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La Centrafrique meurtrie, les États-Unis à son chevet

L’ambassadrice américaine à l’ONU Samantha Power effectuait jeudi une visite surprise en Centrafrique, un signal fort de Washington pour aider ce pays à mettre un terme aux violences inter-religieuses qui ont fait près d’un millier de morts depuis début décembre.

ambassadrice américaine ONU Samantha Power

Arrivée dans la matinée à Bangui, Mme Power est la plus importante responsable américaine à se rendre en République centrafricaine, où l’administration américaine s’alarme depuis des semaines d’une situation « pré-génocidaire ».

Elle est accompagnée de la plus haute diplomate au département d’Etat pour l’Afrique, la secrétaire d’Etat adjointe Linda Thomas-Greenfield.

Peu après leur arrivée, les deux femmes se sont rendues à l’hôpital « communautaire », principal établissement hospitalier de la capitale où sont soignées de nombreuses victimes des dernières violences entre chrétiens et musulmans, blessées par balles ou à coups de machettes. Elles se sont entretenues avec des membres d’organisations humanitaires.

La délégation américaine a ensuite visité la cathédrale de Bangui, occupée par des milliers de déplacés. Mme Power y a rencontré le chef de l’église catholique, Mgr Dieudonné Nzapalainga, et son homologue musulman l’imam Kobin, avant de faire étape à la mosquée de Lakouanga, un quartier mixte.

A l’aéroport, elle devait rencontrer des responsables politiques centrafricains, dont le président de transition et ex-chef rebelle de la Séléka Michel Djotodia.

Ce déplacement en Centrafrique a une dimension très personnelle pour la diplomate américaine, longtemps journaliste et chercheuse, spécialiste de la question du génocide dans les conflits au 20e siècle, notamment en Bosnie et au Rwanda.

 

Éloigner les Centrafricains « de l’abîme »

 

« Les populations (centrafricaines) sont en très grand danger et nous avons tous la responsabilité de les éloigner de l’abîme », avait-elle déclaré en préambule à son déplacement.

Après le déferlement de haines et de violences de ces deux dernières semaines, sa visite intervient alors que Bangui, patrouillée par les militaires français et la force africaine, connait une relative normalisation. La situation reste néanmoins fragile, de l’avis de tous. De vives tensions persistent dans certains quartiers, et dans la région de Bossangoa, l’un des épicentres des violences dans le nord-ouest du pays.

Depuis le 5 décembre, les massacres entre chrétiens et musulmans ont fait près d’un milliers de morts, selon un dernier bilan de l’organisation Amnesty international.

La plupart des victimes ont été tuées à Bangui dans des représailles de l’ex-rébellion Séléka, mais également en province dans les atrocités des milices d’autodéfense villageoises « anti-balaka » (anti-machettes), plus particulièrement à Bossangoa, selon Amnesty.

« De graves violations des droits humains continuent d’être commises dans le nord du pays ainsi qu’à Bangui », s’est alarmée une autre organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW), pour qui « le risque de nouvelles violences généralisées est extrêmement élevé ».

La Centrafrique est plongée dans l’anarchie et le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes armés musulmans venus du nord du pays. Les violences entre chrétiens et musulmans se sont déchainées le 5 décembre, avec une offensive des anti-balaka sur Bangui suivie des représailles sanglantes des Séléka, précipitant l’intervention militaire de la France qui tente depuis lors de désarmer les belligérants et opère en appui à une force africaine, la Misca.

 

De la Fomac à la Misca

Forte de 3.700 hommes, cette Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), mandatée par l’ONU, a pris officiellement le relais de la Fomac déployée depuis 2008. Une prise d’arme était organisée pour l’occasion jeudi matin sur sa base jouxtant l’aéroport de Bangui, en présence du Premier ministre Nicolas Tiangaye, et chef du dispositif militaire français, le général Francisco Soriano, a constaté un journaliste de l’AFP.

Au son du clairon, le drapeau de la Communauté des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) a été baissé et remplacé par celui de l’Union Africaine (UA).

Cette « cérémonie de transfert d’autorité » marquait l’élargissement de la force africaine, jusqu’à présent composée de contingents des pays voisins (Cameroun, Congo, RDC, Gabon, Tchad, guinée équatoriale) à d’autres pays du continent, tel que le Burundi. A terme, la Misca devrait compter environ 6.000 hommes pour mener à bien, au côté de l’armée française, sa difficile mission de rétablir la sécurité dans le pays.

L’armée française, avec le soutien des troupes africaines, a lancé ce désarmement forcé des milices et groupes armés dès le 9 décembre à Bangui. Ces opérations se poursuivent depuis lors quotidiennement. Après avoir désarmé en priorité les ex-Séléka, les soldats français visent maintenant les milices « anti-balaka », très présentes dans certains quartiers chrétiens, et tente ainsi de réaffirmer son « impartialité ».

A ce jour, ce sont environ 7.000 combattants de l’ex-Séléka qui ont été désarmés et sont cantonnés dans leurs casernes à Bangui, selon un haut-gradé de la Misca.

Selon Mme Power, les Etats-Unis sont « reconnaissants envers les Français et les courageux soldats africains qui risquent leurs vies pour aider à protéger des civils ».

Washington fournit un soutien logistique à la Misca, avec le transport aérien en cours 850 soldats burundais vers la Centrafrique. Les Etats-Unis ont également promis 100 millions de dollars d’aide militaire à la Misca.

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