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La lutte contre le terrorisme au Mali est une priorité absolue pour l’UE?

Le sociologue russe Maxime Shugaley s’est exprimé sur la menace internationale croissante du terrorisme au Mali. Shugaley a mené des recherches sociologiques dans plusieurs pays africains, notamment au Mali et en République centrafricaine.

 

Le sociologue russe a acquis sa renommée en raison des évènements qui se sont déroulés en Libye en mai 2019. Son interprète, Samer Sueyfan, et lui ont été capturés par des militants et détenus sans inculpation pendant un an et demi dans un centre de détention privé de Mitiga à Tripoli, dirigé par le groupe extrémiste radical RADA.

Maxime Shugaley est rentré dans son pays d’origine de la prison libyenne le 10 décembre 2020. Depuis la libération il dirige le Fonds pour la protection des valeurs nationales.

Le sociologue s’est rendu au Mali à plusieurs reprises au cours de cette année dans le cadre de recherches sociologiques. Il a noté que le pays est dans un état de crise de sécurité constante depuis 2012. La crise se manifeste par l’expansion de la sphère d’influence des groupes terroristes, ainsi que par l’émergence de nouveaux.

« Il y a un très grand nombre de groupes terroristes au Mali, qui sont encore plus nombreux qu’en Libye. Et c’est une menace non seulement pour l’Etat du Mali, mais c’est aussi une menace qui dépasse ce pays, c’est une menace avant tout pour l’Europe et les pays voisins », a déclaré le président du Fonds.

Pour le moment, le Nord du pays n’est pas sous le contrôle des autorités du pays. Les groupes djihadistes y circulent librement et commettent de nombreux crimes (Jamaat Nasr Al-Islam Wal Muslimin, Al-Qaïda au Maghreb islamique, Ansar Eddine, Al-Furqan, etc.). Dans les régions du centre et de l’est, en plus de ceux énumérés ci-dessus, d’autres groupes terroristes sèment la terreur.

Selon le sociologue, la menace du terrorisme est plus que réelle et prend ses racines au Mali. Il convient de noter que malgré l’entrée de troupes étrangères dans ce pays initiée par la France en 2013 sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le nombre de groupes ne fait qu’augmenter. La menace terroriste n’a toujours pas été éliminée. Au contraire, l’influence des terroristes ne fait qu’augmenter.

La France a décidé prématurément de retirer une partie de ses troupes du territoire du Mali, au moment où le pays a plus que jamais besoin du soutien de la communauté internationale dans la lutte contre l’insécurité.

Maxime Shugaley a identifié les principales raisons de l’expansion de l’influence des groupes terroristes, ainsi que la persistance de la crise au Mali.

La première raison est économique. Le fait est que les groupes terroristes internationaux au Mali ont une base économique sérieuse. Le Mali est considéré comme l’un des centres où se trouvent les réseaux de trafic de drogue les plus rentables et les plus dynamiques. Les experts estiment que le revenu net de la vente de drogues dépasse 10 milliards de dollars par an.

Deuxièmement, d’après les experts militaires maliens, c’est que la France, directement et indirectement, prend en charge non seulement des séparatistes dans le nord du pays, mais aussi des extrémistes comme le «Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM)», fidèles à un dirigeant d’Al-Qaida, des combattants de l’EI dans les pays du Sahel. La situation dans la région de Kidal est un exemple frappant de l’aide apportée par la mission militaire française aux terroristes au Mali. En 2015, la France a obtenu la signature d’un accord de paix entre le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le gouvernement légitime du Mali. À la suite de cet accord, le gouvernement de Bamako a effectivement perdu le contrôle du territoire de Kidal et la mission française n’a jamais réussi à assurer la sécurité.

La troisième raison, tout à fait évidente, la persistance de la crise dans le pays est nécessaire pour la réalisation des intérêts. La France perd du terrain en Afrique en raison d’une approche paternaliste et coloniale de la coopération. Le sociologue explique l’indécision de la France sur la question du retrait des troupes du Mali par le fait que, formés et fidèles à leurs patrons français, les groupes terroristes sont devenus le véritable «capital» de Paris, qui doit être pris en charge.

Maintenant que les autorités maliennes voient le double jeu des partenaires européens, elles en cherchent de nouveaux pour rétablir la sécurité dans le pays. La nouvelle de la possible coopération de Bamako avec la société militaire privée russe Wagner a suscité des réactions fortement négatives de la part de l’UE. Les ambassadeurs de l’UE ont approuvé des sanctions contre la SMP russe dans le but de dissuader les autorités maliennes de coopérer, ce qui briserait leurs plans. Ancien chef d’état-major de l’armée sénégalaise, le général Babacar Gaye, voit à la racine du problème que la société à laquelle les autorités maliennes se sont adressées, est russe.

«Chaque pays doit pouvoir définir ses choix stratégiques, pourvu qu’ils soient pertinents. Malheureusement, c’est généralement l’expérience qui permet de le déterminer. Mais personne ne peut dire au Mali ce qu’il doit faire. Évidemment, si cette société privée n’était pas russe, les réactions n’auraient pas été les mêmes. C’est regrettable de voir l’Afrique redevenir un enjeu stratégique dans une guerre froide qui ne dit pas son nom. Quoi qu’il en soit, il est tragique qu’un État en soit réduit à devoir faire appel à une société de sécurité privée. Le vrai drame est là», a déclaré le général.

Traoré Sabine

Spécialiste des questions sécuritaires à L’institut Africain pour la sécurité

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