans doute pas attendue dans de telles proportions et il faut donc se pencher sur les réponses à y apporter. Cela en prenant en compte deux constats majeurs. Le premier d’entre eux est le degré de déliquescence qu’a atteint la situation sécuritaire à Kidal. Situation que le président de la République a qualifiée de « plaie béante dans le flanc du Mali ».

L’attentat-suicide perpétré le vendredi 12 février dernier s’interprète sans ambiguïté. Iyad Ag Ghaly a signifié aussi bien aux Mouvements signataires de l’accord d’Anéfis qu’au gouvernement et aux partenaires étrangers que l’entrée de la Plateforme dans la capitale de la 8ème Région ne modifiait en rien la donne dans la zone et ne réduisait en aucune manière la liberté d’opération d’Ançar Dine. Pour le démontrer, il a infligé au camp de la MINUSMA l’agression la plus meurtrière que celui-ci n’ait jamais subi depuis l’installation des Casques bleus. L’attentat est venu tragiquement rappeler des anomalies depuis longtemps relevées, mais jamais traitées. Il souligne tout d’abord que la ligne de prudence observée par les décideurs militaires de la Mission onusienne accroit de fait la vulnérabilité des troupes installées (le qualificatif nous paraît le plus idoine) à Kidal.

Les commentaires dépités des éléments du contingent guinéen recueillis par nos confrères du site « Guineenews » , la vigoureuse interpellation lancée par Conakry à l’ONU, la très vive émotion exprimée par l’opinion guinéenne sont tous suscités par un paradoxe que nous regrettons depuis longtemps. Certes, la MINUSMA n’a pas mission de venir combattre le terrorisme au Mali. Mais en s’exemptant de se mettre en position de légitime défense active, en se bunkerisant dans son réduit kidalois, en ne parvenant même pas à sécuriser un périmètre minimum autour de son camp et en ne procédant pas au plus élémentaire travail de renseignement, elle a tout juste réussi à créer autour d’elle une bulle fragile que chaque incursion djihadiste fait éclater. Les événements du 12 février soulignent de manière tragique le hiatus entre les précautions prises par la Mission et les méthodes des terroristes. A la mise faite sur une technologie sophistiquée (le fameux ballon d’observation supposé faciliter la détection d’agresseurs opérant hors de la ville), Ançar Dine a répondu par un mode d’opération rudimentaire (l’utilisation d’un véhicule-suicide).

Les terroristes ont monté d’autant plus facilement leur opération que – et cela est de notoriété établie – dans Kidal devenue une sorte de ville-fantôme, un étrange modus vivendi structure la cohabitation instaurée entre ceux des habitants qui n’ont pas les moyens de migrer, les troupes et les employés de la MINUSMA, les représentants des Mouvements et les hommes de Iyad Ag Ghaly. Ces derniers bénéficiant d’une quasi totale liberté de mouvement, héritée de la passivité des autres occupants de la localité.

UNE LIGNE EXPLICITE. Dans ce contexte, l’entrée en grande pompe le 2 février dernier des hommes de la Plateforme dans la capitale des Ifhogas n’annonce pas l’amorce d’un retour à la normale. Elle modifie seulement le plan d’occupation de la ville hors zone MINUSMA. Tous les acteurs présents sur la scène kidaloise s’accommodent bien de la présence des précurseurs venus organiser la réinstallation des services sociaux de base. Puisque cette présence laisse entrevoir une existence moins précaire pour les habitants restés sur place sans pour autant présager dans un proche futur ni la réinstallation de l’administration, ni l’entrée des FAMAs dans la localité.

Deuxième point qui demande à être examiné, la suggestion adressée à plusieurs reprises aux autorités par le PARENA et qui recommande à celles-ci de prendre langue avec les djihadistes maliens. Pour, insiste le parti du Bélier blanc, « au moins savoir ce qu’ils désirent ». En elle-même, la proposition de la formation de l’opposition n’est pas à balayer d’un revers de la main. L’histoire récente de certains pays comporte quelques exemples de dénouement de crises survenu à la suite de rapprochements jugés a priori contre nature, mais qui ont permis au moins d’instaurer un dialogue cahoteux et d’obtenir un apaisement précaire. La question est cependant de savoir ce que peut concéder Iyad Ag Ghaly en tant que leader d’Ançar Dine et en tant qu’inspirateur reconnu des bandes du Front de libération du Macina. Le but ultime de celui qui fut une personnalité emblématique de la rébellion de 1990 avait été énoncé dès les premières heures de l’embrasement qu’a connu en 2012 le Septentrion malien : la création d’un Etat islamique sur toute l’étendue du Mali actuel. Pour atteindre cet objectif, Ançar Dine s’était allié à Al Quaïda au Maghreb islamique et au MUJAO.

Après un temps de latence observée suite à la débâcle subie devant l’offensive de Serval, Iyad Ag Ghaly, qui a notablement reconstitué ses forces, a fait savoir dans un communiqué diffusé en juillet de l’année dernière sa nouvelle stratégie : combattre sans relâche ceux qu’il considère comme les envahisseurs de cette terre d’Islam qu’est le Mali. Il conseillait alors aux populations de s’éloigner de toutes les bases étrangères pour ne pas se retrouver victimes collatérales des assauts lancés par ses combattants. Le communiqué diffusé par l’intermédiaire de l’agence de presse Al Akhbar après l’attentat du 12 février reprenait explicitement la ligne auparavant exprimée. Le document affirmait en effet que l’objectif de l’attaque, menée par le Mauritanien Mohamed Abdellah Ould Ouzeifa El-Hosni, était de « venger notre Prophète ainsi que les musulmans opprimés partout, libérer notre terre et bouter hors d’elle les croisés et les colonisateurs ».

Se référant à la plus récente actualité, le communiqué indiquait aussi que l’attaque constituait « un message aux agresseurs croisés et à tous ceux qui les soutiennent ou leur promettent l’envoi de soldats contre nous tels que le président allemand qui est actuellement en visite à Bamako ». Ançar Dine reste donc sur la crête du radicalisme et a visiblement choisi la voie de l’escalade pour rappeler qu’il reste capable de frapper lorsqu’il le voulait la plus stratégique et la plus symbolique de ses cibles dans le Nord du Mali. Dans ces conditions, vouloir dialoguer avec Iyad Ag Ghaly implique au minimum de prendre en compte son exigence basique, le départ des troupes onusiennes et de la force Barkhane. Ce qui amènera par voie de conséquence la rupture de tout lien avec la communauté internationale et le retrait de l’Etat malien de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

DANS LA POSTURE DU REPENTI. Un tel choix est, bien sûr, proprement inenvisageable pour notre pays. En outre, il convient de relever, comme l’a fait remarquer la semaine dernière le ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed, que le leader djihadiste n’a jusqu’ici jamais laissé percer le moindre indice permettant de supposer une inflexion de sa ligne dure, ou exprimant ne serait-ce que le désir d’un échange sans engagement. Tout concourt donc à conclure que l’homme, stratège méticuleux en son heure et qui avait dans une toute autre conjoncture patiemment construit son ascension pour devenir le maître incontesté de la zone de Kidal, a certainement conscience d’avoir commis une faute tactique irréparable en s’alliant aux occupants du Nord du Mali et prenant part à l’assaut programmé sur Bamako en janvier 2013. Cette erreur, Iyad Ag Ghaly l’a payée de sa mise au ban par la communauté internationale. Aujourd’hui, il nous est bien difficile d’imaginer l’homme orgueilleux qu’il est se mettre dans la posture du repenti qui échangerait l’abandon de l’agression armée contre une absolution qui ne lui est en rien acquise.

En additionnant les deux constats détaillés plus haut, on en arrive à la question  suivante : n’est-il pas temps pour la communauté internationale de réviser sa lecture de la situation post crise au Mali et de prendre en compte les dernières évolutions afin que les acquis fragiles déjà engrangés ne soient pas menacés ? Répétons-le une fois encore, le principal atout dont dispose notre pays pour se sortir de l’engrenage et sur lequel peuvent s’appuyer nos partenaires est qu’il y a dans la population malienne – même au sein de segments jugés naguère réfractaires à la négociation et à la concession – un profond désir d’aller vers la paix et une réelle disponibilité à accepter, au nom de celle-ci, d’importants compromis. Mais cet atout s’effiloche un peu plus à chaque agression, à chaque mort d’homme, à chaque manifestation de l’insécurité. Il est donc indispensable que soit aujourd’hui dépassée la pratique des petits pas et que se fasse sentir une franche implication de toutes les parties signataires de l’Accord pour la paix.

Le rétablissement de la présence de l’Etat dans le Nord du Mali doit être vigoureusement accompagnée. Non pas à travers seulement la réhabilitation d’infrastructures qu’aucune autorité ne viendra animer. Non pas seulement à travers l’organisation à répétition de cérémonies de retrouvailles emblématiques. Mais par une accélération du processus de cantonnement, par un redéploiement rapide des FAMAs reconstituées, par des engagements plus fermes et plus précis sur la normalisation de Kidal. Les lenteurs, les ambiguités, le mouvement de pendule qui dans les années 1990 avaient marqué la mise en application des accords de paix, avaient été à l’époque préjudiciables à l’équilibre de la nation. Reproduits aujourd’hui, les mêmes phénomènes seraient infiniment plus destructeurs.

G. DRABO

Source : Essor

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