Pour la première fois depuis plus de dix ans, les chiffres de la faim dans le monde repartent à la hausse avec 815 millions de personnes souffrant de famine, soit plus d’une personne sur dix. En cause, des conflits de plus en plus nombreux exacerbés par les événements climatiques extrêmes (inondations, sécheresses…). Un cercle vicieux qui n’est pas près de s’arrêter. La faim pourrait augmenter de 10 % à 20 % d’ici 2050.
C’est un très mauvais indicateur. Alors que la faim dans le monde régressait de façon constante depuis 2005, les derniers chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sont plus qu’alarmants (1). Le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est passé de 778 à 815 millions, soit 11 % de la population mondiale. Guerres et chocs climatiques constituent le cocktail explosif de cette hausse.
« Les conflits et la sécheresse, c’est le pire des scénarios pour la sécurité alimentaire », a souligné José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, lors de la conférence de l’organisation en juillet. Cet accroissement de la faim en 2016 pourrait signaler une inversion durable de la tendance, en raison du changement climatique qui va s’accélérer dans les prochaines années.
53,5 millions de personnes touchées par un conflit et un choc climatique
La situation en matière de sécurité alimentaire a empiré notamment dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie du Sud-Est et de l’Asie de l’Ouest. 19 pays sont actuellement en situation de « crise prolongée » due à des conflits internes souvent conjugués à des événements climatiques extrêmes tels que des sécheresses et des inondations.
C’est le cas en Syrie, en Irak, en République démocratique du Congo, en Afghanistan, au Soudan ou encore au Yémen. Au total, 53,5 millions de personnes se trouvent en situation de sécurité alimentaire à cause d’un conflit combiné à un phénomène climatique.
10 à 20 % de malnutrition en plus d’ici 2050
« La concomitance de conflits et de catastrophes naturelles d’origine climatique pourrait être plus fréquente sous l’effet du changement climatique, car celui-ci non seulement aggrave les problèmes liés à l’insécurité alimentaire et à la sous-alimentation, mais peut aussi mener inexorablement à des conflits, des crises prolongées et des situations de fragilité », expliquent les experts dans leur rapport publié le 15 septembre. Un cercle vicieux difficile à stopper.
Chaque année, 26 millions de personnes en moyenne sont déplacées à cause de catastrophes naturelles, soit presque une personne à chaque seconde. En 2015, trois fois plus de personnes se sont déplacées en raison de catastrophes naturelles qu’à cause des guerres et des violences.
« C’est un échec honteux pour nos dirigeants et nos institutions internationales, réagit Clara Jamart d’Oxfam France. Les avancées que nous avons laborieusement obtenues au cours des dernières décennies peuvent facilement être compromises. Selon certaines analyses, le nombre de personnes risquant de souffrir de la faim augmentera de 10 % à 20 % d’ici 2050 en raison du changement climatique. »
Soutenir les petites exploitations
Pour soutenir la production alimentaire dans les pays les plus pauvres, l’ONU plaide pour l’investissement sur de petites exploitations, la moyenne en Afrique n’excédant pas deux hectares. « 80% de la production totale agricole en Afrique vient des petites exploitations, qui sont au nombre de 38 à 40 millions », a ainsi rappelé Gilbert Houngbo, président du FIDA (Fonds International des Nations Unies pour le développement agricole). Début janvier, l’organisme lancera un fond d’investissement pour des petits propriétaires (small holders investment fund) qui rencontre déjà un « intérêt très fort ».
« S’il permet de générer des profits colossaux pour une poignée d’entreprises agroalimentaires multinationales et de spéculateurs, l’agrobusiness ne permet pas, et ne permettra jamais d’assurer le droit à l’alimentation des plus pauvres, rajoute Clara Jamart d’Oxfam France. La faim n’est pas un problème lié à une pénurie de nourriture. Nous produisons aujourd’hui, à l’échelle de la planète, largement assez de denrées alimentaires pour assurer le droit à l’alimentation de tous. » L’ONG lance ainsi un message d’alerte au président de la République, Emmanuel Macron, alors que se tiennent en ce moment les États généraux de l’alimentation.