José Mourinho a toujours voulu tout contrôler. Au Real Madrid, il ne voulait pas d’un directeur sportif et gérait le club espagnol “à l’Anglaise”. À Chelsea, durant ses deux passages, il a très souvent eu maille à partir avec ses dirigeants. À Manchester United, c’est encore lui le patron. Le “boss” de fin d’un niveau pas très élevé cette saison. Installé de guinguois sur un trône inconfortable en forme de siège éjectable défectueux. Toujours la même histoire. Chelsea ou le Real sous Mourinho n’étaient plus vraiment Chelsea ou le Real, c’étaient les équipes de Mourinho, un entraîneur qui a toujours phagocyté les formations qu’il a entraînées pour le meilleur et pour le pire. Mais pour le pire, c’est lui le meilleur.
Esprit, es-tu là ?
Cette saison, Manchester United n’est guère impressionnant dans le jeu, est englué à une 6e place indigente au vu des ambitions du début de saison et des sommes colossales balancées à travers les différentes fenêtres du mercato et rien n’indique que cela va changer dans un avenir proche. Malgré un effectif de qualité sur le papier. United est ce géant qui chute irrémédiablement et surtout, en silence. Sans aucun sentiment d’urgence. Tout cela, supervisé par un Mourinho au discours et à la méthode que d’aucuns qualifieraient d’iconoclastes. Moins complaisamment, on peut parler de propos podoclastes pour les pauvres journalistes s’aventurant en conférence de presse chaque semaine pour la “spéciale” du Special One.
“Avez-vous appris quelque chose du match ?”, s’était hasardé un confrère après la récente défaite à Valence.“Non, rien. Et vous ?“, cinglait Mourinho. Comme s’il n’avait de comptes à rendre à personne et c’est d’ailleurs probablement le cas. Pour justifier ses résultats médiocres au vu des moyens déployés, Mourinho invoque le fair-play financier… Comme si Manchester United n’avait pas dépensé des mille et des cents depuis l’arrivée du coach portugais sur le banc, avec, en février 2018 et selon un rapport de l’observatoire du football (CIES), 747 millions d’euros dépensés au mercato pour constituer son équipe d’alors. En tout, et selon des chiffres rendus publics, United a dépensé 425 millions d’euros depuis l’été 2016. De quoi, tout de même, se constituer une équipe compétitive et ce, quoi qu’en dise le Mou.
Totem d’impunité
Et si la plus grande prouesse de Mourinho depuis son arrivée à Manchester était d’avoir réussi à nous endormir et à nous convaincre qu’il ne pouvait pas faire mieux avec les (immenses) moyens dont il dispose ? Comme si l’ancien coach de Chelsea avait réussi à transposer l’absence de révolte et de fighting spirit de ses joueurs sur le pré dans les travées pourtant réputée sexigeantes d’Old Trafford. Un totem d’immunité permanent pour un coach qui se dit lui-même impossible à virer. “On dit que je suis en danger, mais je ne pense pas. S’ils m’écartent, avez-vous la moindre idée de l’argent qu’ils devraient me donner ?”, avait-il confié à des journalistes italiens de La Repubblica et La Gazzetta dello Sport en septembre dernier.
En octobre, alors que son équipe ne comptait qu’une seule victoire depuis le début de la saison, Mourinho, attendu au tournant par des journalistes avant un match contre Newcastle, avait passé 3 minutes et 32 secondes en salle de presse, évitant de répondre à toute question concernant une éventuelle instabilité dans son vestiaire, les envies de départ d’Alexis Sanchez et autres rumeurs de départ le concernant. Une gestion chaotique sur le pré comme en dehors que ne goûtent guère certaines anciennes gloires telles que Rio Ferdinand et Paul Scholes, pour qui Mourinho pervertit l’esprit Manchester United en toute impunité, aussi bien d’un point de vue sportif que combatif. Martin Keown, lui, invite les joueurs de United à ne plus écouter leur manager qu’il veut désormais baptiser le “Lonely One”, en lieu et place du “Special One” : “Je suis bien incapable de définir l’identité de jeu de cette équipe”, a notamment tancé l’ancien Gunner.
“Nous avons perdu contre Valence et le moral de l’équipe est bas, de même que notre classement. Quelque chose d’urgent doit se produire pour stopper ce dérapage. Manchester United ne remportera ni la Premier League, ni la Ligue des champions”, a confié samedi Rio Ferdinand à Goal. Quelque chose d’urgent, comme un licenciement de manager, alors que le père de Mourinho avait été limogé de Rio Ave à Noel en 1984. José le sait, le football de haut niveau ne fait pas de cadeaux. Mais peut-être est-il déjà trop tard pour se demander si Mourinho peut encore sauver les Red Devils. Le débat, enjoint à un replacement défensif strict, coulisse et se replace. Un match à rejouer sur un autre terrain. Fin bretteur, bateleur et braillard, Mourinho excite tellement la forme, qu’on en oublie de parler du fond.
En attendant, United est à 16 points de Liverpool, leader, que les Red Devils s’apprêtent à défier ce dimanche. Et il y a comme un spectre d’inexorable déclin qui plane au dessus d’Old Trafford. Oui, United est bien l’équipe de Mourinho. Mais est-ce encore Manchester ? Une fois le brouillard de guerre retombé, il faudra penser à se poser cette question et à profiter, certainement, de la réponse en forme de pique, tacle, boutade ou provocation. Pendant qu’il en est encore temps.
Source: Goal