Dans le Bulletin d’information 2011 de la CASCA, on apprend que la vérification financière de l’Unité de gestion du Projet d’aménagement du périmètre irrigué de Manincoura (PAPIM) a décelé une autre situation aussi sinon autant invraisemblable que l’histoire des 150 pièces installées sur le même véhicule le même jour. En effet, au sein de ce projet, la CASCA relève que » des dépenses d’entretien et de réparation se sont élevées à 13 millions FCFA en moyenne et par véhicule au cours de l’année 2009″. A cela, il faudra ajouter cet autre cas au Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA), où un compte bancaire fonctionne sous la seule signature du Commissaire et que la somme de 28 081 954 FCFA a été retirée dudit compte sans aucune justification. Deux situations qui prouvent, s’il en était besoin encore que ce sont les premiers dirigeants des structures épinglées qui sont présumés être les plus grands délinquants, les plus gros tricheurs et les plus vilains responsables présumés des détournements de deniers publics.
Le hic est que les responsables de ces détournements présumés de fonds publics demeurent toujours en poste. Ils accompagnent ou accueillent les ministres en déplacement à l’intérieur du pays. Comme si de rien n’était. Et pire, les ministres en question ne voient aucune anomalie en cela. Certainement qu’ils n’ont pas lu les rapports du BVG ou les bulletins de la CASCA. A moins qu’ils ne se moquent de la lutte contre la corruption et la délinquance financière qui demeure l’une des priorités du président de la République. Un ministre ne doit point s’accommoder de cadres dont les dossiers sont déjà sur la table du procureur. Si ces présumés coupables n’ont pas le courage de rendre le tablier, le ministre sous lequel ils exercent doit pouvoir prendre ses responsabilités et démettre de leurs fonctions les cadres en question.
Les ministres concernés n’ont pas à attendre que le Premier ministre ou le président de la République interviennent dans ce sens pour leur indiquer la voie à suivre. En tout cas, pour le moment, les propos d’IBK par rapport à la lutte contre la corruption n’ont reçu aucun écho favorable de la part des membres du gouvernement qui ont, pourtant, tous reçu, officiellement, une copie du Rapport 2012 du BVG. Qu’attendent-ils alors pour réagir?
Trafic de passeports et détournement du Don japonais
Au vu des dossiers que nous avons tiré du Bulletin d’information 2011 de la CASCA, on est en droit de s’interroger à quoi sert, dans ce Mali où « certains ministres sont de la mafia financière » -selon le Vérificateur Général Amadou Ousmane Touré – la multitude de structures de contrôle et pour quels résultats? L’immobilisme de la justice, même quand elle est saisie des innombrables cas de détournements qui sautent aux yeux, est demeuré toujours incompréhensible, depuis le temps d’ATT. Face aux cas de délinquance financière, de corruption ou de détournement tout court, Dame justice ne réagit pas.
Le présumé délinquant a donc tout le temps de faire disparaître les preuves qui l’accablent ou de fabriquer de fausses pièces justificatives qui le disculpent. Toute chose qui donne l’impression que ce pays n’est pas dirigé. Des gestionnaires de biens publics ayant tendu la main à des politiciens véreux qui, une fois leurs décrets de nomination signés par le président de la République, se livrent, en compagnie de leur DFM, à toutes sortes d’exercices pour se remplir les poches. Comment un tel pays peut-il bouger, se développer quand des voleurs à col blanc se la coulent douce en toute impunité. Même des prévenus, de retour de prison, s’empressent de serrer la main du président de la République sous les feux des projecteurs de la télévision nationale. Comme pour dire : » Voilà, j’ai serré la main du président de la République, je suis donc blanc comme neige ». N’ont-ils pas le droit de penser ainsi?
Si ce n’est au Mali, dans quel pays au monde peut-on voir une telle image : un délinquant présumé tout fraîchement sorti de prison assis aux côtés du chef de l’Etat. En tout cas, on aura tout vu dans ce pays où règne l’impunité la plus absolue vis-à-vis des cas de détournements et de délinquance financière. Le président IBK, qui vient tout juste d’être installé dans son fauteuil, a déjà beaucoup promis dans le sens de la lutte contre la corruption et les autres fléaux qui gangrènent notre société et font saigner notre économie déjà très exsangue. D’après le chef de l’Etat, lui-même, il a déjà procédé à la transmission d’une centaine de dossiers, relatifs à la corruption et à la délinquance financière, à la justice.
Nous attendons alors de voir quand est-ce que la justice va, enfin, se lever et permettre à notre pays de récupérer l’argent du contribuable, dilapidé ou planqué sur des comptes bancaires aux Îles Caïmans et autres paradis fiscaux.
Parmi les dossiers transmis à la justice suivant les recommandations de la CASCA, il y a celui relatif à la vérification de la gestion du Fonds d’aide alimentaire du Japon au Commissariat à la Sécurité (CSA), sur la période de 2007 à 2009.
Comme nous l’annoncions plus haut, au CSA, il a été constaté le fonctionnement d’un compte bancaire sous la seule signature du Commissaire. Sur ledit compte, il a été procédé au retrait non justifié de la somme de 28 081 954 F CFA. D’autres faits ont été épinglés par la CASCA, à savoir: l’attribution de deux marchés de construction de 75 magasins pour un montant total de 829 880 000 F CFA à deux entreprises ne répondant pas au critères d’attribution; la falsification par l’un des attributaires d’un quitus fiscal et d’une attestation de taxe de logement falsifiés; la conclusion de deux avenants d’un montant de 90 000 000 FCFA sans modifications des travaux sur lesquels 29 500 000FCFA ont été payés par chèques bancaires libellés au nom du Chef du Service Financier; l’attribution par entente directe de deux marchés de construction de 11 magasins à Kidal pour un montant de 155 793 480 F CFA sans l’autorisation de la Direction générale des marchés publics (DGMP). Comme si tout cela ne suffisait pas…la non application de pénalités de retard concernant ce dernier marché pour un montant total de 247 934 253 FCFA. La liste des manquements est loin d’être exhaustive. Ajoutons, le paiement par chèque de la somme de 18 millions FCFA aux responsables du CSA en lieu et place des fournisseurs et l’installation de pompes non conformes aux caractéristiques techniques du devis estimatif ayant entraîné une fausse facturation de 100 815 185 FCFA.
En tout, il est reproché au CSA quelque 2,2 milliards FCFA au titre de détournements présumés de fonds, entre autres.
Quant aux faits dont est accablée l’Office des produits agricoles du Mali (OPAM) par la CASCA, ils concernent des anomalies portant sur quelque 3,4 milliards FCFA au chapitre des malversations, détournements présumés et autres. Au nombre des manquements, la signature de plusieurs avenants sans autorisation de la DGMP occasionnant un surcoût de 480 millions FCFA ; le recours aux emprunts sans autorisation de l’Etat, entraînant une perte de 325 290 000 FCFA pour le Trésor public; la livraison de 7 158 tonnes de riz importé au lieu de 10 000 tonnes de riz local par une société entraînant une perte de 480 millions FCFA; le non respect des procédures d’achat de 6 228, 950 tonnes de riz local et de 11 653, 35 tonnes de riz importé entraînant une perte de 135 582 500 FCFA et la revente à perte à la même société de 11 653,35 tonnes de riz ayant occasionné un manque à gagner de 832 millions FCFA. Comme si cela ne suffisait pas, la CASCA a révélé l’existence de créances douteuses d’un montant de 1,05 milliard FCFA. Il est, en effet, aisé de le constater, les responsables de cette structure, qui a pour mission d’assurer l’approvisionnement régulier du pays en denrées de première nécessité, ont utilisé diverses artifices pour se faire la poche. Ils seront bientôt rattrapés par la justice et finiront par perdre le sommeil. Il ne reste plus que la convocation du procureur qui ne saurait tarder. Le dossier étant désormais dans ses mains.
La balle dans le camp des ministres
S’agissant de l’Unité de gestion du Projet d’aménagement de Manincoura (PAPIM), en plus de sa prouesse dans la « réparation à grands frais » des véhicules, elle est épinglée par la CASCA pour les faits suivants : des encaissements d’un montant total de 171 993 862 FCFA par le planton au nom d’autres personnes dont 75 711 860 FCFA sans mandat; des chèques établis ou encaissés au nom des personnes non habilitées pour un montant de 108 032 984 FCFA; la non justification des dépenses d’entretien et de réhabilitation de bâtiments d’un montant de 308 128 264 FCFA. Des malversations, fraudes et détournements présumés pour un montant de 1,2 milliard FCFA.
En ce qui concerne la DAF (actuel DFM) du ministère des Affaires étrangères, il lui est reproché la non présentation des dossiers d’appel d’offre (DAO) de huit marchés exécutés entre 2007 et 2009 totalisant 316 475 351 FCFA; la non tenue d’un état d’émargement de carburant pour un montant total de 807 449 644 FCFA; le paiement d’allocations d’un montant total de 29 310 607 FCFA aux conjoints d’agents diplomatiques et consulaires rappelés au Mali en violation des dispositions du décret nº96-044 du 8 février 1996; le non remboursement des allocations non émargées par les bénéficiaires d’un montant de 11650 000 FCFA. Cette direction est donc appelée à s’expliquer devant la justice pour un montant de 1, 2 milliard FCFA. Par rapport aux malversations et détournements présumés au niveau de la Direction de la police des frontières (DPF) et la DAF du ministère de la sécurité, ils portent sur quelque 580 millions FCFA « détournés » et l’emploi de 6 841 passeports non justifié à la DPF. Une situation qui sera, certainement, éclaircie bientôt. Ce dossier étant désormais dans les mains de la justice.
Suite à ces vérifications financières de la CASCA ayant concerné, principalement, la période de 2007 à 2009, il est de nécessité absolue que les personnes présumées coupables des cas de fraudes, de mauvaise gestion se mettent ou soient mis en congé par les ministres dont elles relèvent. Car, rien ne sert de pavaner quand on a sur le dos de telles accusations dont il va falloir se défendre. A cet effet, les ministres doivent prendre leurs responsabilités en mettant en congé purement et simplement les cadres et agents directement mis en cause dans les «cent dossiers remis à la justice» par le président de la République.
Il y va de la crédibilité de l’Etat et de celle la justice de notre pays. Surtout que les ministres de l’équipe de Oumar Tatam Ly, à part un ou deux qui seraient directement incriminés, ne semblent pas concernés par ces dossiers.
Si tel est le cas, qu’attendent-ils, encore une fois, pour réagir?
Mamadou Fofana