Ortm : Bonsoir Monsieur le Premier Ministre, nous avons échangé avec vous aux environs de 16h 30 aujourd’hui vous étiez à Kidal. Actuellement il est 20h25, ou êtes vous ?
Moussa Mara : Nous sommes actuellement au camp 1 de Kidal, le camp des forces armées et de sécurité du Mali. Nous sommes sous la protection des forces armées de notre pays.
Aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, à 20h25, Il y a eu, comme vous l’avez dit depuis mon interview de 16h30, des évolutions que je peux considérer comme malheureuses.
A 16h30, je vous ai donné l’interview du salon du gouverneur, donc j’étais au gouvernorat. Nous étions sous des coups de feu comme vous avez sans doute entendu. A la fin de cette réunion, nous avions prévu de repartir en hélicoptère à Gao. Nous avons pris nos véhicules et nous nous sommes dirigés vers le camp 2 de Kidal qui est sous le contrôle de la Minusma.
Mais arrivés au camp 2, il nous a été indiqué que les conditions météorologiques empêchaient l’hélicoptère de voler. Nous avons pris la résolution de revenir au camp 1 sous la protection des forces armées du Mali.
Mais nous avons été surpris de constater au moment de notre retour que des groupes armés ont décidé d’intensifier les attaques sur le gouvernorat. Attaques qui leur ont permis d’occuper le gouvernorat et de prendre en otage un certain nombre de responsables qui y étaient.
Les forces armées et de sécurité n’étant plus là et étant en direction du camp 1 de l’armée. Le gouvernorat était en situation normale comme c’était le cas il y a une semaine, deux semaines, il y avait juste quelques éléments pour assurer la sécurité de routine. Ils ont profité de ce moment la, en violation de tous les accords possibles et imaginables, pour investir le gouvernorat et prendre en otage les agents qui y étaient.
A l’heure où je vous parle il y a eu beaucoup de combats, nous attendons la conclusion de la situation pour faire état d’un bilan. Mais nous n’avons pas d’élément sur le fait que le gouvernorat soit sous le contrôle de l’État. Par contre, ce qui est sûr c’est que les forces armées et de sécurité du Mali sont sur le terrain et s’emploieront très rapidement pour que le gouvernorat revienne sous le contrôle de l’état.
C’est aujourd’hui à 20h27 ce qui peut être noté.
Ce qui se passe actuellement est militaire et sécuritaire certes mais éminemment politique, et nous allons apporter les réponses politiques appropriées avec les hautes directions que nous indiquera le Chef de l’État, Inch Allah.
Que simplement nos compatriotes gardent le calme et la sérénité.
C’est une situation dans laquelle nous devons être sereins, unis comme un seul homme et faire en sorte que l’Etat l’emporte. Que l’État étende sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. Nous sommes en train d’y travailler et, Inch Allah, nous y arriverons.
« KIDAL EST ET KIDAL RESTERA TOUJOURS UNE VILLE MALIENNE »
Premier ministre : Je suis bien assis dans le bureau du gouverneur de Kidal. C’est vrai qu’il y a des tirs d’armes légères et d’armes lourdes mais cela n’est pas bien grave.
Le plus important est que l’ensemble de la délégation gouvernementale, tous les ministres et moi-même nous sommes arrivés à Kidal aux alentours de 12h30.
Nous sommes allés d’abord au camp 1 de l’armée pour discuter avec les soldats maliens, et nous sommes là actuellement au gouvernorat pour échanger avec l’administration régionale.
Parce que comme je l’ai toujours dit je l’ai dit hier à Tombouctou, le but de notre visite n’est pas autrement que de venir nous assurer que l’administration malienne fonctionne dans la ville malienne de Kidal. Que les maliens de Kidal bénéficient des mêmes services que les maliens de Kayes, de Sikasso et de Mopti. En tant que chefs de l’administration nous avons estimé normal et même obligatoire de venir à Kidal pour nous assurer que les services fonctionnent.
Vous entendez sans doute les bruits d’armes c’est bien dommage mais c’est cela la réalité ici et il faut que nous fassions en sorte que, dans les jours à venir, les kidalois
n’aient pas l’habitude des armes. Parce que personne ne doit avoir l’habitude des armes. Les armes c’est la destruction. Nous, nous voulons construire, nous voulons construire un Mali uni, nous voulons construire un Mali divers où le choix ne se fera pas en fonction de la peau de la couleur ou de l’opinion politique, mais en fonction des compétences et des engagements pour la paix dans notre pays.
Donc nous sommes venus humblement avoir ces discussions, et le gouverneur s’est exprimé, le personnel de l’administration s’est exprimé. Nous avons eu des échanges très fructueux, et nous repartons d’ici vraiment le cœur léger et l’esprit d’avoir accompli un acte qui est normal mais un acte qu’on attendait depuis longtemps. L’État est à Kidal. Kidal est et Kidal restera toujours et comme ca a toujours été le cas une ville malienne.
Ortm : Nous savons que depuis un certain temps certains cadres ont rejoint leurs postes dans la région. Après l’échange que vous avez eu avec les cadres êtes vous satisfait du niveau de présence de l’administration dans cette zone ?
Moussa Mara : Aujourd’hui nous sommes satisfaits du niveau de présence, mais ce niveau de présence doit être, sans doute, amélioré. Parce que, comme je l’ai dit, les conditions de sécurité ne sont pas optimales.
Il faut que nous fassions en sorte que le niveau de présence soit amélioré que nous revenions à ce qu’il était avant la crise. Que toutes les directions régionales, que toutes les administrations soient dotées d’effectifs comme il faut. Ce n’est déjà pas mal ce qui est là mais il y a encore des « mais ».
Il y a aussi des difficultés en termes d’équipements, de matériels de transports, de matériels de bureau de meubles et nous avons souhaité que l’ensemble des administrations, comme on l’a dit à Tombouctou, puissent remonter à leur ministère respectif leurs besoins, leurs attentes, leurs insuffisances afin que dans les jours à venir l’on puisse corriger cela rapidement. Je pense que l’objectif doit être de doter toutes les administrations.
Ortm : La présence de groupes armés encore dans la ville, peut on lier les manifestations d’aujourd’hui et les négociations que le Mali a engagées ?
Moussa Mara : Non, je pense que tout ce à quoi nous assistons en termes d’échanges de tirs à l’arme légère et lourde ce n’est que la manifestation d’un désarroi. Certaines personnes ont profité de la singularité de Kidal, ont voulu singulariser Kidal depuis l’indépendance jusqu’a aujourd’hui. Ces personnes voient un processus de retour à la normale où Kidal ne sera pas plus différent que Kayes Ségou ou ailleurs où l’administration fonctionnera exactement de la même manière vis-à-vis des kidalois comme vis-à-vis des ségoviens ou autres. C’est leur manifestation, c’est leur désarroi, c’est comme les derniers cris d’un mourant on va le mettre sous ce cadre. Cela ne nous impressionne pas, cela ne nous impressionnera jamais.
Le processus politique sera conduit exactement comme le Président de la République l’a dit. Parallèlement au processus politique, la montée en puissance des forces armées et de sécurité maliennes sera réelle. Parallèlement à cela, nous entamerons les actions de réconciliation, les actions de retour des réfugiés, le retour de la confiance, recoudre le tissu social, relancer le développement. Car après tout c’est le développement qui est le plus important aujourd’hui. Et le gouvernement sera présent sur tous ces segments sous sa direction du Chef de l’Etat, qui nous a donné des indications et nous allons les suivre.
Ortm : Vous êtes avec combien de membres du Gouvernement en ce moment à Kidal ?
Moussa Mara : Je suis avec une dizaine de membres du gouvernement : les ministres de l’emploi, de l’énergie, de la décentralisation, de l’intérieur, de la femme et de l’enfant, de la justice, de la réconciliation nationale et de la reconstruction du nord…
Ortm : Merci Monsieur le Premier Ministre.
SOURCE:Soir de Bamako