La médiation pénale a été introduite en droit malien à la faveur du code pénal de 2001 modifié. “En matière de droit, le recours à un médiateur est prévu dans certain domaine du droit privé, notamment le droit régissant les relations prévues entre les sujets du droit”, nous explique Samou Alexandre Coulibaly, juriste et coordinateur de suivi évaluation des projet et programme à la Clinique juridique Dèmè So.
La médiation pénale est un mode alternatif de règlement, qui a pour but la recherche de solutions amiables susceptibles d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur de l’infraction.
Les mesures d’application sont déterminées par le décret d’application du code pénal n°06-168/P-RM du 13 avril 2006 et qui font du procureur de la République le premier responsable de sa mise en œuvre.
Selon les précisions de M. Coulibaly, en matière de procédure civile, pour favoriser le règlement de certains procès civils, ont fait appel à un médiateur afin d’accélérer le recours de la justice et de désencombrer certaines juridictions. Et pour la procédure pénale, cette personne est appelée le médiateur pénal.
- Coulibaly affirme que la médiation pénale s’applique aux contraventions et aux délits et toutes les catégories de délinquants sont concernés (majeurs et mineurs, délinquants primaires et récidivistes). Par contre, avertit-il, cette médiation ne s’applique pas aux crimes, elle ne s’applique ni aux délits sexuels ni aux infractions d’atteintes aux biens publics.
La décision de recourir à la médiation pénale est prise par le procureur de la République qui peut la conduire ou confier cette mission à un médiateur désigné.
Les médiateurs pénaux sont désignés par arrêté du ministre de la Justice sur proposition du procureur de la République. Ils doivent être âgés de 40 ans au moins, jouir de leurs droits civiques, présenter des garanties d’impartialité et de sagesse. Ils prêtent serment devant le tribunal.
- Coulibaly précise que tout au long de son déroulement, la médiation pénale manifeste un caractère consensuel. Sa mise en œuvre requiert l’accord préalable de toutes les parties.
Cet accord doit être constaté dans un procès-verbal signé des parties. Dès cet instant, le délinquant et la victime sont informés par le médiateur sur le cadre juridique de la mesure, ses buts et ses conséquences. Une fois que l’accord des parties est effectif, un délai de 30 jours est accordé au médiateur pour faire son travail.
“Qu’elle soit menée par le procureur en personne ou par un médiateur désigné, le travail de celui-ci consiste à gérer à l’amiable le problème et à rendre compte au procureur à travers un procès-verbal et un rapport de médiation. Deux cas de figures peuvent se présenter : en cas de succès de médiation, le procès-verbal dressé est transmis sans délai au tribunal par le procureur pour homologation. Ce jugement d’homologation revêtu de la formule exécutoire acquiert l’autorité de la chose jugée et son contenu ne peut plus être discuté ultérieurement. La médiation pénale révèle alors pleinement son caractère de mesure d’apaisement social. En cas d’échec de la médiation, le procès-verbal dressé ainsi que le rapport du médiateur sont joints au dossier et il revient au procureur de reprendre la procédure judiciaire et conformément à la loi pour gérer l’infraction commisse par l’auteur, mettre la victime dans ses droits et faire cesser le trouble”, nous explique M. Coulibaly.
Zeïnabou Fofana
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La médiation sociale :
Ce qu’en pensent les traditionnalistes
Chaque groupement social, chaque société met en place un système, un ensemble de mécanismes pour garantir le calme, l’équilibre et la quiétude sociale. Il faut à tout prix maintenir cette paix par le dialogue, la négociation, le recours aux valeurs cardinales sociétales, etc.
La médiation depuis la mémoire historique de ce pays, est le règlement ou la prévention des conflits dans la vie sociale.
Selon le griot Diadié Hama Sangho, le médiateur a pour mission d’empêcher le trouble du front social, de préserver la paix et la quiétude sociales, de maintenir l’équilibre, “rien ne doit se gâter devant lui, tel est le rôle d’un griot”.
Les médiateurs sociaux c’est d’abord et surtout les gardiens de la tradition. Il s’agit des communicateurs traditionnels qui connaissent par cœur l’histoire du peuplement de la région, les relations socioculturelles qui unissent les familles. Et ensuite les chefs traditionnels, les notables les porteurs de voix et enfin les hommes et femmes influents du milieu.
Toutefois, M. Sangho dit que les principes de la médiation reposent sur un ensemble de techniques fondées sur la connaissance et la maîtrise parfaites des relations intercommunautaires, des points sensibles des uns et des autres pour aplanir un différend.
“Le médiateur doit d’abord s’assurer de connaitre le problème, il doit avoir la lucidité de la perception, l’impartialité et la volonté de résoudre le problème définitivement”, affirme-t-il.
Mandé Alpha Diarra, traditionnaliste rejoint la même idée, soutenant que le médiateur ne tranche pas comme la justice. Elle essaye d’éviter au maximum que l’un des protagonistes soit au pied du mur. Elle joue sur les différentes lois de la médiation pour éteindre le conflit entre les partis en conflits sans qu’il ne désigne explicitement un coupable. “Cette médiation va essayer d’arrondir les angles, amener les gens à un consensus, amener les gens à la paix”, explique l’écrivain Mandé Alpha Diarra.
Selon ses dires, les relations de médiation ont été instituées à Kurukanfuga d’après les gens du N’ko, pour sauter les verrous de certaines pratiques ou de certaines lois qui conduisaient à des blocages sociaux. On a alors trouvé des disjoncteurs que sont les règles du sinankounya (cousinage à plaisanterie), du nimôgôya (les relations entre la femme et ses beaux-frères et belles sœurs, et celle du mari et ses belles sœurs et beaux-frères), du modenya (relation entre le grand père et le petit fils), du filanya (les personnes qui sont du même groupe d’âge). Le droit d’aînesse établi est aussi une règle de la médiation, ajoute-t-il.
Pour montrer l’importance de ces différentes règles, Mandé Alpha déclare que grâce au cousinage à plaisanterie, beaucoup de guerres ont été évitées dans le Mandé et dans l’Empire de Ségou. Ce principe est tellement important dans notre société qu’un proverbe dit que “dans un conflit, les parents et les griots peuvent échouer, mais si les cousins de plaisanterie échouent dans la médiation d’un conflit, c’est que les protagonistes sont condamnés, car en principe les gens respectent beaucoup ce principe de cousinage à plaisanterie entre les différents clans du Mandé”. C’est un instrument très efficace dans la médiation, précise-t-il.
Pour notre traditionnaliste, l’avantage d’une médiation est que lorsque les deux parties acceptent les règles de la médiation, le conflit est éteint une fois pour toutes et vous ramène à devenir des amis, à vous côtoyer.
Le griot Sangho conclut qu’il n’y a que des avantages à aplanir les différends par des spécialistes qui sont confirmés, autrement la cupidité, la partialité et le parti pris sont des menaces mortelles pour le métier de médiateur.
Zeïnabou Fofana