Des manifestants ont saccagé des postes de police et brûlé des pneus sur les artères de la ville pour des raisons qui demeurent inconnues
Qu’est-ce qui a poussé des jeunes de Kayes à manifester samedi et dimanche nuits dans les principales rues, bravant du coup le couvre-feu décrété par le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le Covid-19 ? La réponse à cette question demeure inconnue, même si les autorités régionales et les mouvements de la société de Kayes ont affirmé tous qu’il s’agit d’un mouvement «planifié». Ce qui est étonnant, interrogés beaucoup d’entre eux avouent ne pas savoir pourquoi ils ont manifesté.
Comment en est-on arrivé là dans une ville où la quiétude avait commencé à régner, après la visite du ministre de la Santé et des Affaires sociales, Michel Hamala Sidibé. Le patron du département de la Santé a pu apaiser la colère du comité syndical de l’Hôpital Fousseyni Daou de Kayes qui, soutenu par des mouvements de la société civile, avait battu le pavé devant leur infrastructure sanitaire pour demander l’amélioration des conditions de travail de ses adhérents.
Mais, cette accalmie ne fut que de courte durée car, dans la soirée des 3 et 4 mai 2020, des jeunes sont sortis de façon spontanée pour brûler des pneus sur les principales artères de la ville. Ils ont saccagé les postes de police (CCR) qui étaient installés au niveau des principaux carrefours de la ville pour réguler la circulation. La manifestation qui a débuté au niveau de Harlem Bar, dans le quartier de Khasso, à 21 heures, a touché les autres quartiers de la rive gauche du fleuve Sénégal qui divise la ville en deux (Kayes Ba et Kayes N’Di). Samedi, à 22 heures, Kayes N’Di est rentré dans la danse.
Les manifestants ont saccagé les hangars des commissariats des 1er et 2è arrondissement de Kayes qui étaient installés au niveau des grands carrefours pour servir de bureau de fortune aux policiers, notamment ceux chargés de la régulation de la circulation. Même les feux de signalisation n’ont pas été épargnés. Le constat est amer devant le rond-point qui se trouve au niveau de la résidence du gouverneur, comme partout ailleurs dans les différentes rues de la Cité des rails. Des traces de pneus brûlés étaient visibles tout au long des grandes artères. De l’autre côté du fleuve, c’est le même spectacle qui s’offre aux passants.
Dimanche, après la traversée du pont, notre équipe de reportage a constaté des manœuvres qui étaient en train de travailler sur les ruines du hangar appartenant au commissariat de police du 2è arrondissement de Kayes N’Di. Un manœuvre était en train de nettoyer l’endroit, tandis qu’un autre récupérait les déchets et débris pour les mettre dans un pousse-pousse. Même s’il n’y a pas eu de perte en vies humaines, on a enregistré d’importants dégâts matériels. Les Forces armées et de sécurité ont procédé à l’interpellation de 18 personnes durant ces deux jours de manifestations. Si les forces de l’ordre se sont abstenues de réagir le premier jour, elles ne pouvaient plus rester inactives le lendemain face à l’ampleur des dégâts. Elles ont usé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.
Le gouverneur de la région Mahamadou Zoumana Sidibé a tenu une rencontre d’urgence dans la salle de conférence du gouvernorat. Les représentants de la société et des collectivités ont tous mis l’accent sur la nécessité de prendre des mesures d’accompagnement en vue d’atténuer les souffrances des corporations à savoir les boulangers, les hôtels, les restaurants, les commerçants, parmi tant d’autres, en cette période de pandémie, de couvre-feu et surtout d’observation du mois de ramadan.
Avant ces incidents, les forces armées et de sécurité n’avaient presque pas connu de problèmes majeurs pour faire respecter le couvre-feu dans la ville et ailleurs. L’inspecteur général de police Mahamadou Zoumana Sidibé a invité la population kayésienne à plus de vigilance, au respect strict du couvre-feu qui ne vise qu’à protéger la population contre la propagation de cette pandémie. «Le couvre-feu est une mesure qui concerne tout le pays et on doit le respecter», a martelé le gouverneur à l’issue de la rencontre.
Bandé Moussa SISSOKO
Amap-Kayes
Source : L’ESSOR