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Inflation de généraux : où va l’armée malienne ?

COLONEL ABDRAMANE BABY DIRPA ARMEE

L’armée malienne connaît un casse-tête, celui de la pléthore des généraux. Pour une armée à effectif contenu, c’est un record mondial de voir tous ces généraux, à étoiles pimpantes sur les épaulettes d’officiers, très souvent élevés à cette dignité militaire au moyen de critères mal choisis et mal maitrisés. A un rythme effréné tel que ça peut déraper…

L’armée malienne est-elle une armée de généraux ? Le malaise est désormais perceptible au sein d’une armée, à effectif contenu, mais qui renferme tant de généraux, toute tendance confondue.

Il n’y a pas encore longtemps, dans la foulée du coup d’Etat militaire du 22 mars, ils étaient plus d’une soixantaine de généraux dans l’effectif de l’armée et des forces de sécurité.

Si ce nombre a pu être revu à la baisse, du fait que des généraux ont été remis à la retraite d’office, il n’en demeure pas moins que le casse-tête demeure toujours, en ce sens que le nombre de généraux ne fait qu’enfler au rythme de nominations non maitrisées, elles-mêmes téléguidées à la cadence des festivités nationales.

Au cœur de la polémique : les nominations à titre exceptionnel. D’une manière générale, les récentes nominations au grade de général, qui ont eu lieu au sein de l’armée, l’ont été, sans aucune exception, au titre exceptionnel.

Si cette mesure, certes légale, et qui relève du pouvoir discrétionnaire du président de la république, qui en décide au bénéfice de certaines conditions, elles-mêmes explicitement énoncées dans les règlements militaire, il est néanmoins à déplorer qu’elle intervient à tout venant, dans la pure approximation des événements la sous-tendant.

En fait, on se rappelle (pour ne pas citer de noms) des nominations récentes d’officiers supérieurs aux grades de généraux, chacun en ce qui le concerne, et selon son époque, pour occuper la fonction, tant convoitée, de chef d’état-major des armées.

Pour le premier général à ce poste, c’était quelque temps avant le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012. Nommé chef d’état-major des armées, pour tenter de reconstituer une armée totalement affaiblie sur le front, l’officier en question, colonel de son état, au moment de sa nomination, ne pouvait qu’être élevé au grade de général à titre exceptionnel, quelques jours seulement après sa nomination à ce poste militaire suprême.

Pour les spécialistes du commandement militaire, ce n’était que justice, en ce sens qu’un colonel, bon tient, ne saurait valablement commander les troupes avec comme adjoint un général qu’on était obligé d’affecter à la Primature pour ne pas entretenir l’indiscipline liée à l’ancienneté par rapport à son chef promu trois jours auparavant.

Après le coup d’Etat militaire perpétré par la junte, ce fut le même décor : le nouveau promu au poste de chef d’état-major des armées, colonel de son état, sera propulsé, comme son illustre devancier, au grade de général, à titre exceptionnel, sur ordre du président de la république, commandant en chef des armées.

Dans le premier, comme le second cas, au-delà du contexte des nominations, le « titre exceptionnel », par lequel le grade de général est  intervenu pour les récipiendaires, n’a fait que briser plusieurs autres promotions au sein de l’armée nationale. Dans l’un comme dans l’autre cas, la nomination des deux « heureux » récipiendaires au garde de général a durement affecté les promotions antérieures aux deux promus, lesquelles deviennent du coup des promotions « sacrifiées ».

Quand on connaît le caractère sacré de la promotion, au sein de l’armée, quelle qu’elle soit, on comprend alors le degré d’indiscipline et de frustration qui cafouille quelque peu la renommée de notre armée nationale.

Ces promus généraux, dans l’intervalle d’un an, au titre exceptionnel, du fait des affectations consécutives au poste de chef d’état-major des armées, ne sont pas des cas isolés. L’armée malienne, en si peu de temps, en a connus bien d’autres, et dans bien d’autres circonstances, où des officiers, moyens ou supérieurs, pour les mêmes raisons liées à l’approximatif et à l’avenant, ont dû monter en grades supérieurs pour devenir, à titre exceptionnel, des généraux bon teints.

Certains de ces cas ont dû choquer l’opinion publique, à cause de leur survenance quelque peu cavalière, mais d’autres, rendus obligatoires par des prouesses militaires engrangées par leurs titulaires, ont été encouragés ou salués, comme tels.

En tout état de cause, on le voit, le « titre exceptionnel » qui permet aux officiers valeureux d’accéder au grade de général qui, normalement, existe dans l’arsenal militaire pour assouplir les mesures de nominations au gré des événements nationaux liés aux actes de bravoure militaire, n’est autre chose au Mali que source de malaise et de frustration au sein d’une armée qui en est d’ailleurs lourdement affectée.

A y regarder de près, à travers le monde, le grade de général est loin d’être sinécure.

Certains spécialistes des questions de l’armée admettent qu’il faut deux conditions pour être nommé à ce grade supérieur: la capacité de créer des stratégies (état-major) et celle d’anticiper sur le terrain (tactique).

De plus, soutiennent d’autres, le général doit être doté de grandes connaissances interarmes.

Dans l’armée française, on indique que c’est la loi qui limite le nombre de généraux au sein de l’effectif. Cela est normal, s’accorde-t-on, quand on a, comme en France, une armée avec un nombre fixe et déterminé de soldats.

Aux Etats-Unis, en outre, il y a des critères de sélection jugés rigoureux dès le départ. Dans ce pays, comme le soutiennent certains spécialistes, le nombre de généraux 3 et 4 étoiles est fixé. Pour les de trois et quatre étoiles, il y a des « jobs » spécifiques liés au grade militaire, comme par exemple le chef d’état-major, chef de corps, ou chef de centre régional, etc. Sans ces fonctions dites spécifiques, il n’y a pas de grade de général, trois ou quatre étoiles, et cela, malgré  l’ancienneté ou la compétence. Ce n’est pas tout : aux Etats-Unis, dans la plupart de ces cas de nominations au grade de général, l’avis du sénat est nécessaire. Car, si le président nomme sur proposition de l’armée, c’est bien le sénat qui confirme le promu.

On est loin, et même très loin, du cas au Mali.

Qu’à cela ne tienne : au Sénégal tout-près, il faut être diplômé pour passer au grade de général. Dans ce pays voisin, même pour passer au grade supérieur à commandant, il faut passer un examen d’aptitude, l’équivalant de notre Ecole d’état-major de Koulikoro.

Or, chez nous, au Mali, il y a en a qui n’ont même pas passé le BAC.

C’est pour cela, et compte tenu du fait que le grade de général n’est pas un handicap pour un corps de métier auquel il est censé plutôt servir de boussole, que nous devons arrêter, au Mali, avec cette inflation de généraux dans notre corps d’armée.

Il y va de la stabilité du pays et du prestige même du métier des armes.

 

Sékouba Samaké

Source: info-matin

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