Le Mali traverse une crise multiforme depuis 2012. Rien n’y a fait. Ni la signature de l’accord d’Alger, en 2015. Ni le déploiement de Barkhane, de la Minusma, pas plus que celle de la force conjointe du G5 Sahel. Le constat est unanime : les situations sécuritaires et humanitaires se dégradent de façon inquiétante. Et les djihadistes semblent d’ailleurs ne pas être inquiétés par la présence de toutes ces forces. Qui sont ces djihadistes qui sèment la pagaille dans le Sahel ?
Les djihadistes au Sahel sont historiquement nés des décombres de la guerre civile algérienne, une partie des jihadistes qui ont refusé la politique d’amnistie (« concorde civile ») du président algérien ayant reflué au nord du Niger et surtout au nord du Mali où ils se sont progressivement sanctuarisés.
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM), qui regroupe différents groupes au Sahel se revendiquant d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) : il s’agit principalement d’Ansar Dine et de sa katiba Macina, de la katiba al-Furqan et d’al-Mourabitoune.
Iyad Ag Gahli, chef d’Ansar Dine
Iyad Ag Ghali naît en 1958 à Boghassa, dans la région de Kidal. Ses parents sont des Touraregs de la fraction des Erayakane, de la tribu des Ifoghas. Son père, Ghaly Ag Babakar, est tué pendant la rébellion touarègue de 1962-1964 après avoir été accusé par d’autres rebelles d’être un collaborateur de l’État malien1. Iyad Ag Ghali passe son enfance à Abeïraba et suit son cursus scolaire à Tin-Essako.
Issu de la puissante tribu des Ifoghas, il fut un leader de rébellion touarègue dans les années 1990, après un passage en Libye au sein de la « légion islamique » de Kadhafi, cette « légion verte » construite sur le modèle de la légion étrangère française.
Ironie de l’histoire, il fut aussi l’un des médiateurs lors des négociations qui ont abouti à la libération de 32 otages occidentaux détenus par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), en 2003. Longtemps, il fut l’intermédiaire privilégié des autorités maliennes et des services occidentaux auprès des jihadistes. C’était avant que l’homme ne troque sa moustache stalinienne pour une barbe fournie.
En 2011, Iyad Ag Ghaly s’allie aux islamistes radicaux étrangers et crée, avec certains de ses fidèles lieutenants maliens, le groupe Ansar Eddine. Il parvint à prendre le contrôle des deux tiers du Mali, en écartant progressivement le MNLA, avant que l’intervention française de janvier 2013 ne disperse les combattants djihadistes dans l’immensité du Sahara.
Aujourd’hui à la tête du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM) Iyad Ag Ghaly met en échec le processus de paix, malgré les efforts intenses du gouvernement malien et de la communauté internationale. Dans le centre et le nord du pays, les forces armées maliennes, les ex-rebelles de groupes signataires de l’accord de paix et les troupes internationales ne contrôlent relativement que les villes. Le reste du territoire y est sous l’influence des jihadistes, qui imposent leur loi.
Amadou Koufa, leader de Katiba Macina
Né vers 1961, Amadou Diallo est un peul originaire du village de Koufa, à Saraféré, dans le cercle de Niafunké (région de Tombouctou). Issu d’une famille pauvre, il est le fils d’un imam. Il prend son surnom en référence à son village natal. Pendant plusieurs années, il mène une formation islamique dans le cercle de Bankass, puis dans le Delta intérieur du Niger. Il devient prêcheur et voyage dans plusieurs pays et notamment au Pakistan et en Mauritanie.
Au Mali, il réclame l’instauration d’une République islamique et acquiert une forte popularité dans le centre du pays.
Dans les années 1990, Amadou Koufa se rapproche de la secte Dawa, tout comme Iyad Ag Ghali, avec lequel il se lie dans les années 2000.
En 2012, lorsque débute de la guerre du Mali, Koufa se joint à Ansar Dine, dirigé par Iyad Ag Ghali. Après la conquête du nord du Mali par les djihadistes, Amadou Koufa est vu à Tombouctou. Entre juillet et décembre 2012, il y reçoit sa seule formation militaire. Il négocie aussi avec les autorités maliennes la libération des soldats faits prisonniers à Kidal et Tessalit. En janvier 2013, il participe à la bataille de Konna. Il devait être désigné émir de Konna, mais l’offensive des djihadistes est cette fois repoussée après l’intervention de l’armée française et le début de l’opération Serval.
Amadou Koufa regagne ensuite le Centre du Mali et début 2015 il fonde la Katiba Macina, active dans la région de Mopti et la région de Ségou.
Adnane Abou Walid al-Sahraoui
Adnane Abou Walid al-Saharoui, nom de guerre de Lehbib Ould Ali Ould Saïd Joumani, né entre 1973 et 1979, est un djihadiste saharoui. Membre du Front Polisario, il rejoint ensuite les djihadistes et devient le premier chef au Sahel à faire allégeance à l’Etat islamique.
Il est témoin pendant son enfance de la guerre du Sahara occidental et fait partie des civils qui trouvent refuge dans les camps du Front Polisario en Algérie. Quelques années plus tard, il s’engage dans l’armée populaire de libération saharouie.
Il rejoint ensuite les groupes djihadistes. Au début de la guerre du Mali, Walid Abou Adnan Sahraoui est un porte-parole du Mujao.
Le 13 mai 2015, une des deux composantes d’Al-Mourabitoune, celle du Mujao, annonce prêter allégeance à l’Etat islamique (EI) dans un communiqué signé de l’émir Adnane Abou Walid Al-Sahraoui. Mais deux jours plus tard, Mokhtar Belmokhtar dément l’allégeance d’Al-Mourabitoune à l’EI et déclare que le communiqué d’Al-Sahraoui « n’émane pas du Conseil de la Choura ». Al-Mourabitoune se retrouve alors divisée en deux tendances, quelques dizaines, peut-être une centaine de combattants prêtent allégeance à l’EI. Adnane Abou Walid Al-Sahraoui baptise son groupe « Etat islamique dans le grand Sahara », mais il ne fait l’objet d’aucune reconnaissance de la part du califat.
Le groupe d’Al-Sahraoui est basé dans la région de Gao, près de Ménaka.
Le soir du 1septembre 2016, un petit groupe de deux ou quatre djihadistes attaquent un poste de douane à Markoye, au Burkina Faso. Un douanier et un civil sont tués. Le 3 septembre, Adnane Abou Walid Al-Sahraoui revendique l’attaque, la première depuis son allégeance à l’État islamique. Le 12 octobre, quatre soldats burkinabés sont tués à Intangom dans une attaque revendiquée par l’EI. Puis le 17 octobre, une dizaine de combattants mènent un assaut qui échoue contre la prison de Koutoukalé, au Niger, et où un djihadiste est tué. Cette attaque est également revendiquée par le groupe d’Al-Sahraoui.
Après ces attaques, l’État islamique reconnaît officiellement l’allégeance du groupe d’Al-Sahraoui le 30 octobre 2016.
Vers 2016, Al-Sahraoui se marie avec une peulh originaire du village de Bouratam, près de la frontière avec le Mali et le Niger, afin de nouer des alliances locales au sein de la communauté peule.
Mohamed Sylla