Le Haut conseil Islamique du Mali (HCIM) a été créé en Janvier 2002 afin de servir d’interlocuteur censé assurer l’interface entre l’Etat et la population musulmane malienne. Cette instance est présidée par l’Imam Mahmoud Dicko depuis 2008. Il est originaire de la région de Tombouctou et se réclame du courant dit « sunnite » (comme s’auto-désignent en général les tenants de la mouvance wahhabite).
Il y a, en fait, un flou conceptuel délibérément entretenu dans cette appellation (sunnite) car la plupart des acteurs islamiques au Mali s’identifient au sunnisme sauf les partisans de Choula Haidara appartenant au chiisme très minoritaire dans le pays.
Mais cela relève d’une stratégie de mainmise et de monopole de ce qui serait l’islam « orthodoxe » considérant les autres courants de l’islam comme relevant d’innovations (bid’a) et pratiquant la religion avec des « impuretés » que la mouvance wahhabite se devrait d’assainir.
Le premier vice-président; Chérif Ousmane Madani Haidara, guide spirituel de l’association Ançar Dine (à différencier du mouvement djihadiste d’Iyad Ag Aly), se réclame de l’Islam Malékite, l’école théologico-juridique de l’écrasante majorité des maliens malgré l’emprise des salafistes wahhabites sur le Haut Conseil islamique..
Mahmoud Dicko engage le HCIM dans le débat politique dès 2009 en parvenant à bloquer la promulgation de la loi sur le code de la famille auquel il impose 49 modifications qui seraient adoptées en 2011[1].Cette immixtion dans les affaires politiques prend alors effet dans la crise malienne de 2012 où il y aurait joué le rôle de médiateur entre l’Etat et des mouvements islamistes commeAnçar Dine d’Iyad Ag Ghali. De telles interférences font partie des contradictions notées dans les rapports entre politique et religion au Mali malgré la laïcité proclamée de l’institution étatique.
Au sein de cette sphère religieuse hétérogène, on comptait déjà en 2012 plus de 146 associations et organisations islamiques au Mali[2]. Cette multiplicité des mouvances religieuses est diversement appréciée selon les acteurs. Elle est perçue comme une richesse par les uns qui y voient les signes d’un champ islamique dynamique tandis que d’autres l’appréhendent comme un danger notamment en ce qui est du regain de rivalités et de conflits qui opposent les différents courants
Lors d’une étude sur les femmes et l’extrémisme au Mali, une équipe Timbuktu Institute a pu se rendre à une université islamique de Bamako où une partie des entretiens semi-directifs a été réalisée.
Elle a été créée en 2012 dans le but de former des lauréats avec des qualifications et des compétences qui s’adaptent à l’évolution technologique malgré son orientation profondément religieuse et son inscription dans la doctrine salafiste de l’islam. Cette université relève d’une ONG dont les financements parviennent principalement des pays du Golfe persique. (L’université du Sahel compte à son sein 529 étudiantes et étudiants[3]. En 2014, le nombre d’étudiantes était de 34 selon le site web abamako, à défaut d’autres sources sur le fonctionnement de cette institution au centre de la stratégie dite de « ré-islamisation » de la société malienne)= A supprimer pour des raisons déontologiques.
Lors de la cérémonie de sortie de la 3ème promotion de cette université et à laquelle notre équipe a pu assister, nous avons eu l’occasion de feuilleter les mémoires de fin d’études (en arabe) de certains lauréats. Deux d’entre-eux ont particulièrement attiré notre attention: « l’application de la sharia: entre ignorance et négligence » et « une étude appliquée sur le rôle de la musique comme facteur de délinquance des jeunes dans les clubs de jeunesse à Bamako ». Les idées défendues par de telles thèses sont bien proches des idées du courant dit “réformiste”, autre appellation euphémique du salafisme wahhabite dans la plupart des pays du Sahel.
Dans le centre de recherches et d’études africaines (MABDAA[4], Markaz al-Buhûthwa al-drâsâât al-ifrîqiyya) dont le siège se situe aussi à l’ONG al Farouk, et qui a été créé en 2013, nous nous sommes entretenusavec un haut responsable du centre. Celui-ci nous a expliqué qu’il cible les élites arabophones et francophonesafin qu’elles vienent fréquemment assister à leurs conférences. Il a également salué le leadership du président du HCIM et pense qu’il est « un acteur principal dans cette visibilité de la religion dans l’espace public ».
Des données importantes, révélées par l’étude préliminaire menée à l’époque au Mali, sont, aussi, à considérer afin de mieux saisir les principales contradictions qui traversent une société malienne en proie à la crise politico-sécuritaire et qui s’interroge sur l’avenir même des institutions. Ainsi, (84%) de la population féminine interrogée pensent que le système laïc doit être conservé au Mali contre (12%) qui estiment qu’il est très possible d’appliquer la sharia dans le pays.
Ces différentes opinions traduisent bien la volonté populaire d’une séparation entre les deux sphères politique et religieuse.
Mais une telle volonté n’a pu bénéficier d’un engagement politique pour une évolution positive de la situation des femmes dont les droits n’ont pas connu d’avancées depuis 2012. Est-ce dû à la trop forte pression électoraliste des mouvances religieuses depuis l’initiative Sabati 2012 lors des dernières présidentielles.
[2] Gilles Holder, Chérif Ousmane Madani Haidara et l’association islamique Ançar Dine, Éditions de l’EHESS « Cahiers d’études africaines »,N 206-207, 2012.
[3] Le nombre des étudiants figure sur le texte du discours prononcé par le recteur de l’université lors de la cérémonie de sortie de la 3ème promotion le 26 novembre 2016.
[4] – Mabdaa, signfie aussi « principe » en arabe littéral/
Le Pays