Les braqueurs à main armée autrement appelés «Les Popomans» ont transformé nos artères principales et quartiers huppés en des endroits criminogènes où ils opèrent nuit et jour en dépossédant les honnêtes citoyens de leurs biens ou les agressent mortellement. Bref, comment en est-on arrivé là ? C’est la question que tous les Maliens se posent anxieusement aujourd’hui. À l’instant, le phénomène d’insécurité résiduel empêche tout le monde de dormir et nous rend tous paranoïaques.
Qu’on le dise ou pas, rares sont les Maliens, qui n’ont pas été victimes des agissements de cette nouvelle race de gangs dite «Popomans». Nuit et jour, notre capitale vit au rythme des malfrats opérant désormais à visage découvert, sans aucune crainte d’être démantelé par qui que ce soit. Tous les jours, ces bandits d’une autre race font des victimes. Ces «Popomans» règnent à travers la ville de Bamako et à l’intérieur du pays comme bon leur semble. C’est pour éradiquer ce phénomène qui se généralise que dans certains quartiers les citoyens s’organisent en Brigades de veille citoyenne.
Cependant, ces Brigades dites de « veille citoyenne » semblent épouser un autre caractère contraire à leur mission régalienne. En fait, c’est le fameux article dit 320 (qui consiste à brûler vif tout voleur pris en flagrant délit) qui semble y être la règle d’or. «On te prend ; on te brûle vif et c’est fini. À quoi bon d’amener un voleur à la Police et le revoir en libre circulation quelques jours après pour profiler des menaces directement à ton encontre?», a-t-on l’habitude d’entendre dans nos grins.
Et c’est, malheureusement, le triste sort qu’est arrivé à trois jeunes Boucher en partance à l’abattoir dans la nuit du lundi au mardi dernier.
En effet, selon notre confrère Modibo Fofana, hier jeudi 1ernovembre, dans une note sur le site Mali 24, trois jeunes, tous des bouchers et d’une même famille, ont été extrajudiciairement exécutés par une équipe de patrouille de veille, en Commune I du District de Bamako, précisément au quartier de Doumanzana Petit Paris. C’est dans la nuit du lundi 29 au mardi 30 octobre dernier. C’est un triste sort qui ne dit pas son nom.
Les faits
«Le quartier de Doumanzana, en Commune I du District de Bamako, est sous le choc depuis l’annonce de la mort de trois bouchers. Dans la nuit du lundi au mardi dernier, trois bouchers ont été fraichement tués à coups de cailloux et de gourdins par des jeunes regroupés en Comité de Brigade de vigilance du quartier. Dans le souci de nettoyer le quartier des bandits armés qui ne cessent d’y semer la terreur, les jeunes ont mis en place une Brigade de veille. L’urgence était de répondre aux bandits qui rendaient le quartier invivable une fois la nuit tombée. Dans ce quartier, les bandits ont tué, il y a deux semaines, un Chef de famille dans sa chambre pour prendre sa moto. Trois familles ont été cambriolées en séries. Pire, ces bandits opèrent comme s’ils sont en territoire conquis ; car, les Agents de sécurité appelés au secours des victimes au moment des faits se retranchent dans leur commissariat sous le prétexte fallacieux de manque de carburant et de mauvais état de leurs véhicules. Face à cette situation d’angoisse dans ce gros quartier de la Commune I, les jeunes ont décidé de prendre en main la sécurité des personnes et des biens. C’est ainsi qu’un Comité de Brigade de vigilance a été mis en place avec l’autorisation du Chef du village, des commissariats de police et de la Mairie de la Commune I. Une fois la nuit tombée, ces jeunes volontaires engagés et déterminés à affronter les bandits et autres voleurs patrouillent dans le quartier. C’est cette patrouille qui a commis l’irréparable dans la nuit du lundi au mardi passé, en ôtant la vie à trois paisibles citoyens en lieu et place des malfrats. Il était environ 5 heures du matin ce jour, lorsque ces jeunes patrouilleurs sont tombés sur deux bouchers sur une moto de marque Djakarta en partance pour l’abattoir. Exactement au niveau de la Place publique appelée «Kolon bada», située au cœur du quartier Petit Paris. Les bouchers sont pris pour cibles avant d’être tabassés à mort. La troisième victime qui n’est autre que le grand-frère des deux premiers venait au secours de ses deux jeunes frères gisant dans le sang et voulait témoigner qu’ils ne sont pas des voleurs, mais bien des bouchers. Peine perdue, les jeunes surexcités et ivres de colère ont donné des coups de gourdins à ce dernier aussi qui avait pourtant tenté de se justifier à travers ses pièces d’identité ; mais en vain.
Le bilan de cette bavure est triste. Trois frères de la même famille tués sur-le-champ. C’est après le forfait que les populations ont découvert que les trois bouchers du marché de Nafadji ont été tués en lieu et place des voleurs. C’était le choc, l’émotion et le remords sans précédent dans le quartier. Cette bavure d’ordre sécuritaire est la conséquence de la persistance du phénomène de l’insécurité résiduelle et de l’injustice dans le pays. Les bandits volent, violent, tuent sans être inquiétés. D’où l’instauration de plus en plus dans les villes d’une justice populaire qui est loin d’être irréprochable». Que leurs âmes reposent en paix!
Seydou Konaté : LE COMBAT